Anges démoniaques

Erreur fatale

Un fracas. Un choc. Un bruit. Une détonation. Une explosion. Yû ne saurait pas décrire avec exactitude ce qu'il venait d'entendre. Cela aurait pu ressembler à un sanglot étouffé, au bruit d'une vitre cassée, à l'écho de bruits de pas non loin, ou encore au vent qui transportait des nuages de neiges. Cela aurait pu être n'importe quoi. Cela aurait pu être n'importe qui. Cela aurait du être n'importe qui. Mais il a fallu que ce soit elle. En voyant son air désabusé et horrifié, il comprit très vite qu'elle avait tout vu. Peut-être depuis le début, qui sait...? Dans des circonstances normales, il en était sure, elle serait simplement rentrée au pensionnat en demandant des explications plus tard. Cependant, là... Il lui suffisait de voir son mouvement de recule, son visage déformé par la haine et le dégoût, pour savoir que s'il ne faisait rien... Il allait tout perdre. Il lança un regard apeuré à Mika, qui se leva précipitamment et se positionna devant lui, protecteur. La main sur le fourreau de son épée, il toisa Shinoa avec une expression énigmatique. Yû supposait qu'il l'avait reconnu. Un long silence s'installa des deux côtés, et la tempête de neige commença à se faire plus forte. La vision se brouilla, et les deux amants purent seulement distinguer les cheveux violets disparaître prestement.

_....REVIENS!

Yû s'élança à sa poursuite, mais très vite il sentit la poigne de fer de Mika se refermer sur son poignet.

_Mika, laisse-moi la retenir...! Si elle dit tout...

_C'est trop tard, répondit-il en secouant la tête, fermement. Nous n'avons plus le choix. Nous devons partir loin d'ici, avant que les renforts ne viennent.

Yû essayait tant bien que mal à se calmer, mais le souffle lui manquait.

_Tu as dis avoir besoin de temps, se souvint Yû en essayant de se dégager. Nous l'avons, je te le promet. Tu pourras t'organiser, j'arriverais à la convaincre. Alors, laisse-moi partir...! Je cours plus vite qu'elle, je la rattraperai. Je mettrai tout à plat, tout ira bien. Toi, pars d'ici...! Laissons nous le temps d'une semaine avant de partir, d'accord? Je te retrouverais ici-même, à la même heure. Le 24 décembre... La veille de noël. Nous mettrons les voiles, tous les deux. Je te le jure...!

Mika desserra un peu sa poigne, consterné et horriblement inquiet.

_Tu me le jure, n'est-ce pas, Yû-chan...? C'est une promesse...?

Il entoura son bras autour de la taille de son petit protégé. Yû lui sourit tendrement, se mit sur la pointe des pieds et lui embrassa le front tout en caressant son visage.

_Promis. A bientôt, Mika-san. Tu vas me manquer.

Il se détourna alors rapidement, et partit comme une flèche dans le brouillard et la neige ambiante. Mika baissa les bras, la mine sombre. Puis, seul dans ce tourbillon de neige, il se détourna, sa cape prise dans le vent violent de la tempête, et ses cheveux blonds en bataille. «A moi aussi»

* ** * * *

_SHINOA! REVIENS!

Yû hurlait à tout rompre dans les rues de la capitale, glissant sur l'épaisse couche de neige qui s'était déjà formée. Il avait mal à la gorge. Il avait l'impression qu'on lui plongeait dedans une barre de fer chauffée à blanc. Chaque inspiration le faisait souffrir comme jamais, mais il continuait. Il lui avait promis. Alors, même s'il tombait par terre, même si le froid s'insinuait au plus profond de son être, même s'il savait qu'il n'arriverait peut-être pas à la rattraper, il devait se donner les moyens de réussir. Pour lui, il sentait que des ailes pourraient pousser dans son dos.

_SHINOA! Je t'en supplie!

