#4 - Autodafé

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Noir complet. Une odeur d'urine agresse mes narines d'un coup de surin bien placé. Le froid humide assiège mon dos de son bélier, frisson élevant au garde-à-vous les fibres de mon être.

Un sous-sol.

Au loin se distingue le grincement d'une porte mal huilée, soutenu d'un chœur bruyant ; un être semble mirer ses tripes à la lueur d'un cierge le temps d'une chirurgie sans anesthésie.

Des pas se rapprochent. Lents. Devant moi, les pieds d'un siège raclent le sol. L'homme dépose une bougie sur la table qui nous sépare. J'aperçois sa silhouette à travers les mailles de mon voile. Je sers sur les prises qui retiennent mes poignets prisonniers, en vain : mes menottes puent la magie.

Il frappe des mains.

Flash de lumière.

Je me sens comme extirpé de l'allégorie de la caverne.

Mon geôlier se penche en avant, les coudes sur la table, l'un de ses larges sourcils dressé comme une bannière en plein champ de bataille. Son faciès a dû subir les affres de la guerre pour en arriver là.

— Qui es-tu ?

Silence. Je hausse ma tête en direction de mon pseudonyme : invisible. Un fantôme sans nom. Un bug. Je suis une bête de foire qu'il s'impatiente de disséquer. Mes yeux retrouvent aussitôt la bouille difforme du garde, seul point d'accroche au milieu de tout ce chaos.

— Tu n'entends pas bien ? Tu veux qu'on te rafraichisse la mémoire ?

Il fait un signe de tête à son camarade. Je ne l'avais pas vu.

Douleur au front alors qu'il s'encastre contre la table. Je souris, derrière mon visage.

— Enfermez-moi, qu'on en finisse.

— Tu n'as pas l'air de comprendre la situation, petit rebelle. Tu es enfermé dans les cachots de Root Town. Tu ne t'en sortiras jamais. Ja-mais. Remémore-toi les rumeurs à propos de ce lieu, petit rebelle... et dis-toi qu'elles sont toutes vraies.

Son sourire déchire l'harmonie capricieuse de sa figure. Je m'affale sur la chaise miteuse qui retient mon cadavre animé ; le bois craque sous mon poids.

Coup d'œil rapide à ma barre de vie : 5%.

— Ça me fait une belle jambe.

Clin d'œil complice adressé au garde. Aussi complice que ma tête et sa muse, la table.

— Ne fais pas le malin, petit rebelle. On te maintiendra en vie le temps qu'il faudra. On te fera subir les pires supplices. Tu en auras pour ton cul, et crois-moi, je me ferai un plaisir de me servir de ton corps comme d'une commode. Bien, on recommence : réponds à mes questions. Qui es-tu ? Qui t'a engagé ? Quelles sont les motivations de ton employeur ? Réponds !

Il se relève, se veut menaçant. J'admire son implication : son avatar a tout du garde grassouillet, malpropre sur lui, privé de toute particule de charisme - l'égérie d'une caste de PNJ. Ça diffère des régiments de héros et autres tueurs sanguinaires émo-gothiques prônant le BDSM.

— Le jeu de rôle te fait bander ?

Tête. Table. 2%. Le garçon est contrarié. Il se masse les tempes, fulminant de rage.

— Tu devrais te masturber plus souvent, continué-je. Matin, midi, et soir. Entre les repas. Ça soula...

1%. Je vois trouble. L'autre se rapproche, une lueur verte émanant de ses mains. 15%. Le manège recommence. 10%. 5%. Même si le système « Feeling » amoindrit la douleur, elle finit par nous marquer au fer rouge. 2%. Lueur verte. 20%. Des fissures lacèrent mon visage.

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