Présence

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_Yû.

_Oui, Shinoa...?

C'était une après midi tranquille, comme il y en avait tant avant. Shinoa et Yû avaient passé leur journée ensemble, flânant dans la ville, et s'entraînant de temps en temps dans de grands parcs ouverts, où les arbres de cerisiers centenaires commençaient tout juste à fleurir. Un sakura au dessus d'eux, une légère brise passant dans les feuilles, de doux rayons qui filtraient à travers les branches, et une légère odeur de fruit dans les airs, Yû se souvenait très bien de cette merveille journée. A l'époque, il ignorait que Mika était encore vivant, alors il vivait au jour le jour, pour sa défunte famille, cherchant plus que jamais à se venger. Mais cette journée là était comme un frein à ses pulsions, une pause aux journées banales qu'il menait avant. Il se sentait enfin bien, après des années de rage. Shinoa lui faisait momentanément oublier sa colère de toujours, et c'est pour cela qu'il aimait sa compagnie. Ce jour là, elle aussi semblait heureuse. Allongés dans l'herbe fraîche, elle l'avait regardé, tout sourire, avant de pointer son doigt vers le ciel.

_Tu crois que les morts nous regardent, de là haut...? Je veux dire, ma sœur, ta famille... 

Jamais Yû n'avait vu un air si malheureux sur son visage. Il lui avait alors tenu la main, sans mauvaises pensée, juste... Naturellement. Et, souriant, lui avait répondu:

_Oui, j'en suis persuadé. Ils veillent sur nous. Alors, sourit. Elle n'aimerait pas te voir ainsi, tu ne crois pas...?

Shinoa avait baissé la tête, et avait alors tendrement sourit. Dès lors, Yû s'était juré de la protéger coûte que coûte. Il revoyait Akane en elle, alors, oui, il l'aimait. Ce n'est, et ne sera jamais, de l'amour à proprement parler. Néanmoins, il ne voulait pour rien au monde qu'elle ne disparaisse. Oui. Même après qu'elle l'ait dénoncé, ou qu'elle l'ait laissé se faire torturer. Il avait beau lui en vouloir pour tant de choses, il ne voulait pas sa mort. Alors, la scène qui se passait devant ses yeux était-elle bien réelle...? Ce cadavre sanguinolent à ses pieds dans une flaque écarlate, ce discret sourire sur ce visage pâle, et ces cheveux violets complètement souillés... Était-ce bien elle...? «Bien sur que oui, Yû.», murmura la voix étrangère dans son esprit. «Tu devrais la détester. Elle a détruit ta vie, alors, pourquoi...? Ne pleure pas pour elle, elle ne mérite pas cela. Alors, continue, tue, encore et encore, c'est maintenant au tour des autres camarades.» Yû ne voulait pas. Il ne les haïssait pas, ni eux, ni Shinoa. La vue de son corps fauché par la mort le faisait frémir, et il avait envie de vomir de dégoût. Yû n'avait jamais eu envie de faire cela...! Il... Il ne voulait pas être un monstre. Alors, il hurla de douleur, et son cri retentit dans toute la ville, heurtant la voûte du souterrain. Les troupes d'à côté, surprises, brandirent leurs armes.

_Tuez-moi ce monstre...! Hurla le soldat aux côtés des amis de Yû, qui semblait perdre patience.

«Ce monstre. Oui. Il était un monstre.» Déstabilisé, il ne savait pas où aller. Un de ses yeux retrouva sa véritable couleur verte. Il ne voulait pas être un monstre. Le séraphin, c'était lui qui le possédait...! Il avait enfin de leur crier cela, mais aucun bruit ne sortit de sa gorge.

_N-Non! Arrêtez! S'exclama Mitsuba en courant et en se plaçant devant Yû, suivie de Kimizuki et Yoichi, en larmes. Vous ne voyez pas qu'il ne l'a pas tué...? Elle... regardez! Son sacrifice ne doit pas servir à rien...! Yû... Yû, son œil, un de ses yeux est redevenu comme avant! Il tente de revenir à nous, alors...

_Ça suffit, l'arrêta le chef soldat en la fixant, effrayé. Nous ne pouvons pas laisser un cobaye nous tuer, il faut le faire avant...! Maintenant, éloigne-toi de lui.

La jolie soldate secoua la tête, et les deux autres froncèrent les sourcils, déterminés.

_Tant pis, c'est de votre faute...! Maintenant, tirez...!

