Mensonges

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_Yû-chan...

Il faisait beau, et chaud. Devant eux, la mer s'étendait à perte de vue. Quelques mouettes espiègles volaient au dessus de leur tête, et une douce brise marine faisait doucement bouger leurs cheveux.

_Oui, Mika?

Il avait posé sa main sur celle de son ami, qui, étendu sur le sable fin, regardait Yû tendrement. Il rapprocha son visage du sien, front contre front, les yeux fermés.

_... Tu as soif?

Mika sourit, et secoua la tête. Puis, doucement, il prit son visage entre ses mains, et...

«Yû...»

Tiens? Quelqu'un l'appelait. Ce n'était pas la voix, douce et mélodieuse, de Mika. «Déjà? Mais je n'ai pas envie... Je suis si bien, là...»

_Yûchiro...!

La voix se faisait plus forte. Mais il n'avait toujours pas envie de l'écouter.

_ABRUTI DE YUCHIRO HYAKUYA, LÈVE TOI TOUT DE SUITE!

_AH!

Yû tomba à la renverse de sa chaise, et la classe éclata de rire. Shinoa lui adressa un regard exaspéré, tandis que Kimizuki rigolait ouvertement, un sourire moqueur et méchant aux lèvres. Glenn venait de lui frapper fermement le sommet de son crâne, afin de le réveiller de son profond sommeil.

_Tain'! T'arrêtes pas de dormir depuis quelques semaines...! Faut que tu apprennes à te coucher tôt, sinon, ça sera pas possible. Refais plus jamais ça, compris? Sinon...

Il regarda Yû un peu méchamment, puis soupira, avant de se positionner de nouveau devant la classe.

_Ainsi, je disais donc, avant qu'une certaine personne ne m'interrompe, continua le soldat en fusillant la personne en question du regard, que les vampires nobles peuvent rendre les humains comme eux. En effet, leur sang...

Yû grommela, repositionnant sa tête contre la table, et n'écoutant pas la leçon de son professeur, et ami. Il avait la tête ailleurs. Il ne pensait qu'à lui, les autres lui importaient peu pour le moment. «Mika...». Depuis trois semaines, ils s'échangeaient des lettres grâce au pigeon. De ce fait, Yû veillait longtemps dans sa chambre d'internat, le soir, et attendait patiemment les messages de son ami vampirique. La nuit dernière, ils avaient pu parler entre eux pendant plusieurs heures, et Yû n'avait donc presque pas dormi. De plus, ils ne s'étaient pas vu depuis ces trois dernières semaines, et malgré les explications de Mika, il avait l'impression que ce dernier le fuyait. «C'est trop dangereux pour le moment, les portes de la ville sont un peu plus protégées qu'auparavant», «Je ne pourrais pas, les vampires se réunissent ce soir... J'ignore pourquoi» Yû avait vraiment l'impression qu'il le fuyait. Et, pourtant, dans son dernier message: «Yû-chan, nous devons nous revoir. C'est important. 22 h, à la gare de Shibuya. Essaye de venir.» Malgré la soudaine angoisse que lui provoquait ces mots, Yû était sincèrement enjoué à l'idée de le revoir. Il se sentait heureux, et fatigué, de pouvoir échanger des mots avec lui. C'était étrange: Ils parlaient de tout et de rien, rattrapant peu à peu le temps perdu si loin l'un de l'autre, et comprenant un peu plus le mode de vie qu'ils avaient respectivement adopté. Il est vrai qu'à cause de cela, il n'était plus attentif en cours, que ce soit de combat ou de pratique, et qu'il délaissait ses amis. Ils n'avaient pas passé une soirée ensembles depuis bien longtemps, et il sentait bien qu'il s'éloignait d'eux. Et il le regrettait. Car il ne pouvait pas passer outre son amitié avec ses camarades. «Qui préfères-tu, entre eux, et Mika?». Il soupira, n'ayant pas la moindre raison à offrir à son esprit, et regarda distraitement par la fenêtre de son lycée. L'automne faisait place à l'hiver, et il vit les premiers flocons de neiges tomber du ciel brumeux. «Ce soir, je vais enfin pouvoir le revoir». A cette pensée, son cœur fit un bon dans sa poitrine. «Oui... Enfin.»

La sonnerie retentit: la journée était enfin terminée. Yû jeta un rapide coup d'œil à l'horloge de la classe: 18h. Il avait encore le temps. La salle se vida rapidement, et alors qu'il s'apprêtait lui aussi à partir, Glenn lui bloqua la porte, imposant, et un peu étrange. Il avait l'air épuisé, et Yû remarqua bien ses mains légèrement tremblantes.

_Écoute, Yû. J'ai à te parler. Et j'aimerais que tu sois honnête. S'il te plaît.

Yû se figea sur place. Que lui voulait-il? Serait-il au courant de quelque chose? Avait-il commis un faux pas? Il acquiesça, méfiant.

_Bien... J'aimerais juste que tu me dises si tu ne me caches rien. Si tu ne caches rien à tes autres camarades aussi, d'ailleurs. J'ai bien remarqué que tu avais changé. Tu es distant, toujours en train de somnoler... Tu n'es plus avec nous. Alors, dis-moi la vérité.

Il posa un regard inquisiteur sur Yû, et celui-ci blêmit d'avantage. Des soupesons. Il avait déjà des soupesons. Or, s'il apprenait quoique ce soit... Il n'était pas sur de pouvoir vraiment lui faire confiance. Après tout, aucun de ses camarades ne lui avaient dit la vérité sur l'incident de Shinjuku... Et ils lui cachaient ça sans aucun remord...! Même Mika lui disait la vérité...«Oui... A croire qu'il est plus un camarade qu'eux...» Yû pouvait, alors, garder ses propres secrets, tout comme ses «camarades»... Mais, fallait-il seulement vraiment garder tout ça pour lui? Il rendit son regard à Glenn, décidé. Au bout d'une courte hésitation, il répondit.

_Non.

Glenn, pas convaincu, mit sa main dans ses cheveux.

_En es-tu sûr, Yû?

_Oui. Je ne cache rien. Je suis juste fatigué. Je travaille en dehors de ce cours.

Il mentait, bien évidemment. Mais la tension retomba presque instantanément, et Glenn, toujours aussi étrange, lui fit une tape amicale sur le dos.

_Allez, vas-y. Mais n'oublie pas les autres. Ils souffrent de ton choix, tu sais? Surtout Shinoa. Va lui parler.

Yû acquiesça, un sourire factice aux lèvres, et sortit, fuyant son ami, et les conséquences de son acte. Autant aller leur parler, puisqu'il lui restait du temps... Mais il ignorait qu'il n'était pas le seul à mener un double jeu. Qu'il n'était pas le seul à mentir. Il ne vit donc pas que Glenn, qui affichait un léger sourire devant Yû, redevint froid et inexpressif dès que celui-ci eut le dos tourné. Il serrait ses poings, le teint livide, et fermait la porte à clef, avant d'avancer dans les couloirs sombres de l'école. Glenn soupirait, attristé et résolu à un avenir qu'il ne voulait pas. «Je vais devoir le voir aujourd'hui... Après ça, tout risque de changer. Yû... Tu aurais du me dire la vérité.» 

Anges démoniaquesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant