Dernier coup d'éclat

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Un corps tomba au sol dans une marre de sang écarlate. Un second. Yû se sentait libre, et heureux. Il allait pouvoir tuer tant de gens... Un frisson de plaisir remonta sa colonne vertébrale suite à cette idée. C'était plus fort que lui, il était sincèrement satisfait de voir leurs souffles se couper, et de voir leurs yeux exorbités... Les longs couloirs aux murs blancs de ce laboratoire lui semblait interminables. Il avançait doucement, de longues ailes noirs, disgracieuses et ensanglantées, dans le dos. Ses jambes, presque brisées, ne lui permettaient pas de continuer son chemin entre les foules de soldats et les cris. Alors, il volait, un perpétuelle sourire malsain au visage. Enfin, il trouva dans l'une des salles son arme, Ashuramaru, confisquée depuis le début de sa détention. Dès lors, les victimes devinrent plus nombreuses, son ascension plus rapide, et il arriva enfin à atteindre la surface. Dans sa tête, la voix continuait de le hanter «Tue-les tous. C'est bien, Yû. Continue. Il pouvait presque entendre le murmure désapprobateur du démon de son arme. Arrivé dehors, le séraphin ressentit une vive douleur au sommet du crâne, là où il était tombé. En mettant la main dessus, il vit de longues traînées de sang brunâtres. De plus, le froid ambiant, semblable à des pics de glaces qui s'enfonçaient dans la chair, le tétanisait. Cependant, il repoussa au plus loin toute sa douleur, inébranlable, et décolla. Il savait son objectif. Il avait conscience de l'endroit où il voulait se rendre. «Oui, Yû. Là-bas, tu pourras tuer tous les humains que tu veux. C'est à cause d'eux, toutes ces souffrances» Dans les airs, Yû imaginait comment il allait bien pouvoir faire souffrir ces êtres immondes. Il se sentait puissant, les ailes dans le vent, et l'épée en main. Il atterrit finalement devant l'entrée de la ville de Sanguinem, où, des années plus tôt, il s'était enfuit en abandonnant sa famille. Il sentit vaguement une odeur de brûlée, et de cadavres. La guerre avait déjà commencé. Un sentiment de répulsion effleura son esprit corrompu, mais la voix se fit plus forte, et finit par emporter Yû dans les méandres des souterrains.

* ** * *

_LES HUMAINS NOUS ATTAQUENT!

Kululu écarquilla les yeux, croyant à une mauvaise blague venant de son messager. Elle, qui, tranquillement, priait en cette veille de noël devant une étrange statuette en onyx, semblait profondément interloquée. Grâce à son ouïe sur-développée, elle put entendre clairement la marche lourde et militaire des soldats, qui venaient d'entrer, elle le devinait, par la porte du nord. Comprenant très vite la situation, elle demanda au vampire d'avertir son armée au plus vite, afin d'entamer la riposte. Il claqua la porte de la chambre après une vague révérence, laissant Kululu seule. Elle ouvrit la fenêtre, et vit clairement dans les coins sombres de la ville les premières batailles commencer. Elle s'assit, lasse et perdue, dans son fauteuil rouge gothique, et prit sa tête entre ses mains. «Jamais l'armée démoniaque n'avait osé jusqu'à maintenant s'attaquer directement à la capitale», pensa t-elle, «Alors, pourquoi aujourd'hui...? Un plan comme cela ne se prépare pas sur un coup de tête... De plus, la garde du palais n'a jamais été aussi faible, à cause de fêtes de la déesse Nyx... Alors, pourquoi...?» Elle releva la tête, comprenant enfin le pourquoi du comment. Le peuple vampire avait été vendu. Quelqu'un les avait trahi. Jamais un humain normal aurait pu être au courant de cette coutume, et encore moins de cette impuissance. «Ferid...!» Elle aurait du s'en douter: Ferid, qui avait laissé seul Mika pendant une soirée, le comportement bizarre de ce dernier, qui semblait la fuir... Oui, bien sur...! Il était dans la confidence, et était sûrement victime d'un chantage. Furieuse, elle ouvrit la porte de sa chambre, et tomba nez à nez avec son plus vieil ennemi. Elle se figea sur place, tandis que, d'un coup d'épée, le vampire arracha le bras de Kululu, profitant de l'effet de surprise. Elle ne hurla pas, cependant, et comprit l'erreur terrible qu'elle avait commise. A ses pieds, il ne restait que deux grands tas de poussières, là où, jadis, se trouvaient ses gardes. Ferid, imposant, les cheveux nacrés impeccablement attachés en queue de cheval, attrapa le bras au vol, et entra tranquillement dans la chambre, forçant la vampire à reculer.