_Non! Hurlèrent-ils, désespérés.

Yû, ayant un peu repris ses esprits, lutta contre la petite voix intérieure qui le persuadait de tuer les humains, et décolla, ne voulant pas blesser ses amis. Ces derniers levèrent la tête vers lui, surpris et reconnaissants. Dans les airs, il était malheureusement une cible encore plus facile à atteindre. En se prenant une flèche, il hurla de douleur, et l'arracha vivement. Il esquiva habilement une lance, et quelques autres attaques, mais ne pu s'empêcher de recevoir une autre lance, qui déchira une partie de son horrible aile de sang. Ses amis retinrent un cris d'horreur, et Yû, dans un dernier effort, s'éloigna de la cathédrale, non sans en détruite le clocher. Il s'écrasa finalement dans une ruelle, non loin, meurtris, et une plaie béante près de la poitrine. Il tituba, crachant du sang au sol, et avança à tâtons, ses faibles jambes ne pouvant presque pas marcher. Il put entendre les ordres du soldat qui demandait à ses troupes de le retrouver.

_Mi-Mika...

Il ne savait plus trop où il allait, la douleur rendant chaque pas insupportable, et la voix angélique perpétuellement présente en lui. Combien même il avait repris le contrôle, le pauvre séraphin luttait encore contre ce corps étranger qui essayait de lui dicter ses actes. Yû avait vécu bien pire que cela, dans le laboratoire. Cette douleur n'était rien. Il se persuadait de cela. Il posa la main sur sa plaie, continuant à avancer, et arriva au bout d'un court instant devant une porte massive qui lui était bizarrement familière. Des murs blancs, épurés, une porte, immense, ornée de joyaux. Oui. Il connaissait cet endroit. Il avança encore un peu, et, soudainement, sentit une présence: Il n'était pas seul.


* * * * *


Au début, tout était calme. Mika avait préparé au préalable un sac garnit de fournitures en tout genre et de nourritures. Il était prêt. Dans un bruissement sourd, il entendit le bruit des cloches de la cathédrale. Il était 22 heures. Et il allait devoir le rejoindre. En sortant de son appartement, il ne ressentit aucune peur, ni aucune incertitude. Il était simplement... prêt. Discrètement, le vampire contourna les rues, sûr de sa destination. La porte ouest n'était pas très éloignée de chez lui. Il sortit les clefs, et ressentit de la culpabilité. Kululu, elle l'avait beaucoup aidé, et lui, il s'enfuyait, sans l'avoir averti. Mikaela chassa cette idée, et continua sa route. En observant sa destination, il se rendit compte que c'était bien trop calme. Bien trop... vide. Il entendit les bruits de pas d'un vampire, qui, malheureusement, tourna dans sa rue. Mika feignit l'indifférence.

_Qu'est-ce que tu fais ici, toi...? Demanda le vampire à capuche, méfiant. Réveille-toi! C'est la guerre...! Tu n'as pas entendu le son de la cloche, tout à l'heure...? Ramène-toi tout de...

Mika n'attendit pas la fin de ses explications, et l'élimina grâce à son épée. Il tapa le poing contre le mur d'une maison, énervé.

_Et merde...! Il n'est pas 22 h, il est bien plus tard que ça...! Yû...Faites qu'il ne lui soit rien arrivé...!

Il courra dans la rue, et entendit enfin les cris et les directives des soldats humains. Quelques cris, dont trois beaucoup plus forts et horribles, comme les cris d'un monstre se firent entendre. Mika frémit en se rappelant de la transformation de Yû, durant la bataille de Shinjuku. Les humains avaient encore utilisés leurs semblables pour leurs expériences... «Et si c'était lui?» Impossible. Il était sur qu'il l'attendait là-bas. Qu'il s'inquiétait peut-être un peu, aussi. Ou qu'il avait froid, dehors, tout seul. Mais il allait le rejoindre; Il était en chemin. Il aurait voulu l'avertir, pour le rassurer... Ou pour lui même, d'ailleurs. Mais, il ne le pouvait pas, alors il ne lui restait plus qu'à courir le rejoindre.

Le vampire marqua un temps d'arrêt à la porte de l'ouest, toujours aussi effrayante. Il jeta un dernier regard à la ville, d'où il vit quelques explosions, et s'apprêta à franchir la porte, quand il sentit une présence derrière son dos. Il se retourna, l'épée en main... Il n'était plus seul. 

Anges démoniaquesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant