* Prologue *.

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Abi

Le coup de feu la prit au dépourvu et l'assomma littéralement, l'envoyant valdinguer en arrière sur le bitume fissuré de la route.

Une traînée sanglante apparut sur sa joue, et laissa sur sa peau une brûlure douloureuse, alors qu'elle roulait sous un pickup.

Son cœur manqua de sortir de sa poitrine tellement il cognait fort. Elle porta la main à son visage.

Bon, elle allait vivre, en fin de compte. Excellente nouvelle. Ce connard l'avait ratée.

Il ne loupait jamais personne.

La mauvaise nouvelle était que cela ne durerait peut-être pas très longtemps.

La jeune femme jura et souffla sur une mèche de cheveux châtains avant de se mettre sur le ventre pour essayer d'apercevoir quelque chose sous le châssis de la voiture. Mais à part les carcasses des autres véhicules, elle n'y voyait rien du tout.

Plusieurs choix s'imposaient à elle : soit elle se levait et fonçait, mais elle risquait de ne pas avoir fait dix pas avant de se faire canarder. Soit elle patientait sagement à l'abri que... Que quoi, d'ailleurs ? Que monsieur le tireur d'élite s'approche pour avoir un meilleur point de vue ?

La jeune femme pesta.

Quelle journée de merde !

D'abord, elle avait ouvert les yeux pour constater que ses provisions avaient disparu. Volatilisées !

Un chien ? Le bruit l'aurait réveillée.

Un rôdeur ? Pourquoi ne l'aurait-il pas tuée en même temps ? Par les temps qui couraient, on n'abandonnait personne derrière soi à moins qu'il ne soit mort.

Elle n'arrivait pas à trouver une logique à tout ça. Elle avait passé la moitié de la journée à réfléchir, à sursauter au moindre murmure, jusqu'à ce qu'elle manque de se casser la jambe dans un égout.

Il n'y avait plus personne pour entretenir les routes, et les dernières catastrophes naturelles n'avaient pas aidé le relief à rester en place. Le trottoir s'était effondré sous ses pieds et elle avait eu de la veine de ne pas se faire plus de mal que l'écorchure qui courait de sa cheville à son genou. Bon, en vérité, elle douillait grave cette blessure.

Au loin, elle entendit le croassement d'un corbeau. Saleté de bestioles.

S'était-il rapproché ? L'avait-il gardée en joue ? Était-il seul ?

Bien sûr qu'il était seul. Ils étaient toujours seuls. Les derniers.

Lorsqu'elle avait compris que le monde allait changer de manière radicale, Abi avait décidé de partir. Elle n'était pas très sûre de l'endroit où se réfugier, mais elle savait qu'il fallait quitter les villes. Dans tous les films catastrophes, les villes étaient les premières à être détruites. Elle avait plus de chance seule, cachée dans la campagne.

La campagne, c'est chouette, c'est calme et pas très fréquenté... jusqu'à maintenant.

Depuis combien de minutes temporisait-elle sous cette voiture ?

Cinq minutes, dix ?

Que faisait-il ? Était-il toujours à l'affût, là-haut, sur le rebord du pont, où était-il descendu pour mieux l'avoir ?

Il n'a pas besoin de s'approcher pour t'avoir.

Elle devait prendre une décision : attendre et mourir, ou s'échapper et mourir. Des deux options, Abi préférait encore tenter sa chance et courir.

Elle tendit la main pour récupérer le sac qu'elle avait laissé tomber et le tira vivement à elle.

Silence.

Aucune balle ne la transperça. La jeune femme soupira et se tortilla pour changer de position. Elle rampa lentement sous le châssis, puis continua de carcasse en carcasse.

Lorsque le véhicule était trop éloigné, elle prenait le risque de se redresser à moitié et de sprinter jusqu'à l'abri relatif de ferraille.

Personne ne vint l'arrêter avant qu'elle n'atteigne la barrière de sécurité puis la sûreté des arbres. Une fois hors d'atteinte, dans la forêt, elle prit le temps de regarder derrière, d'observer la zone.

Le ruban autoroutier qui s'étendait sur plusieurs kilomètres était calme et désert. Quelques dizaines de voitures abandonnées, certaines avec les portières encore ouvertes, jonchaient l'asphalte, leurs carcasses pourrissantes au soleil de ce mois de Septembre.

Où était-il ? Pourquoi ne l'avait-il pas achevée ?

Aucun des récits qu'elle avait entendus sur les derniers ne laissait de fin heureuse. Ils n'oubliaient personne, ne loupaient personne.

Sauf elle.

La jeune femme jeta un dernier coup d'œil avant de rattacher soigneusement le sac sur son dos et de vérifier qu'elle avait toujours son pistolet, qu'elle glissa au creux de ses reins. Elle détestait sentir l'arme sur sa peau, mais elle appréciait de l'avoir à portée de main au cas où elle viendrait à recroiser le tireur.

Allait-il la traquer ?

Elle préférait ne pas savoir, et partit au pas de course à travers les arbres.

Que tombent les feuilles... [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant