Chapitre 1

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Voilà. Après de très longues heures de route, nous voilà arrivés dans ce nouveau pays... La plage, les palmiers, la chaleur... Une nouvelle vie pour la famille Shepherd. Le taxi nous dépose devant une magnifique maison blanche, dans un quartier résidentiel. C'est une chambre assez grande, aux murs blancs avec vue sur la mer. Tout est comme dans un rêve. Au centre de la pièce, contre un mur, un lit double est installé, une armoire en bois gris et un bureau de la même couleur s'opposent l'un face à l'autre sur les deux autres murs. Je défais mes valises et mes cartons avant toute autre chose. Le dernier carton contient les décorations de mon ancienne chambre, entre autres des dizaines de photos de Tonic, mon cheval.

Je suis passionnée d'équitation depuis mes trois ans. Par chance, mes parents avaient tous deux un bon salaire et m'ont permis d'avoir Tonic. Voilà un an et demi que ce magnifique pur sang anglais partage ma vie, et à mon plus grand bonheur, il a pu nous accompagner jusqu'ici. Il nous fallut une semaine pour tout mettre en ordre. Nous sommes dimanche et les cours commencent dans une semaine. Tonic arrive par bateau demain matin et ma mère a prit sa matinée pour aller le chercher. En attendant, j'ai décidé d'aller visiter un peu la ville avec mon chien Hacka... Je sors de ma chambre et passe devant celle de mon frère. Ce dernier est sur son ordinateur portable et semble très concentré. Néanmoins, lorsque je passe devant lui, il m'apostrophe : 

- Kylie ! Tu vas où comme ça ? 

- Je pars promener Hacka pourquoi ? 

Il se lève et se dresse devant moi. Du haut de son mètre quatre-vingt dix, il me surplombe d'au moins une tête. Mon jumeau est ce que l'on peut qualifier de "beau gosse". Blond aux yeux presque noirs, il a fait craquer beaucoup de filles et France. Malgré son caractère plutôt explosif, nous sommes très proches. Contrairement à moi, il est très sociable et a beaucoup d'amis. Enfin, de connaissances. Il me ressemble énormément, de par notre naissance commune, je suppose. Je suis également blonde mais aux yeux bleus foncés. Je suis comme Charlie, assez grande. Notre caractère s'est endurcit au fil des ans, cela est sûrement dû aux dernières années cauchemardesques que nous avons vécu. Nous sommes tous les deux très sportifs et combatifs.

Seule Laine, notre petite sur de dix ans, ressemble à notre père. Elle est petite, brune aux yeux verts et a des joues rebondies que j'adore. Elle est extrêmement timide mais adorable. Du haut de ses dix années, elle a vécue beaucoup de choses qu'un petite fille ne devrait jamais vivre...  Ma mère, elle, est plutôt petite, blonde, mince au cheveux magnifiques et ondulés, elle était mannequin avant de nous avoir et a changé de métier pour avoir un poste important dans une société de design de voiture ou quelque chose du genre. 

- Très bien, fais attention à toi, on ne connaît pas les gens d'ici. 

J'acquiesce et sors accompagnée de mon berger allemand.

Au bout d'une heure de marche, je me décide à rentrer quand une petite voix m'interpelle : 

- Hé ! Attends, la fille blonde là !

Comprenant qu'elle m'appelle, je me tourne vers la voix.

- Oui ?

- Tu es la nouvelle du quartier non ? 

-Oui, pourquoi ?

- J'ai entendu dire que vous veniez de France, et je viens de là bas moi aussi. J'ai déménagé il y a dix ans. Je n'y suis jamais retourné, j'aurai aimé que tu me dise si cela a changé... 

- Comment t'appelles tu ? je demande, curieuse

- Amy, Amy Gordon. 

-  Moi, c'est Kylie Shepherd. Tiens, voici mon numéro, nous pourrons nous voir !

Nous discutons encore quelques minutes avant de nous séparer et je repars, le sourire aux lèvres.Je m'empresse de rentrer à la maison rejoindre mon frère. Il a toujours été le premier à me défendre et m'encourager dans tout ce que j'ai pu entreprendre. Malgré notre opposition de vie sociale, il n'a jamais voulu me rejeter, même devant ses amis. Qu'il soit le premier à connaître l'existence de cette fille est pour moi une priorité.

