Neuf

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  ANCIENNE SUITE








Les mains croisées sur ma poitrine, jambes superposées, mes yeux ne quittent pas l'horloge. Les personnes qui sont censées être mes camarades pour cette année sont déjà en train de discuter entre eux, laissant la professeur parler toute seule.
Je ne comprends pas ce métier. S'enquiquiner à préparer des cours et corriger des copies pour des élèves qui s'en foutent. Heureusement, quelques élèves restent concentrés et essayent de réussir leur année. Un grand respect à tous les professeurs.

Madame Flost s'assied sur le petit bureau encombré de feuille puis commence à énumérer les choses qu'elle veut savoir sur nous. Je remplis mon nom, mon prénom et puis... C'est le malaise quand arrive nombre de frère et sœur. Que dois-je dire?
"Ma sœur est morte il y a moins d'un an." ?
"Une sœur." ?
"Pas de frère et sœur."
Comment pourrais-je dire que je n'ai pas de sœur? C'est juste impossible à dire ou à écrire. J'en ai bel et bien une sœur et elle s'appelle Naomie. Un magnifique prénom pour une magnifique âme.
Un frisson parcourt mon corps quand je revois son visage si près du mien. Mon regard reste hypnotisé sur ma feuille.
Je me contente de me frotter les yeux et passer cette ligne. Plutôt mourir aussi que dire que je n'ai pas de sœur. Jamais je ne pourrais faire comme si elle n'avait jamais existé. Même si je ne la vois plus, elle est là avec moi. Depuis toujours. C'est pour moi qu'elle a voulu se faire opérer. Uniquement moi. Je dois me battre pour elle.
Je sors de ma transe pour observer l'heure. Encore trente minutes. Je parcours la salle du regard puis tombe sur celui de Calvin. Rivé sur moi. Il a les sourcils froncés et un regard à la fois triste et interrogateur. Il lève et redescend sa tête pour me demander indirectement si ça va. Je lui fais un petit sourire en hochant la tête, puis retourne mon regard vers le tableau.
-Éh?
Je tourne la tête pour observer la fille à côté de moi. Elle a de magnifiques yeux bleus, des petites taches de rousseur sur les joues.
-Ça va? Me demande-t-elle l'air inquiète?
-Oui très bien pourquoi? Me forçais-je de répondre avec un sourire des plus faux plaqué sur mon visage.
-Alors pourquoi tu pleures?

*********

C'est la libération quand la dernière heure de cours a sonné. J'ai de plus en plus de mal avec l'école. Et pourtant je suis une bonne élève. Mais tout est devenu inintéressant, inutile. Ou bien peut-être que c'est juste parce que nous travaillons pas encore? Les présentations, c'est vraiment inutile...

-Aly! Dis gaiement Louis en arrivant près de moi.
-Salut. Répondais-je encore vexée de la veille.
Il me dépose un baiser sur le front et m'observe de ses grands yeux, tandis que je fais rouler les miens.
-Ne me dis pas que tu as pleuré ? Me demande-t-il avec un regard de pierre.
-Quoi? Non! Répondais-je mal à l'aise mais avec un minimum d'entrain pour que cela paresse vraie. Bon j'ai fini les cours, je dois y aller si je ne veux pas louper le bus. Salut!
Je le contourne et me précipite vers la sortie en espérant qu'il ne me suive pas. Louis à toujours était là pour moi, c'est un super ami. Mais depuis quelque temps, enfin depuis Mia je pense, c'est devenu plus compliqué.
Je tourne la tête pour voir s'il est derrière mais je le vois là où je l'ai laissé avec sa charmante copine. Je suis vite remplacée dis donc.

Quand je passe les grilles blanches, un sentiment de liberté m'envahit. Le devant du lycée est peuplé d'élèves qui fument, parlent ou attendent que ça sonne.
Je contourne l'énorme parterre de fleure puis débouche sur la route. Cette route qui m'est devenue si familière, mais que je devrais quitter l'année prochaine. J'enlève ma veste que j'accroche à ma taille. La chaleur est presque pire qu'hier. Je ramène mes cheveux en chignon sur mon crâne puis essaie de me faire de l'air avec les mains. L'air est irrespirable. Je n'aurai jamais du mettre un jean...

Après peut-être 500 mètres, c'est comme si mon cœur aller imploser à l'intérieur. Je me retrouve face à la grande université, là où ma sœur était.
J'y passais une partie de mon temps, j'allais travailler avec elle à la bibliothèque et j'allais la chercher pour aller prendre le bus.
Je traverse vite la rue en regardant mes pieds pour m'éloigner le plus possible d'ici. Comment tout a pu changer en si peu de temps? Avant j'adorais venir dans cette rue. Maintenant un sentiment de solitude m'envahit.
Mais tout à changé et il ne peut pas y avoir de retour en arrière.

Je continue mon chemin sous la chaleur étouffante, sous un ciel parfaitement bleu. Pas un seul nuage pour gâcher ce ciel. Avant j'aurais adoré cette journée. Je me disais toujours que quand il fait beau, c'est une raison d'être heureuse. Mais aujourd'hui, je ne suis plus heureuse. Mais peut-être que cela changera un jour? Je l'espère... Mais personne pourra remplacer ma soeur.

********

Il est quinze heures trente-six quand je descends du bus. Comme toujours je serai seule à la maison donc je compte bien aller à la plage. Resté seule à la maison me rappelle trop de souvenir, je ne me sens plus vraiment chez moi.
Quand j'arrive, je découvre le portail ouvert. C'est étrange ma mère le ferme toujours. J'observe quelques instants la rue puis rentre. Je contourne la maison pour passer à l'arrière, on ne sait jamais. La porte est ouverte. Ce n'est pas normal ça. Une bouffée de panique s'empare de moi et je me cache derrière le mur de brique. J'éteins la sonnerie de mon téléphone et enlève mes chaussures pour être discrète en rentrant. Je pose mes affaires et franchis la porte. J'entends des petits bruits provenir du salon. Je jurerai qu'on puisse entendre mon cœur battre à vingt mille kilomètres à la ronde.
J'arrive à l'embouchure du salon et écoute. Quelqu'un cherche quelque chose. Mais quoi? Et qui?
Je passe ma tête discrètement, tétanisée par la peur de trouver un étranger chez moi.
Je pousse un cri de terreur quand je vois quelqu'un que je ne connais pas. Il est de dos, à la carrure d'un homme et est vêtu de noir. Il se retourne brusquement et je reconnais un Miller. Le plus jeune. Celui qui m'observe sans arrêt. Un éclair de panique passe dans ses yeux et il court à travers la pièce. Je me retrouve expulsé au sol en quelques secondes. Je reste à terre sur les fesses tandis que j'entends des bruits de pas dans la maison. Puis soudain le bruit de la lourde porte d'entrée claque et soudain, le silence revient.
J'enfouis ma tête dans mes bras et pousse un gros sanglot de soulagement et de peur. Qu'est-ce qu'il faisait ici ? Pourquoi m'a-t-il simplement poussé pour partir et pas assommé? Pourtant il sait que je l'ai reconnus.
Pourquoi?

Insociable [EN PAUSE, REPRISE CET ÉTÉ]Where stories live. Discover now