ANCIENNE SUITE
"Qu'est-ce qu'il faisait ici ? Pourquoi m'a-t-il simplement poussé pour partir et pas assommé? Pourtant il sait que je l'ai reconnus.
Pourquoi?"
******
-Tu vas en parler à tes parents?
La voix d'Hugo retransmis par le haut-parleur à l'air douce et inquiète.
-Non je ne pense pas... Je vais essayer d'aller le voir et lui demander ce qu'il fichait ici.
-C'est grave Aly... On ne rentre pas par effraction chez les gens comme ça! Voisins ou pas.
-Je sais... Soupirai-je à l'autre bout du fil.
-D'ailleurs tu es bien sûr que c'est lui?
-Oui. Enfin, je crois... Je suis plus sur de rien, je verrai tête reposée.
Il pousse un gros soupir et me demande ce que je compte faire.
-Je sais pas encore, on verra bien. Déjà voir s'il n'a rien volé. Après on verra...
-Et il ne t'a pas fait mal?
-Non, juste poussée...
Inutile de le voir pour deviner qu'il est inquiet. Ça ce li dans sa voix.
Un énorme bruit sourd raisonne dans le téléphone et je le repousse de mes oreilles en grimaçant. Je baisse les yeux sur mon vernis écaillé. J'ai la mauvaise habitude de me défouler dessus quand je suis angoissée.
-Merde je suis désolé Aly ça sonne je vais devoir y aller... Tu es sûr que tu ne veux pas que je vienne? Ce n'est pas louper un cours qui m'embête.
-Mais non ne t'inquiète pas ça va aller. Tu ne vas pas sécher dès le deuxième jour! gronnai-je comme si j'étais sa mère.
-D'accord...
-Aller va, je t'écris au cas où. Bisous.
Sa voix se trouble et j'en entends une vingtaine derrière. J'entends juste "Fais attention" puis raccroche.
Dix-sept heures cinqFais attention. Et s'il avait vraiment raison et que c'était dangereux ? Et s'il voulait s'en prendre à moi, Jack? Il connaît ma chambre, mes horaires où je suis dehors...
Et si encore pire, ce n'était pas lui?
Un frisson passe dans mon dos et je resserre mes jambes contre ma poitrine. Le banc commence à être en mauvais état. Une fine couche verte recouvre une partie de la pierre et des morceaux se détachent petit à petit. Comme si le banc avait faits son temps.
Après la mort de ma soeur, je ne voulais plus y aller. Je me disais qu'être ici, sans elle, c'était injuste. Que ce n'était plus ma place si elle n'y était plus. Je me suis toujours dit que je devrai rester en deuil jusqu'à la fin de ma vie. Que je n'avais pas le droit de continuer ma vie alors que la sienne c'est arrêté brusquement.
Elle me manque. Ce que nous étions ensemble me manque. Cet horrible trou dans la poitrine est arrivé quand elle est partie. Un visage que je ne reverrai plus jamais, un cœur que je n'entendrai plus jamais battre. Comment la vie peut-elle s'arrêter à 18 ans?
Quand j'étais petite, je me demandais toujours comment les gens faisaient pour faire le deuil de quelqu'un. Chaque minute, une personne meurt dans le monde. Cela peut être de tout, de vieillesse, de maladie, d'accident... Mais le pire c'est après. Je me suis toujours demandé comment les gens faisaient pour passer outre. Des centaines de personnes regardent tous les jours des chaussures qui ne seront plus jamais utilisées, une chambre qui ne sera plus jamais allumée le soir. Une chaise qui restera vide, une brosse à dent qui ne sera plus jamais utilisée.
Je me suis toujours demandé, comment faisait-il? Maintenant je le savais. Il vivait avec quelque chose en moins. Ils écoutaient les autres dirent que le temps effaçait les cicatrices, mais au fond, de jour en jour, rien ne passe. Le manque est là et le sera toujours.
Mais la seule chose que l'on puisse faire, c'est honoré sa vie en réussissant la notre à leur place.Je passe ma main pour caresser la place vide à côté de moi et imagine qu'elle est là, près de moi.
Que dirait-elle? C'est vraie, moi je ne sais pas quoi en penser. Mon cerveau est prêt à exploser si je continue à me poser autant de questions.
Avant je suivais beaucoup ses avis.
C'est normal, c'était mon exemple.
Je pense qu'elle m'aurait regardé droit dans les yeux, sa main caressant la mienne et m'aurait chuchoté que tout aller bien. C'est ce qu'elle disait souvent quand mes parents se disputaient. Je partais me réfugier sur le banc où elle me rejoignait le sourire aux lèvres. Quand je pleurais, elle était là pour sécher mes larmes. Elle disait toujours que la vie est une suite d'épreuves plus ou moins difficiles. Ensuite, je posais ma tête contre son épaule en fermant les yeux, puis elle me berçait jusqu'à ce que ça aille mieux.
Je souris nostalgiquement puis me retire dans la maison à petites enjambées dans la maison. Le ciel s'est recouvert, le bleu est moins présent qu'il y a une heure. Je re-baisse mes yeux vers l'herbe verte et écoute la maison vide avant d'y rentrer. Et s'il était revenu ? S'il m'attendait? Qu'est-ce que je ferai?
Une brise de vent vient caresser ma peau et je me décide de rentrer. Je prends tout mon temps et je pénètre dans la maison silencieusement. J'expire l'air de mes poumons et passe dans le salon. Personne. Je scrute les moindres coins à la recherche d'un quelconque intrus mais personne. Je grimpe à l'étage et un petit crissement me fige sur place. Mes jambes s'arrêtent net et je retiens mon souffle, ma main accrochée à la rampe. Il y a quelqu'un en haut. Dans la chambre de mes parents.
Des bruits de pas raisonnent et ma gorge se ressert à tel point que j'ai du mal à respirer. Le plancher grince et je reste tétanisée de peur qu'on sache ma présence. Sans quitter la porte du regard, serrant la rambarde de toutes mes forces, je pars à reculons dans les grands escaliers de bois. Je descends sur la pointe des pieds et touche au but quand les bruits de pas s'arrêtent. Puis le grincement de la porte. Je m'arrête, tremblante comme une feuille à la recherche d'une issue. Il reste une dizaine de marches avant d'arriver en bas et la maison est tellement grande que je suis loin de la sortie. Mes jambes tremblent sous mon poids, j'ai l'impression que mon cœur va lâcher. J'expire tout mon air et ferme mes yeux. J'espère qu'ils ne se réouvriront jamais.
Et puis la porte s'ouvre devant moi.
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Insociable [EN PAUSE, REPRISE CET ÉTÉ]
Genç KurguAyant perdu sa soeur depuis peu, Agathe 17ans, essaie tant bien que mal de se reconstruire. Et pourtant, sa vie va être beaucoup plus difficile à affronter que ce qu'elle n'avait prévu. "La vie est une suite de combat plus ou moins difficile" Mais...