Lorsque je pénètre dans la cuisine, je vois Charlie assis sur une chaise, les pieds sur la table un bière à la main. Il est au téléphone avec je ne sais qui et insulte son interlocuteur pour une raison qui m'est inconnue. Je reste bouche bée devant la scène. Mon jumeau n'a jamais été un modèle d'élégance ni de patience mais il a tout de même un minimum d'éducation et l'entendre s'exprimer ainsi me rends perplexe. Il me regarde, presque étonné que je puisse être dans la pièce et me rejette d'un geste vif de la main. Sans même oser réagir, je monte dans ma chambre, me promettant d'avoir une sérieuse discussion avec lui.

Je me jette sur mon lit et m'empare de l'album photos qui traîne sur ma table de chevet. Il contient tous les plus beaux souvenirs depuis nos premiers jours. Avant l'accident. Chacune des pages nous montre tous ensemble heureux, souriants, jouant ou posant devant la caméra. Nous étions une famille soudée avant que tout parte en fumée. Avant qu'il se mette à boire. Avant qu'il mette la première gifle à notre mère. Avant qu'il se batte avec mon jumeau. Les larmes se mettent à ruisseler le long de mes joues. Je serre les mains si fort que mes ongles tracent une marque sur ma peau. Je me retiens de faire le moindre bruit pouvant traduire ma peine, alors je ferme la porte et m'y adosse. Rapidement, les larmes de tristesse se transforment en larmes de rage et je me lève pour arracher rutalement toutes les photos du mur où apparaît mon paternel. Finalement je m'ecroule sur mon lit et prends mon chien dans mes bras.

Je ne sais combien de temps je reste dans cette position, recroquevillée sur moi même. Les larmes ont laissé un goût salé dans ma bouche et ma respiration est encore haletante. Mon chien me regarde, surpris et je fourre ma tête dans son pelage. Soudain, j'entends la porte de la chambre s'ouvrir doucement et j'essuie mes larmes avant de me tourner vers cette dernière.

- Kylie ? m'appelle doucement ma petite soeur

- Salut ma belle ! je tente de répondre joyeusement

- Tu pleures ?

- Absolument pas ! Tu me fais un câlin ?

Incapable de refuser le moindre signe d'affection, Laine se laisse tomber dans mes bras et je pose mon front sur son épaule. Nous nous décidons finalement de préparer le dîner. Après avoir tous les quatre mangé joyeusement, nous nous installons sur le sable, face au coucher de soleil.

- Il y a quelque chose qui va me manquer... je commence

- Quoi donc en France pourrait être mieux qu'ici ? me demande ma mère

- La neige ! je m'exclame

- Oh oui ! crie ma soeur, je ne pourrais plus faire de luge...

Je vois notre mère baisser les yeux et regrette de lui avoir rappelé que notre départ est la conséquence de son divorce. Je me lève pour changer de sujet :

- Peut-être mais au moins maintenant on peut faire ça ...

J'attrape la petite brune dans mes bras et cours vers l'océan. Je la jette dans l'eau en riant en la voyant sortir trempée et suffoquante. Elle essaye de se venger en me tapant avec ses petits poings alors que je simule ma douleur. Alors que nous allions sortir, des éclaboussures nous atteignent. Je n'ai pas le temps de regarder qui est l'intrus que je me retrouve immergée. L'eau salée rempli ma bouche et je ressors la tête en crachant. Je me jette sur mon frère pour lui faire vivre le même sort. Laine part en courant pour éviter de se prendre un coup perdu pendant que nous nous battons l'un contre l'autre. Malgré sa musculature bien plus développée que moi, je parviens à le battre pendant quelques minutes. Nous finissons pas sortir rejoindre le reste de la famille sur le sable en riant. Notre mère nous tends une serviette en souriant et alors que je me sèche les cheveux je réalise que le passé restera toujours là où il est, mon père restera malgré tout mon père et je pourrais toujours essayer de me mentir à moi même, je savais qu'il allait me manquer. Mais maintenant je pourrais profiter de ma vraie famille. La ressouder comme avant et repartir sur de nouvelles bases, avec de nouveaux amis et une nouvelle ville.

- Qu'est ce que vous diriez d'une petite promenade dimanche prochain avec Tonic et vous trois ? demande notre mère

Nous approuvons joyeusement cette idée avant de changer de sujet. Alors que quelques heures plutôt je pleurais cette nouvelle vie, je suis maintenant face à mon avenir et je ne peux cesser de sourire.

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