Chapitre 5

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Aurélien émergea doucement d'une courte nuit en s'étirant dans son lit. Il enfila un caleçon qui traînait par terre et se dirigea vers la cuisine.

Il y trouva Gringe, déjà habillé (enfin, si porter un jogging et un vieux t-shirt c'est considéré comme être habillé).

Oh merde.

Tous les souvenirs de la veille, qui étaient jusque-là floués par son sommeil encore nettement présent, lui revinrent d'un coup.

- Salut, dit Gringe en se levant pour se poster face à lui.

Qu'est-ce qu'on est sensé dire dans ce genre de situation ? Comment allait se dérouler la suite ? Comment doit-on réagir ? Que doit-on espérer ou redouter ?

Une seule réponse à toutes les questions : j'sais pas.

- Tu sais..., commença Gringe, hésitant aussi sur le genre de discours à tenir. Si tu veux plus me parler ou quelque chose du genre, reprit-il avec peine.

La réponse d'Aurélien tarda à venir : il ne s'était même pas posé la question. Est-ce qu'il voulait encore de Guillaume dans sa vie après ça ? Il le regretterait amèrement si il le virait de chez lui. Bien sûr que oui, il voulait que Gringe reste.

Mais il n'était plus très certain que leur amitié en soit vraiment une. Il se demandait comment Guillaume voyait les choses, et il comptait bien le savoir.

Guillaume regardait fixement son binôme dans les yeux, sans bouger. Ses lèvres étaient pincées, préparées à une réponse douloureuse de la part du cadet. Il était appuyé sur le plan de travail et croisait les bras.

Aurélien, lui, n'arrivait pas à soutenir le regard de Gringe plus de deux secondes, et regardait alors partout où son ami ne se trouvait pas. Il était debout, face à lui, et se tordait nerveusement les doigts.

- Je suis quoi pour toi ? lâcha-t-il, ne pouvant plus vraiment retenir la question, à laquelle Guillaume n'avait pas vraiment de réponse évidente.

- Tu restes mon meilleur pote, mais...

- Mais ?

Il ria nerveusement.

- T'auras remarqué que y a un truc en plus !

Aurélien ria légèrement avec lui.

- Orel, si tu veux qu'on oublie, alors on oublie.

Aurélien était surpris tant la voix de Guillaume qui se voulait rassurante était juste... Triste.

- Nan.

- Nan ? répéta Gringe.

- On arriverait pas. 'Fin j'sais pas toi, mais moi j'pourrai pas faire comme si rien ne s'était passé.

Guillaume sourit alors ; Aurélien avait raison, aucuns d'eux ne pourrait "oublier". Et d'ailleurs, il était bien content que son ami (tiens, ce mot sonnait faux, désormais) n'ait pas accepté.

Mais rien n'était gagné pour autant.

- C'est vrai. Alors quoi ?

- Comment ça ? interrogea le plus petit.

- On arrête de s'parler ? Je bouge d'ici et... Et ça se finit là ?

- Mais t'es taré toi, cria presque Orel, en relevant finalement le regard vers celui de Guillaume. Et puis quoi encore ?

- Je... Je sais pas, murmura Gringe, étonné de la tournure des évenements.

- Non. J'ai pas de solutions pour l'instant, mais tu restes ici, ordonna Aurélien.

- Euh... Ok, Orel.

Aurélien s'était inconsciemment rapproché du plus grand, qui n'avait toujours pas bougé d'un millimètres.

Ils se regardaient dans les yeux, n'étant pas si loin l'un de l'autre.

Un silence pesant s'installa, mais Guillaume avait littéralement besoin de le briser.

- Et euh... On est comme des potes, ou euh... Comme... Enfin...

"J'aurais mieux fait de me taire" pensa-t-il aussitôt.

Orel réfléchit sérieusement. Il détourna les yeux pour observer le grille-pain, derrière Guillaume, en s'appuyant sur le plan de travail avec la main.

Comme des potes ? Sérieusement ? Non, il n'y croyait pas une seconde.

Mais comme... Comme des... Des petits-amis ? Il ne savait pas vraiment si il y croyait non plus.

À vrai dire, il ne savait pas grand chose. Mis à part le fait qu'il n'avait pas du tout mais alors pas du tout envie de se prendre la tête, que ce soit avec Guillaume ou même s'embrouiller lui-même. Il avait plus envie de laisser les choses couler, ouais, de s'exprimer comme il avait envie, de...

Il regarda à nouveau Guillaume, mais pas dans les yeux, à peine plus bas : il regarda sa bouche.

... laisser ses gestes partir.

Il l'embrassa, son torse s'écrasant contre celui de Guillaume, qui répondit au baiser, venant même caresser d'une main le cou d'Aurélien.

Puis celui-ci se retira, et, en fermant encore les yeux, vint appuyer son front contre le torse de Guillaume.

- J'en sais rien, soupira Aurélien.

Save meOù les histoires vivent. Découvrez maintenant