Chapitre 2

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Mais ce soir-là, elle n'était pas toute seule au cimetière. Il y avait quelqu'un d'autre auprès de la sépulture de Malia. Lors de toute cette année écoulée, c'était la première fois qu'une telle chose (pourtant si bénigne et charitable en apparence) se produisait.

C'était un homme. Aileen ne l'avait jamais vu auparavant, pas une seule fois dans toute sa vie. Elle en était certaine, elle se souvenait très bien des visages des gens, même ceux qu'elle croisait quelques minutes seulement dans un supermarché ou bien chez le coiffeur. C'était une de ses particularités.
De plus, ce jeune homme avait un visage très distinctif, spécifique, et plutôt intrigant. Le genre de visage qui retient tout de suite votre attention.

Ce « quelqu'un » semblait effacé. Il avait ce genre de silhouette plutôt fantomatique. Il était passablement grand, maigre, et était vêtu d'un manteau noir qui lui descendait jusqu'aux chevilles. Quant à son visage, son teint aurait pu se fondre à la couleur de la neige présente autour de lui, ses joues étaient creusées et renforçait l'impression d'une mâchoire et d'un menton beaucoup plus triangulaires que la normale. Ses yeux étaient sombres, presque noirs, à tel point qu'on ne pouvait distinguer sa pupille, une chose impossible et qui pourtant se révélait être juste devant Aileen.

Malgré le regard insistant d'Aileen, l'homme ne semblait pas remarquer la présence de cette dernière ; il s'avérait être perdu dans ses propres pensées.

Alors, après être restée à l'écart de longues minutes, à contempler ce qu'elle jugeait comme un imposteur, Aileen se lançait enfin à la recherche de réponses, quelles qu'elles soient.

« - Qui êtes-vous ?

- Bonjour à vous aussi mademoiselle.

- Qui êtes-vous ? répétait-elle, en gardant tant bien que mal son sang-froid et son indulgence.

- Je m'appelle Colin.

- Et comment connaissez-vous ma cousine Malia ?

- Je ne la connais pas. Enfin, du moins, je ne l'ai pas connu de son vivant. Elle m'est apparue il y a quelques jours seulement, et c'est elle qui m'a conduite jusqu'ici. »

Aileen commençait sérieusement à perdre patience. Son visage était devenu complètement fermé, la mâchoire crispée, et une peau qui commençait à se rougir de colère.

Il fallait la voir pour le comprendre mais, à cet instant même, elle ressemblait à une lionne prête à bondir sur sa proie.

Colin, voyant l'incompréhension de son interlocutrice renchérit.

« - Cela peut être difficile à comprendre pour vous, mais c'est la vérité. Peut-être qu'un jour j'aurai l'occasion de vous expliquer tout cela.

- Nous avons le temps, maintenant. répondit-elle froidement et sur un ton qui se voulait plus qu'injonctif.

- Je ne suis pas sûre que vous soyez prête. Retrouvons-nous demain, à la même heure, au même endroit. »

Avant même que Aileen n'ai eu le temps de riposter, ou simplement même de comprendre la phrase, Colin était parti. Elle le voyait au loin, s'enfuir à grandes enjambées.

Aileen fit de même, et retrouva le chemin de sa maison, consternée et plus que tout, déconcertée.

Elle se posait des centaines de questions. Elle ne comprenait pas. Elle était ce genre de personne plutôt réaliste, fidèle aux choses concrètes, et ne croyait donc pas le moins du monde aux esprits et autres aberrations de ce genre.
Pourtant, à la seconde où elle fut rentrée chez elle, comme si une force intérieure et supérieure la poussait à faire ce geste, elle alluma son ordinateur et rechercha sur son ordinateur toutes les informations possibles et inimaginables sur les esprits, leurs invocations, le subconscient, et bien évidemment, sur des témoignages de personnes ayant déjà réussies à contacter des esprits. Elle essaya également de savoir s'il était possible qu'un esprit vienne à nous sans que nous essayions de l'alléguer, mais les recherches se corsaient ; elle ne savait pas comment s'y prendre pour trouver de telles réponses.

Elle passa plusieurs heures à cela. La nuit était déjà bien entamée, Aileen n'avait pas mangé, et n'avait d'ailleurs pas la moindre parcelle d'une sensation de faim dans son estomac. Elle finit par se décider à lâcher cet ordinateur qui lui portait malheur, et alla prendre une douche, pour tenter, dans un espoir vain, de se détendre.

Là également, elle resta un temps indéfiniment long sous l'eau chaude tout en ressassant cette soirée. Le cimetière. L'homme. Les recherches. Tout cela tournait en boucle dans sa tête, et elle commençait sincèrement à se demander ce qui ne tournait pas rond chez elle pour qu'elle commence à croire qu'il y avait peut-être une explication rationnelle à tout cela.

Cette nuit fut une des plus longues de toute sa vie. Elle n'arrivait pas à trouver le sommeil. Elle avait pourtant tout essayé, elle était allée prendre l'air, elle avait bu une tisane, elle avait essayé de lire, et avait ensuite mis de la musique pour se changer les idées, et essayer de faire taire les voix dans sa tête qui commençaient sincèrement à la rendre folle.

Ces voix qui lui répétaient inlassablement qu'elle avait peut-être halluciné toute la soirée durant, que cet homme, ce Colin n'avait jamais existé et que, demain, il ne serait pas là ; alors tout rentrerait dans l'ordre. Oui mais, s'il n'était pas présent demain, est-ce vraiment elle qui aurait tout inventé, ou est-ce lui qui se serait ravisé, pensant faire une bêtise en la retrouvant ? Autant de questions sans réponse.

Elle attendait impatiemment la soirée de demain, pour faire face à... A quoi d'abord ? Elle n'en savait rien. Mais tout simplement pour faire face à ce qui l'attendait, peu importe ce que cela représentait. Elle se sentait prête à tout affronter. Y compris la journée de cours qui l'attendait également.

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Le soleil finit par pointer le bout de son nez, et, enfin, le réveil d'Aileen sonna pour la sortir de son interminable cauchemar éveillé ; l'en sortir ou l'y replonger, cela restait à voir.

Elle se dirigea directement dans sa salle de bain. Le miroir ne lui renvoya qu'un reflet médiocre de sa propre personne ; pire que ce qu'elle pouvait penser d'elle jusqu'à présent. Ses cernes violacés empêtraient ses yeux encore bouffis, elle avait le nez rouge, probablement du fait du rhume qu'elle avait attrapé. Quelle idée de se promener durant les soirées de Novembre en étant à moitié découverte !

Elle se maquilla alors vite fait, s'habilla en moins de deux en attrapant les premiers vêtements accessibles dans son armoire, et engloutit son petit déjeuner à toute vitesse. Aileen avait l'impression que si elle faisait ses gestes habituels de manière efficace et surtout rapide, la fin de la journée viendrait vite, mais en réalité, c'était bien tout le contraire... 

Flot de silhouettes discordantesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant