Partie 8

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- Aaron...
Son murmure frôla mes oreilles.
Je sentais sa présence prendre possession de l'obscur vide qui m'entourait. Sa voix n'indiquait aucune direction. Elle était partout et nulle part à la fois, comme un fantôme.
J'essayais en vain de distinguer quoi que ce soit au milieu de rien.
- Regarde Aaron...
La forêt ensoleillée se projeta alors autour de moi et elle apparut, à quelques mètres, souriante, vêtue d'une robe en cuir bleue que j'aurais juré avoir déjà vue.
Mais soudainement, son sourire tomba et ses yeux devinrent jaune. Jaune vifs.
- Aaron...
Le vide se déploya sous mes pieds et tandis qu'un cri franchissait mes lèvres, mon corps fut pris d'un violent sursaut.

- E-Em-Emily.
Je ne mis qu'une seconde à réaliser.
La voiture. La voiture de Jonathan.
15h09. Le tableau de bord indiquait 15h09. Je passa mes mains sur mon visage pour ressentir à quel point j'étais en vie.
Bordel...
Mon coeur cognait dans ma poitrine. À côté de moi dormait encore Jonathan, la bouche ouverte, un filet de bave coulant sur son t-shirt. L'amusante vision qu'il m'offrait m'apaisa doucement. Ce n'était qu'un cauchemar. Tout allait bien. Tout allait bien se passer.

Un vent glacial s'était installé pendant que nous dormions, amenant avec lui d'épais nuages blancs qui recouvraient maintenant le ciel, nous privant ainsi de la chaleur du soleil.
Une seule partie du vaisseau était encore visible, mais il restait tout aussi impressionnant, impossible à ignorer.
Je me suis assise dans l'herbe encore humide, m'enroulant sur moi-même, attaquée par le froid ; luttant contre mon rêve qui tentait de s'approprier à nouveau mon esprit pour y repasser en boucle. Je suis restée de longues minutes, le regard perdu, à revoir ses yeux perçants chacune des cellules de mon corps.
- Hey.
Puis mon camarade est apparu, Verdun sur la tête et les yeux encore endormis.
- Hey.
- Tu as faim ?
Ça faisait plusieurs heures que je n'avais pas avalé quelque chose. J'aurai pu l'embrasser pour m'avoir posé cette question.
- Terriblement.
Il est allé ouvrir le coffre de sa voiture puis est revenu s'installer peu après en face de moi, avec une boîte de conserve et un couteau pour forcer cette dernière.
- Tomates en boîte. C'est pas l'idéal au reveil mais on s'y habitue.
J'aurai pu avalé n'importe quoi pour faire taire mon ventre qui gueulait sans cesse au secours.
- C'est parfait.
Par un geste net, la lame est venu se planter dans le couvercle métallique.
- Tu y es habitué, toi ? Ai-je demandé pour combler le silence.
- À manger des tomates ?
- Non... À tout ça...
J'ai regardé autour de moi pour appuyer mon propos. Le froid, la peur, l'angoisse, le manque, ...
Le visage de Jonathan s'est assombri, provoquant l'apparition d'une boule dans ma gorge.
- Je ne suis pas sûr qu'on puisse s'habituer à perdre des proches... A t-il murmuré.
Emily... Je me suis recrovillé un peu plus, me maudissant intérieurement.
- Hm.
- Mais j'aime à me dire que tout ça est un film, qu'il peut y avoir une fin heureuse. Qu'il y a une fin heureuse.
Je ne pus retenir un faible sourire, pour tout l'espoir qu'il me servait sur un plateau. Mais ma mère et Emily n'était sûrement pas en train de réviser leur texte dans les coulisses, préparant leur prochaine scène et buvant un café.
- Ou dit toi que nous sommes dans Matrix, s'est animé Jonathan, que tout ça est une image dans notre esprit. 
- Et ça marche pour toi ?
- Ça fait sentir plus puissant.
Soudainement, quelque chose est monté en moi. De le sentir aussi fort, ça m'a envie de suivre son conseil, de transformer ce qui m'entourait en un simple décor et de donner une happy end à ce qu'il me présentait comme un film.
Il lui avais fallu que quelques mots pour me motiver à gêrer la suite des événements.
Okay, si lui y arrive, pourquoi pas moi ? Ça ne devait pas être si difficile.
- Que sais-tu à propos d'eux, des gens qui nous attaquent ?
- Pas grand chose, a commencé Jonathan tout en continuant de manipuler sa lame, ils ont les yeux jaunes, tu as pu le voir, et peuvent être assez rapides. Je crois qu'ils peuvent te tuer sans te toucher, en étant suffisamment proches de toi.
C'était certainement ce qui a failli m'arriver, dans la boulangerie...
- Personne n'a essayé de communiquer avec eux ?
- Je ne sais pas Aaron, les extraterrestres sont rarement les gentils dans les films de science-fiction.
J'ai lentement hoché la tête, assimilant toutes ses informations. Si mon corps ne criait pas famine à ce moment-là, je crois que je me serai directement levé, prête à partir au front.

- Et E.T ?
- Quoi ?
- E.T. C'est un gentil extraterrestre.

Comme dans un film américainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant