Six

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Le retour à la réalité fut brusque. Une fois dans la rue j'avais croisé énormément de lycéens qui se promenaient entre amis sous le soleil chaud d'une belle soirée. Je les ai regardé quelques secondes rigoler et s'amuser ensemble et j'ai continué mon chemin les mains dans les poches.
Ma mère s'inquiétait parfois du fait que j'avais peur d'amis et que la plupart du temps, je restais seule. C'est vrai, le lycée est sensé être les plus belles années de ta vie où tu dois t'amuser et profiter de chaque instants. Elle s'inquiétait parfois que je n'ai toujours pas de petit ami comme les filles de mon âge, ou que la seule personne que je côtoyais sois une fille. Je me souviens qu'elle avait cru à un moment que j'étais lesbienne. Je ne le suis pas mais je ne l'ai jamais nié et je pense qu'elle croit que je le suis toujours.

Mon téléphone affichait dix-sept heures quarante-huit quand je suis arrivée devant ma grande maison blanche.
Ma maison possède trois étages, une véranda ainsi qu'une piscine couverte. Je fais partie de ces chanceux qui possède ce qu'ils veulent.
Mes parents ont beaucoup travaillé pour pouvoir subvenir à nos besoins. C'est aussi qu'à la mort précipitée de ma sœur, ma mère s'est réfugiée dans le travail. Elle ne rentrait presque plus à la maison, elle y passait tout son temps. Je suppose que c'est parce que c'était trop dur pour elle de rentrer et de se rendre compte qu'elle ne possède plus qu'une fille. Sa grande fille chérie avait disparu et il ne restait que moi.

Je longea mon garage et arriva vers la véranda. Je fis une pause pour observer  mon jardin. Il possède beaucoup de fleurs et d'arbres. C'était avec ma soeur, que l'on a planté toutes ces fleurs. Elle trouvait que le jardin manquait de quelque chose. Alors le lendemain nous sommes aller chercher pleins de bulbes de fleurs. Et dans la semaine qui suivait, à deux nous avions transformé ce jardin.
Tout au fond, caché à l'abri des regards, il y a un banc en pierre. J'y passais tout mon temps avec ma soeur. Pour parler de tout et de rien, pour jouer et un tas d'autres choses. Aujourd'hui, ce n'est plus qu'un banc douloureux chargé de souvenirs plus dur les un que les autres.
J'arrache mes yeux du décor et pénètre dans la maison.
Je traverse la grande cuisine pour me retrouver au salon. Mon salon est très moderne, dans les tons taupe. Je salue ma mère qui est sur le canapé, son ordinateur dernier cri sur les genoux, une tasse a café dans une main et un crayon dans l'autre.
-Bonne journée?
-Si quelqu'un me parle encore une fois du bac, je vais faire un meurtre, dis-je en observant un livre posé sur la table.
-D'un côté, ils n'ont pas tord de vous rabâcher ça. C'est très important le bac, tu le sais.
-Je sais maman. Soupirai-je agacé de cette remarque. Comme ci je ne le savais pas. On ne fait que ça, me bourrer le crâne à propos du diplôme de fin d'année.
Elle pose son ordinateur à côté d'elle ainsi que ce qu'elle tenait. Elle s'humecta les lèvres et se tordis les mains.
-Madame Deas m'a appelée... Commence-t-elle
-Oh non j'y crois pas! Mais elle ne va jamais me lâcher celle-là ! Le premier jour! Le premier jour elle me fait déjà chier!
-Ton langage Agathe!
Tu sais très bien qu'elle fait ça pour ton bien.
Elle se leva et fit les cent pas dans le salon lumineux en cherchant ses mots. On aurai dis un hamster dans sa roue, ça me faisait mal au crâne.
-Je pense que c'est une bonne idée d'aller voir un psy. Il y en a de très bons! C'est leur métier de nous aider... Je pense que tu devrais essayer. Rien qu'une séance.
Son regard me supplie tellement que j'ai du mal à être dur avec elle.
-Pas pour l'instant. Je veux pas en parler. Répondais-je calmement en tournant les talons pour m'éclipser dans ma chambre. Je l'entendis soupirer et je monta les marches du grand escalier deux à deux pour me diriger le plus loin possible d'elle.

Étrangement, je ne m'arrête pas au premier étage mais au deuxième. Mon corps me pousse à aller la bas, mais mon cerveau demande de faire demi-tour. J'arrive à l'embouchure du grand couloir et m'enfonce dedans. Je longe les portes, observe les cadres photos de ma famille il y a quelques années. Mon père, ma mère, ma soeur et moi. Tout été si bien. Comment cela a pu changer aussi vite? Je passe mes doigts sur le mur chargé de souvenirs qu'était notre famille avant.

Je m'arrête devant la grande porte en bois qui est celle de ma soeur. Je n'y suis jamais retournée depuis qu'elle nous a quitté. Je ne veux pas avoir le souvenir de cette chambre sans elle. Je pose une de mes mains tremblante sur la poignée et prends une grande respiration. Je veux juste ouvrir la porte et trouver ma soeur assise sur son lit. Je prends une grande inspiration pour me donner du courage et appuie sur la poignée. La porte grince et mon cœur se serre.

Le lit blanc de ma soeur est resté intact à comment elle l'a laissé. Son bureau contient encore ses cahiers. Le cadre de nous deux au-dessus de sa fenêtre est empoussiéré. Sur sa grande armoire sont restés les derniers vêtements qu'elle avait mis sur un cintre.
Je n'ose pas entrer. Je ne peux pas. Je la revois assise sur sa chaise de bureau m'annoncer sa décision.
Je ne peux pas! Ma tête tourne, tout mon corps tremble. Je me retiens à la poignée pour pas tomber et trouve la force de partir en courant. Je dévale les escaliers jusqu'à mon étage et une fois dans ma chambre, m'effondre sur mon lit. Je n'ai même pas remarqué que des larmes perlent sur mes joues. Je pose l'oreiller sur ma tête et hurle dedans autant que je le peux. Je le frappe, le piétine, le jette à terre. Puis à bout de forces, tombe au pied de mon lit et laisse échapper de gros sanglots.

Insociable [EN PAUSE, REPRISE CET ÉTÉ]Where stories live. Discover now