The Duskwood

Duan Jian

 « Liulang Han, racontes nous une histoire ! » avait crié l'enfant. « Oui, racontes-nous une histoire ! » Les voix s'étaient élevées de la rue comme une clameur joyeuse. Duan Jian s'était arrêté la vieille dans ce petit village et déjà les bambins réclamaient quelques aventures du vagabond sympathique. D'un signe de main, l'homme les avait fait taire pour prendre le temps de boire une gorgée de thé, lui qui venait à peine de finir son repas. Une petite fille, serrant très fort une peluche dans ses bras, s'était approchée de lui et le regardait de près avec de grands yeux étonnés. « C'est vrai que tu as affronté le grand guerrier dragon ? » Alors qu'il portait la tasse de terre cuite à ses lèvres, Duan Jian avait sourit, amusé par la question. Un instant, il resta observer son thé avant de le boire d'une traite... Il ne fallait pas faire attendre un si jeune public. Aussi les invita-t-il à s'approcher et venir s'asseoir sur la terrasse de l'auberge. « Oui, racontes-nous l'histoire du guerrier dragon ! » s'exclama un petit garçon qui devait être un brin bagarreur. Calmement, toujours souriant, Duan Jian l'avait regardé avant d'observer son jeune public. « Vous pensez que j'ai déjà affronté le guerrier dragon ? » Le bambin avait attrapé la peluche de sa petite sœur par le cou pour faire mine de se battre avec et l'étrangler. « Les grands disent que tu lui as fait regretter d'avoir offensé les Dieux pour son arrogance. Tu lui as arraché les yeux pour les jeter aux carpes dans le fleuve bleu. » La fillette avait les larmes aux yeux de voir sa pauvre poupée aux mains de son frère turbulent. Voyant sa détresse, Jiji avait posé une main sur l'épaule du garçon pour l'arrêter dans son combat imaginaire et avait attrapé la pauvre poupée pour la rendre à la petite fille. « Je serais si monstrueux que ça ? » - « Tu n'as jamais vu le guerrier dragon ? T'es qu'un menteur ! » - « Je n'ai jamais dit l'avoir vu, encore moins affronté. Mais j'ai rencontré bien des guerriers et bien des rois. » - « Ho, racontes nous tes voyages Liulang Han. » demanda la petite fille en serrant un peu plus fort sa poupée retrouvée. Duan Jian esquissa un sourire, amusé. « Un jour que je voyageais dans les royaumes du nord, j'ai fait la rencontre d'un homme curieux. Il ressemblait à un singe et régnait sur une tribu de singes. » - « C'est le roi singe ! » - « Tais-toi Shen, laisses le raconter. » - « Il vivait dans un palais en ruine mais l'endroit était un véritable havre de paix... »

L'histoire une fois raconté, les enfants en avaient réclamé d'autres, mais il était temps pour Duan Jian de s'en aller vers d'autres aventures. La troupe d'admirateur avait entouré le vagabond pour l'accompagner jusqu'à la sortie du village et tous ensembles, ils s'étaient mis à faire de grande signes d'adieux à Jiji « Au revoir Liulang Han ! Au revoir ! Reviens nous avec pleins d'histoire ! » criaient-ils tandis que la silhouette de l'homme avait disparu avec lenteur dans le paysage verdoyant des pays du Sud. A nouveau, il retrouva le silence de ces longues heures de marche, à errer sans destination. Au loin, il voyait la brume descendre dans les arbres, le tonnerre venait rouler dans la vallée, l'écho rebondissant sur les montagnes abruptes. Cela ne faisait pourtant que quelques heures que le vagabond était parti et voilà que le beau soleil s'était caché derrière une masse de nuages venu de l'Est. Tant qu'il n'y avait pas de pluie, Jiji continuerait de marcher. La brume se faisait de plus en plus épaisse. Un froid étrange venait lui caresser la nuque. En fond de lui Duan Jian sentait un mal étrange traverser la contrée. Mais il était trop tard pour faire demi-tour... Le vagabond continuait d'avancer tant bien que mal tandis que la pluie tombait avec ardeur, semblant ne jamais vouloir en finir. Autour de lui, le paysage plongé dans le brouillard n'esquissait pas les mêmes silhouettes que dans ses souvenirs. Les arbres étaient étrangement décharnés. La vie absente laissait place à un grand vide. L'atmosphère était lugubre et aucun endroit n'était propice à servir d'abri. Pendant ce qui lui sembla une éternité, Duan Jian erra dans cette forêt austère, sans savoir où aller et quoi chercher. Il sentait que les énergies négatives régnaient en abondance. Quel endroit pouvait bien contenir autant de malheur ? Le vagabond n'en savait traîtreusement rien. Mais au loin, il vit une lueur pâle qui brillait, lui indiquant un chemin inconnu. Il n'avait d'autres solutions que de la suivre sans savoir où cela allait le mener.