Chapitre 8

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La chambre dans l'auberge de Rome est semblable à celle de Milan. Concrètement, il y a deux lits simples séparés par un mètre de moquette, deux tables de chevet, un bureau, une mini table basse, et une salle de bains coincée dans un coin. Une télévision est accrochée au mur en face des couchettes, et un tableau représentant un pot de fleurs est suspendu juste en dessous. Clarence lève un sourcil en posant ses yeux dessus. Elle n'y connait pas grand-chose en déco, mais elle trouve cette place étrange. Il est tard pourtant, et elle n'a pas envie de s'attarder dessus. Il fait déjà noir – ils ont fait une visite express de Rome de nuit et elle a mal aux jambes. Elle laisse Léane partir à la douche la première, et en attendant, elle se repasse sa journée en mémoire.

Lucas est vraiment un garçon attachant, il a réussi à lui sortir Léane de la tête durant toute la durée de la visite. Comment est-il possible d'être drôle, intelligent, d'avoir une belle gueule et de ne pas être un connard ? Elle soupire, s'approche de la fenêtre et coule un regard vers la ville. Les lumières des réverbères scintillent dans l'obscurité, et elle entend la circulation quelque part dans la rue, un chien qui aboie contre un passant qui sursaute sur les pavés. Clarence sourit : elle aime la nuit. Elle l'aime d'amour et si elle le pouvait, elle dormirait de jour pour pouvoir vivre la nuit. C'est là où les gens dorment que se trouve la vraie liberté. C'est là où les gens comme elle – les torturés, se rejoignent au clair de la lune, la tête tournée vers les étoiles, et essayent de se réinventer sur la voute céleste. C'est là où, seule, on peut trouver un peu de réconfort dans les bras de l'obscurité, lorsqu'on danse sous son drap, entremêlant nos doigts à ses ombres et jouant dans son silence mélancolique comme dans des flaques d'acide. C'est là où elle se sent intègre. Parce qu'il n'y a personne autour.

― Tu peux y aller...

La voix de Léane la tire de sa ballade imaginaire et en se retournant, elle se prend en pleine face toute la douleur qu'elle lui inflige depuis le tout début. Elle la fixe et son cœur se déchire dans sa poitrine. Lucas lui semble bien loin à présent ; mais elle voit son reflet comme un fantôme dans les pupilles de Léane. Elle s'avance pour aller dans la salle de bains, mais marque un arrêt à côté de la blonde, l'attrape fermement et l'embrasse comme mue par une pulsion sourde. Les lèvres de Léane se dérobent aux siennes et avant qu'elle ait pu comprendre quoi que ce soit, deux mains se plaquent sur sa poitrine et la repoussent en arrière.

― Je t'interdis de me toucher !

Les mots claquent comme un fouet et Clarence accepte la morsure sans broncher. Elle continue sa route en direction de la salle de bains et s'y enferme sans plus attendre. Que pourrait-elle dire de toute façon ? Que pourrait-elle faire d'autre ? Léane a raison de la rejeter, elle n'a aucun droit de la traiter de la sorte.

L'eau ruisselle sur son corps, efface sur ses lèvres la marque de celles de Léane dont elle n'a pas pu profiter ce coup-ci. Parce que cette fois, elle n'a pas répondu au baiser. Elle s'est refusée toute entière et la blessure qu'a engendré ce rejet est bien réelle en Clarence. La tristesse ne s'atténue pas avec l'eau ni le savon, alors elle se décide à sortir pour affronter la terminale.

― Je veux juste que tu saches que je suis désolée, lâche Clarence en pénétrant dans la pièce.

Léane lève ses yeux de son dessin et la froideur dans ses yeux gris est cinglante.

― Lucas a essayé de te joindre au moins cinq fois. Ne lui fais pas le même coup qu'à moi, il ne le mérite pas.

― Je...

― Je ne veux pas entendre d'explications. Aucunes. Laisse-moi tranquille, fais au moins ça. Je vais dormir, tu peux l'appeler si tu veux, je m'en fiche.

Pour elle...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant