Chapitre 38

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 Je sortis de la salle, pressée de rentrer chez moi. Malgré la présence d’Abby, cette heure n’avait pas été si horrible que ça. Mis à part mon manque de sommeil, tout allait “bien”, du moins je m’en persuadais.

 Il y avait tellement de monde dans le couloir que pour la énième fois de ma vie je rentrais dans quelqu’un, c’était devenu une habitude.

 - Désolé.

 - Ah Tia, justement je te cherchais!

 Megan m'entraîna dans les toilettes.

 - Où t'étais passée? Je te cherche depuis hier!

 - Je viens de sortir de mon heure de colle.

 - Je rêve! T’as séché? me demanda t-elle choquée.

 J’hochais la tête.

 - Hier.

 Elle prit un brève inspiration.

 - C'est bizarre parce que Abby aussi à séché hier. Quelle coïncidence! ironisa t-elle.

 - Qu'est-ce que t'insinues?

 - Rien. Rien du tout. C'est juste que c'est bizarre, dit-elle piquée.

 - Dis juste que tu penses que je ????avec “l’ennemie”, dis-je froidement.

 - T'as raison. Plus tu te rapproches d'elle, moins j'ai confiance en toi.

 - Depuis quand je me rapproche d’Abby? Je ne sais pas ce qui se passe dans ta tête, mais je n'ai aucun lien avec elle Megan.

 Elle soupira et son visage se crisper de frustration et de colère.

 - J'espère que vous vous êtes bien amusée en colle! lâcha t-elle en sortant des toilettes telle une furie.

 Pourquoi devait-elle en faire toute une histoire? De quel droit pouvait-elle m’interdir de vivre ma vie comme je le sentais? Je soupirais à mon tour et quittais cet endroit pour rentrer.

 Depuis vendredi je n’avais pas fermé l’oeil une seule heure. Mes trois dernières nuits passées avaient été consacrées à la réflexion. Je réfléchissais tellement que je finissais encore en “transe”, le vide s’emparait de moi et je me retrouvais une fois de plus dans un trou noir qui m’empêchait de basculer du côté des rêves. Je basculais rarement de ce côté, le plus souvent j’étais à moitié consciente et je gigotais dans tous les sens en espérant trouver ce sommeil. Heureusement que j’avais des limites et ce soir j’allais enfin pouvoir passer une bonne nuit. J’avais mal à la tête, j’avais mal partout. Finalement j’étais contente d’avoir été collée, je m’étais un peu avancée dans mes devoirs, n’empêche, il me restait encore des exercices de maths, d’éducation sociale et le cours d’histoire à comprendre, et surtout à apprendre.

 En entrant dans ma propriété, je me ruais dans la cuisine où je sortis une brique de lait chocolaté du frigo que je bu dehors, sur ma balançoire.

 De mes mouvements de pieds, je fendais l’air. Le balancement me berçais et je descendis subitement de la petite planche avant que le sommeil arrive. Je montais à l'étage, dans ma chambre, faire mes devoirs. Le sommeil me poursuivait, je le sentais me toucher parfois. Il fallait m’étirer pour l’éloigner un peu.

 Vers dix-neuf je descendis me faire un bol de soupe verte et mangeais un yaourt et des fruits. Ça faisait depuis plusieurs mois que j'avais perdu l'appétit. Je ne savais pas ce qui clochait chez moi, mes besoins vitaux devenaient des besoins contingents et inversement. Chaque jour, je ne ressentais pas le besoin de manger et de dormir, je ressentais plus le besoin de dessiner et faire du sport. Parfois je me demandais vraiment si j'étais une extraterrestre…

 Une fois que je sentis l'eau descendre le long de mon corps, je me détendis. J’enfilais un léger sweat gris et un bas. La douche m'avait réveillée, elle avait chassé mon sommeil. Loin, très loin. Et je savais que s'il était loin, je ne le trouverais sans doute pas d'ici deux ou trois jours.

 Je décidais alors d'entamer une série, je n'avais pas décidé laquelle, mais je comptais en commencer une pour de bon. Je n'avais jamais eu le temps pour ces choses, donc pourquoi pas me lancer dedans.

 Comme toujours, je passais la serpillère sur mon balcon et y encastrais un petit canapé de sol, dans la partie gauche d’un mètre cinquante de largeur, par dessus la couverture que j'utilisais pour m'asseoir dehors. J'attachais ma moustiquaire blanche et une guirlande lumineuse aux rebords du balcon puis lançais trois gros coussins sur le canapé. Mon traversin ainsi que mon ordinateur en main, je me glissais sous la moustiquaire et me calais avant de lancer une série policière par laquelle je fus captivée dès le premier épisode.

 - Salut…

 En plein milieu du deuxième épisode, je poussais un petit cri aiguë.

 - Comment t'es arrivé là? dis-je toujours aussi surprise. Attend… t’as escalader le portail?

 - Et l’échelle, dit-il en se glissant sous la moustiquaire.

 Oh merde, mais pourquoi j'ai laissé cette fichu échelle là? Et en même temps pourquoi j'ai eu l'idée d'attacher une échelle à mon balcon pour faire le cochon pendu?

 - Et… qu'est ce que tu veux?

 - Rien. Je voulais juste te voir.

 - Me voir? demandais-je incrédule.

 Quelle idée de vouloir me voir? Ça n'avait aucun sens, c'était même bizarre...

 - Ouais, te voir.

 Evan se déchaussa et s'assit entre les barreaux du balcon et moi.

 - Rien que ça? insistais-je.

 - Quoi de plus? dit-il du tac au tac.

 - Je sais pas… moi ça m’est jamais venu à l'esprit de vouloir voir quelqu'un.

 - Ça viendra.

 Je tournais la tête dans sa direction.

 - J’espère…, continua t-il en ancrant ses yeux toujours aussi magnifiques dans les miens.

 Euh… à vrai dire, j'avais toujours autant de mal à comprendre les gens. Je ne comprenais absolument pas leur besoin de voir quelqu'un, leur besoin de parler pour combler le vide et leur besoin de vouloir tout savoir. La vie est tellement plus simple quand on est seule dans sa bulle… surtout que lui et moi on était pas si proche que ça pour se retrouver là, sur mon balcon, en plein milieu de la nuit.

Don't stopOù les histoires vivent. Découvrez maintenant