Elle fit un sursaut impressionnant au retentissement sonore de son réveil.
Sur le moment, elle se demanda si tout ce qu'elle avait vécu et ressenti hier n'était pas qu'une hallucination, un cauchemar, ou n'importe quoi d'autre pourvu que ce ne soit pas la réalité.
Mais lorsqu'elle daigna se lever, ayant fait, avant cela, un inventaire formel des choses qu'elle avait à préparer pour le repas du midi, elle vit le papier sur la table basse. Ce fameux papier qu'elle avait fait l'erreur de garder. Aileen fut éprise d'une vague de colère s'en voulant de ne pas s'être débarrassée de ce déchet immédiatement.
Se détestant, sur le moment, à un point inexprimable et inexplicable, elle décida de commencer sa journée par un bain. Elle se rendit dans la salle de bain et pendant que son chauffage améliorait le confort de la pièce, et que l'eau coulait, elle alla dans sa cuisine afin de se servir un jus de fruit. Elle n'avait strictement pas faim, pas une once de faim, mais elle ressentait le besoin de s'emplir de frais, de douceur, comme pour épurer son organisme un peu trop meurtri ces derniers temps.
Après avoir avalé son jus de fruit, regardant par sa fenêtre, les yeux dans le vague, elle retourna dans la salle de bain. Elle ferma la porte, à clefs, ce qu'elle n'avait pas l'habitude de faire puisqu'elle vivait seule. Mais elle se sentait plutôt en danger aujourd'hui. Elle mit une pointe de savon moussant dans l'eau, puis se déshabilla et entra dans cette eau couleur rosée qui était à une température idéale.
Sur le coup, Aileen sourit. Le temps d'une fraction de seconde elle se sentit bien. Puis à peine ses paupières se soulevèrent afin d'ouvrir à nouveaux ses yeux, qu'elle replongea aux fins fonds des méandres dans lesquels elle s'était perdue.
Après avoir passé 15 minutes à tenter de se détendre, Aileen se rendit compte que rien n'y ferait, et qu'alors rien ne servait de perdre plus de temps dans sa baignoire.
Elle mit, pour l'occasion de son repas avec Calliope, une robe. Noire, assez simple, sobre mais habillée. Elle habilla également sa tenue d'un foulard et d'une touche de maquillage afin de cacher ses affreux cernes et son teint cadavérique qu'elle traînait maladroitement depuis quelques jours.
Elle prépara ensuite le repas, tranquillement, laissant son esprit divaguer et penser un peu comme il le souhaitait. Vint rapidement 12h30, et ponctuelle comme toujours, Calliope se trouvait derrière la porte.
Lorsque les deux jeunes femmes se virent, elles s'élancèrent dans les bras l'une de l'autre. D'un œil extérieur nous aurions pu croire que cela faisait des années qu'elles ne s'étaient pas vues, mais non. Il s'agissait simplement d'une sorte de rituel entre elles. Une vieille habitude qui leur était toutefois très chère.
Cela mit du baume au cœur à Aileen ; elle en avait bien besoin. Tout semblait s'écrouler autour d'elle et pourtant, elle savait qu'il lui restait encore un pilier qui ne pourrait jamais disparaître. Ce pilier, c'est son amitié avec Calliope, et Aileen savait également que son amie ressentait la même chose ce qui lui fit ressentir une pointe d'euphorise.
Mais malgré cela, personne, et surtout pas Aileen ne pouvait oublier les derniers évènements.
Elles discutèrent de tout et de rien, et surtout des derniers potins.
Cela dit, même si Aileen riait de bon cœur, au cours du repas, Calliope finit par se rendre compte que quelque chose ne tournait pas rond.
- Dis-moi, tu es sûre que tout va bien ? Tu me sembles étrange. J'ai l'impression que quelque chose à changer chez toi.
Aileen baissa les yeux et essaya de faire une plaisanterie de mauvais goût afin de changer la tournure de la conversation.- Oh c'est peut-être les 2 kilos que j'ai pris. Ma robe devient moulante à cause de tous ces chocolats de Noël. Puis j'ai changé de fond de teint si tu veux tout savoir, dit-elle en ayant un rictus très sur la retenue.
- Je ne te parle pas d'un plan physique. Quelque chose à changer à l'intérieur de toi. Ce n'est pas visible à l'œil nu, c'est un ressenti.
Cela se voyait donc autant ? Aileen fut éprise d'une panique insensée et, avant qu'elle n'ait eu le temps de le sentir venir, elle se mit à pleurer. De petites gouttes perlaient le bord de ses yeux, puis quelques secondes après, toutes ses joues furent inondées.
Calliope prit la serviette de table, emmena Aileen en direction du canapé. Elles s'assirent côte à côte et Calliope lui tendit délicatement la serviette. Elle se voulait être réconfortante.
- Tu sais que tu peux te confier à moi, et que quoi qu'il se passe, je serais là pour t'épauler, te conseiller, te guider, enfin, en somme, faire tout ce dont tu attendras de moi.
Constatant l'état apocalyptique dans lequel Aileen venait de se mettre, Calliope s'attendait au pire.
- Puis s'il le faut, nous ferons intervenir des professionnels pour t'aider. Que ce soit des forces de l'ordre, des psychologues, ou je ne sais quoi.
Calliope se rendit alors compte qu'elle s'était un peu emportée. Cela arrive à tout le monde d'être triste, fatiguée, à bout de nerfs. Ce n'est pas pour autant que tout cela est forcément dramatique. Pourtant au fond d'elle, elle savait. Son instinct ne la trahissait pas.
Aileen releva la tête, plongea ses yeux dans ceux de son amie et lui raconta tout, de A à Z, en prenant bien soin de la mettre en garde qu'il ne fallait absolument qu'elle n'en parle à personne puisque, si cela arrivait, elle pouvait également se retrouver en danger, et Aileen ne souhaitait cela pour rien au monde.
- Aileen, on va trouver une solution. Nous allons jouer les inspectrices secrètes, mener notre enquête toutes les deux. Mais pour cela nous devons trouver un point d'ancrage.
***
Calliope est partie en fin de soirée. Aileen rangea la vaisselle qui traînait. Puis elle se démaquilla, se doucha rapidement ; elle avait hâte de retourner dans son lit.
Ce soir, elle se sentait apaisée. Calliope avait su trouver les bons mots. Elle ne souhaitait pas penser à tout ce qu'il restait à régler mais juste à l'instant présent.
A cet instant précis, elle savait où elle allait. Ou plutôt, où elles allaient.
Elles commenceraient par retrouver Colin qui aurait plutôt intérêt à « stopper rapidement sa partie puérile de cache-cache et répondre à nos questions » selon Calliope.
C'est avec un léger sourire qu'Aileen s'endormie en ce soir de Noël.
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Flot de silhouettes discordantes
Genç KurguAileen était une adolescente aux apparences tout à fait ordinaires. Mais qui se cachait réellement derrière ces jeans simples et ces pulls amples ? Quel était ce monde si troublant dans lequel elle vivait ? ©