Courir. Il ne savait faire que cela. Courir, fuir, courir, fuir... Courir, encore et encore. Alors, pour une fois, il voulait que cette faiblesse de toujours devienne un avantage. Au moins une fois dans sa vie. Il sentit que sa course devient un peu plus rapide. Il avait l'impression que ses prières étaient enfin exaucées. «Tourne à gauche. Là, à l'intersection, à droite. Puis, tout droit. Tu vas la rattraper. Oui, tu vas la rattraper.» Une montée d'adrénaline? Une volonté hors du commun? Peu importe, car, soudainement, en atteignant la ligne droite, il la vit. Ses cheveux violets, lâchés au vent, étaient droit devant lui. «Oui! Je vais l'atteindre...! Je vais réussir...! Je vais...»

Focalisé sur la présence de Shinoa, il n'avait pas remarqué le léger trou de la route verglacée et enneigée. Il n'avait par remarqué que, s'il s'était concentré sur la route à prendre, il aurait en effet pu la rattraper avant d'arriver au pensionnant. Il aurait du s'en rendre compte. Mais, il le fit, trop tard. Yû posa son pied droit dans le trou. Grave erreur. Déstabilisé, il sentit un craquement, sans doute s'était-il cassé la cheville, et sentit son corps irrésistiblement attiré par le sol. Là, il se rendit compte de sa faute. «Vais-je mourir comme ça...? ... Mika» Alors, son crâne se fracassa le premier sur le sol gelé. Une marre de sang commença à se dessiner autour de sa tête, et la neige devint écarlate. Yû ,dans un dernier effort, tendit la main vers la silhouette de Shinoa, qui continuait sa course. Puis, se fut le noir complet.

* ** * * *

Sanguinem... Il n'aimait décidément pas cette ville. En passant le portail ouest de la ville, il se rendit compte que Ferid l'attendait, nonchalamment appuyé contre le mur blanc orné de dorures. C'était un grand hall, vide et froid, identique à celui où il avait faillis trouver la mort, lors de sa transformation en vampire. Ce souvenir le fit frissonner. Il ne voulait pas repenser à leur mort, ni à la sienne. Mika réprima un sentiment d'indignation, et passa devant le vampire sans lui prêter attention.

_Mika-chan! Dit Ferid en suivant sans grand mal l'autre vampire. Je croyais que ta petite escapade n'allait jamais prendre fin...! Je pensais vraiment que tu t'étais enfui avec ta princesse. Ne me fais pas peur comme ça, voyons, je serais triste sans toi ici...

Mikaela fronça les sourcils, retenant une injure sarcastique. Il ne voulait pas lui donner raison, même si Ferid savait très bien ce qu'il faisait en dehors des murs de toute façon. Au détour d'une ruelle sombre, près de son semblant d'appartement, Mika s'arrêta, et se retourna vers lui.

_Ne me fais pas rire, nous savons très bien à quel jeu tu t'amuses,«sire Bathory» ajouta t-il ironiquement. J'ignore ce que tu faisais dehors, mais je le découvrirais tôt ou tard, je te le promet.

Il avança dans la rue, et fut soulagé de ne pas entendre Ferid à sa poursuite.

_D'ailleurs, merci pour le pigeon...! J'ai très bien compris le message. Bonne nuit...! S'exclama t-il, et sa voix fit écho entre les murs.

_Mika-chan... Susurra le vampire assez fort pour que sa voix résonne, lancinante. Si j'étais toi, je me ferais discret. Nous allons être en guerre dans une semaine, Mika... Et je compte bien t'utiliser, tu me seras bien pratique. Ne le dis à personne. Ne tente rien. Profite, profite mon chère petit.. Mais, sache que ceci est mon dernier avertissement.

Les derniers mots de Ferid retentirent dans l'espace, puis finirent par se fondre dans l'air. Mika entra dans son appartement, livide, et se laissa choir au sol, dos à la porte. «Une guerre. Dans une semaine.» Il ferma les yeux, ressentant une cuisante douleur dans sa poitrine. «Bon sang, que ce passe t-il vraiment, au juste?