_Bonsoir, ma chère Kululu...! S'exclama Ferid, un sourire féroce au visage. Je vois que tu es toi même ravie de ma visite quelque peu singulière.

La reine laissa s'échapper un murmure sarcastique, tandis qu'elle se retrouva prisonnière contre le mur.

_Comment as-tu pu trahir ton propre peuple, Bathory...!? S'écria t-elle, la main droite sur sa plaie béante. Rends-moi ce bras, qu'on puisse se battre à arme égale...!

Ferid regarda distraitement sa main, mimant l'ennui, puis finit par lui lancer un regard particulièrement glaciale.

_Cela n'a jamais été MON peuple. Du moins, il va le devenir aujourd'hui, et je t'en remercie, très chère Tepes. Rien de plus simple pour cela: Encercler ton palais débilement vide, à l'exception de quelques gardes de bas rangs, incapables de lutter contre certains autres géniteurs à mon service... Puis, entrer ici, et te tuer. Facile, n'est-ce pas...? ... Tu n'as rien vu venir.

_Détrompes-toi, répondit-elle en haussant les sourcils, moqueur. Je te surveille depuis le début. Mais il semblait que je n'ai pas usé de la meilleur stratégie pour te vaincre... Je suis bonne joueuse, la partie est finie, tu t'en sors vainqueur et j'avoue ma défaite... Mais, à quel prix, Ferid...?

Un silence s'installa entre les deux êtres, et Kululu sentit un profond malaise envahir son être. Elle était en manque de sang, et sa blessure ne résolvait rien. Ferid afficha soudainement un visage vide, et empoigna la vampire à la gorge. Celle-ci ne se débattait même pas, un sourire aux lèvres.

_...Si tu m'avais aimé, très chère reine, jamais rien de tout cela ne serait arrivé, tu le sais très bien. Mais tu m'as repoussé. Alors tout cela, c'est de l'histoire ancienne. Maintenant, ma quête de pouvoir est bien plus forte que la simple et puérile envie que j'avais de rester à tes côtés, à l'époque. Tu m'as rejeté. Alors, j'ai abandonné l'amour. Et je suis devenu ce que je suis aujourd'hui... Ce monstre dégoûtant que tu détestes tant. Désormais, rien ne m'intéresse en toi...

Il détacha ses cheveux roses foncés.

_Rien, ni même tes cheveux que je trouvais si particuliers..

Puis, il posa sa main sur son visage, l'autre toujours encerclant son cou.

_Ni même ton visage fin et bien dessiné...

Enfin, il posa son doigt sur sa bouche rose et délicate.

_Et encore moins ces lèvres, que j'avais tant envie d'embrasser.

Ferid resserra sa poigne, un sourire moqueur aux lèvres, semblant rire de la débilité de son lui-même du passé. Il la souleva encore dans les airs, et Kululu commença à tituber. Avec un effort surhumain, elle cracha à la figure du noble, qui ne broncha même pas.

_Si je ne t'aimais pas, tenta t-elle de dire, tout sourire, c'est parce que tu ne mérites l'amour de personne. Et l'idée que tu as pu m'aimer me dégoûte profondément.

Elle fut déçue de voir que ses mots n'avaient pas réussis à enlever le sourire pervers du vampire, et sentit encore une fois la poigne autour de son cou se resserrer.

_Adieu, reine des enfers, maîtresse de mon vulgaire cœur nourrit par la faiblesse humaine. On se retrouvera, je le pense, en enfer.

Il enfonça ses crocs dans le cou de la vampire, et celle-ci ferma les yeux, sentant sa source de vie disparaître. Dans un dernier mouvement, elle réussit à griffer la joue de son ennemi, et sourit, avant d'abaisser sa main flageolante. Finalement, la poigne de Ferid se desserra, et le corps de Kululu se décomposa en poussière argentée. C'était fini. La reine des vampires n'existait plus. Désormais, c'était Ferid qui dirigeait ce peuple... Ou plutôt, sire Bathory. Le vampire essuya d'un coup net le crachat et le sang autour de sa bouche, et toucha sa plaie, peu profonde.

_Même dans tes derniers instants, tu n'auras pas réussi à me tuer... Remarqua t-il, sarcastique, et le ton légèrement voilé par une intonation quelque peu étrange. Tu es désespérante. Tu prétendais me haïr, pourtant, cette haine ne t'aura jamais permis à m'éliminer. Et c'est cette rage de vivre que j'admirais tant. 

 Son entaille se régénéra immédiatement, alors il tourna le dos aux cendres qui s'envolaient par delà la fenêtre ouverte, et quitta la pièce, sa cape volant derrière lui. «Kululu, ma plus grande erreur aura été de t'avoir un jour aimée»

Anges démoniaquesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant