Chapitre 37

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 Je me retrouvais dans une salle de cours des plus banales. Assise au premier rang vers la droite.

 - Tenez, voici le travail à faire. Je reviens dans une heure, dit le professeur en sortant de la salle.

 Après le concert, j'avais séché les cours. J'étais bien trop fatiguée pour y aller, résultat, je me retrouvais dans cette salle pour tout rattraper.

 La porte claqua. Je me retournais vers le fond gauche de la salle où Tia était assise. Elle commençait déjà à travailler, ça ne m'étonnait même pas.

 - Tia, pourquoi t'es collée?

 - Sûrement pour la même raison que toi.

 - Pourquoi t'as séché?

 - Ça ne te regarde pas.

 Son ton me glaça le sang et un frisson me parcourut la nuque.

 - Tu peux me le dire, on est coincée une heure ici, alors autant discuter un peu.

 - On est pas coincée, si tu veux partir libre à toi. En tout cas je n'ai pas envie de discuter avec toi, j'ai du travail à faire.

 - Qu'est ce que je t'ai fait à la fin?

 - Rien.

 - Alors pourquoi tu me parles comme ça?

 - C’est ma façon de parler, j’ai toujours parlé comme ça.

 - Non pas toujours.

 C'est vrai qu'au début elle utilisait un ton assez sec envers les autres et envers moi. Seulement, une fois que l'on est devenue amie, elle a comme changer d'attitude. J'avais découvert que sa voix était plus aigu et elle me parlait calmement, pas agressivement.

 Elle soupira.

 - Fais pas comme si tu me connaissais, reprit-elle fermement.

 - J'en connais plus sur toi que tu ne le crois.

 - Arrête.

 - T'aime faire du sport.

 - Tais-toi.

 - T'aime un peu personne.

 Elle ne dit rien alors je continuais.

 - T'aime la mer.

 Elle serra son stylo de plus en plus fort en me regardant d'un regard noir. Je marchais dans sa direction pas à pas, prononçant une phrase à chaque pied posé au sol.

 - T'aime la nuit.

 Un pas.

 - T'aime les balançoires.

 Un pas. J'arrivais à sa hauteur.

 - T'aime aussi dessiner.

 Elle se leva pour me faire face. On n'était séparée que de quelques centimètres, une table entre nous.

 - Je t'ai dit d'arrêter, continuait-elle.

 Je posais sur son cahier une petite boîte. Sa boîte à crayon. La première. Elle me l'avait donné quand on était petite. Pour elle le dessin représentait toute sa vie et ses crayons de couleurs comptaient tellement à ses yeux. Si elle me l'avait donné, c'est qu'elle tenait vraiment à moi, qu'elle me faisait confiance. Depuis ce jour je l'avais gardé dans le tiroir de ma table de nuit, "je lui rendrais un jour", pensais-je le soir avant de m'endormir. Ce jour était arrivé. Je la lui rendais enfin, elle comprendra peut-être un jour pourquoi je l'avais… je l'espérais.

 Je retournais à ma place et me mis à travailler, ne me retournant plus de toute l'heure.
 En sortant de la salle, je pris directement à gauche et sortis du lycée. Je ne tenais pas à rester une minute de plus dans cette endroit qui était devenu une vraie prison.
Tia avait été si dure avec moi tout à l'heure. Ça me faisait vraiment mal. Je voulais pouvoir la câliner à chaque moment de la journée. Elle était mon nounours, ma peluche que j'emportais partout. Sans elle j'étais une enfant perdue au milieu de cette grande ville.
 La porte s'ouvrit au moment même où j'entrais la clé dans la serrure. Logan me poussa à l'intérieur et referma la porte derrière moi. Pourquoi toute cette agitation soudaine? Ma mère et mon père sortirent de la cuisine et apparurent devant moi l'air furieux. Ils commençaient à me faire peur. Une telle vague de mouvement n'était pas habituelle dans cette maison. Je regardais mon frère qui avait toujours ses mains posées sur mes épaules. Lui aussi n'avait pas l'air d'être content, néanmoins un petit sourire au coin de ses lèvres me rassurait un peu. Comme personne ne prenait la parole je me lançais.

 - Y’a un problème?

 - Réunion de famille dans le salon. Vite! hurla presque mon père.

 Je m'assis sur le canapé en face de mes parents et de mon frère. On aurait dit que je me trouvais au tribunal. Mon cœur battait si fort dans ma poitrine que n'importe qui dans cette pièce pourrait l'entendre. Je m'aperçus que ma petite sœur n'était pas là. Pourtant les réunions de famille se faisaient tout le temps à cinq. Mon père estimait que la petite dernière devait aussi y assister pour faire partir de la vie de famille, elle était assez grande pour tout comprendre et avait le droit de savoir. J'attendais quelques secondes attendant de la voir descendre les marches. Elle ne vint pas.

 - Où est Maya? me décidais-je enfin à dire.

 - C'est bien ça le problème, commença ma mère. Tu es irrécupérable en ce moment Abbigaëlle. D'abord tu sèches et ensuite tu oublies ta sœur à l'école? Qu’est-ce qu'il se passe?

 J'avais complètement oublié. Après mon heure de colle j'étais censée faire un détour par l'école maternelle. C'était mon tour. Je regardais ma mère, mon père puis Logan. Ils affichaient tous la même tête, furieux et exaspérés.

 - Je suis désolée. Où elle est maintenant?

 - Tu as de la chance, la maman de Camilla était là et puisqu'elle ne t’as pas vu arriver, elle a ramené ta chère petite sœur chez elle et nous a appelé.

 - Elle est encore chez Camilla?

 - Oui, va la chercher dans une heure, nous estimons que c'est à toi de le faire. N'oublie pas.

 Je me détendis.

 - Promis, j’oublierais pas.

Don't stopOù les histoires vivent. Découvrez maintenant