1. REPOS FORCÉ (Partie VIII)

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— Si tu choisis de prendre les choses de cette façon, poursuivit-il devant mon mutisme, la situation n'est pas près de s'arranger. Leaven, tu dois aider ton père face à sa maladie. Tu dois le soutenir. Nidy l'aurait souhaité.

— Ne viens pas mêler maman à ça, oncle Sam ! me révulsai-je. C'est trop facile. Elle n'était même pas au courant !

— Évidemment ! s'énerva-t-il. Regarde déjà comment ton frère a réagi !

— Parce que tu as écouté aux portes ? m'empourprai-je, folle de rage, cette fois — et mon cri se répercuta au loin.

Il se ravisa un instant, ce qui me laissa le temps de mettre les diverses pièces du puzzle en place. S'il nous avait espionnés et s'il pouvait affirmer que ma mère n'était pas au courant, cela impliquait forcément que lui, l'était.

— Tu n'aurais pas osé, oncle Sam... n'est-ce pas ? Réponds-moi, l'implorai-je, au bord des larmes.

— Je lui avais donné ma promesse. Je n'avais pas à intervenir. Si ton père ne voulait rien dire, c'est probablement qu'il avait ses raisons. Qui aurais-je été pour le trahir ou juger de ce que tu devais ou non savoir ?

— Là, c'est trop, décrétai-je en me relevant et en époussetant ma robe.

Mon oncle passa une main dans sa chevelure blonde avant de m'attraper par le poignet.

— Attends. Promets-moi au moins de faire un effort. Pense à ton frère. Vous devrez veiller l'un sur l'autre.

Ses paroles m'atteignirent progressivement, jusqu'à ce que j'en saisisse le sens caché. Un troisième abandon en une journée, c'était plus que ne pouvait en supporter quiconque.

— Tu t'en vas ? ne pus-je m'empêcher de sangloter en m'arrachant à son emprise.

— Je dois rentrer à Helena, j'ai du travail qui m'attend là-bas.

— Bien sûr ! crachai-je.

Je n'arrivais pas à en croire mes oreilles. Il allait reprendre le cours tranquille de sa vie, sans se soucier de son neveu et de sa nièce qui se retrouveraient bientôt sans famille. Il dut lire mes pensées sur mon visage, car il se sentit le besoin de se justifier.

— Ton frère est peut-être tout juste majeur, mais il s'occupera de toi. Vous saurez vous débrouiller. Tu dois comprendre, insista-t-il devant ma mine sévère, je ne peux pas tout quitter pour venir ici. Vous pourrez toujours venir me voir.

— Ça, n'y compte pas...

— Ne sois pas si dure, Leave.

— Je fais ce que je veux. Comme tu l'as si bien dit, tu n'es personne pour me dire ce que j'ai à faire. Et puis... il me semble a priori que dorénavant, je serai seule pour prendre mes décisions, pour savoir ce qui est bien ou non pour moi. Et aujourd'hui, ce qui me semble bon, c'est que tu partes tout de suite !

Il écarquilla les yeux devant ma colère. Il ne s'attendait probablement pas à ce que je puisse me montrer aussi méchante avec lui, pas après avoir reproché à mon frère d'avoir eu le même comportement avec Nate.

— Mais... il y a deux secondes, tu disais...

— Les deux secondes sont écoulées, assénai-je. Ma famille part en lambeaux. En fait, ce n'est même plus une famille, me récriai-je en levant les mains au ciel. Ma mère est morte, mon père va mourir, mon frère ne m'adresse plus la parole et mon oncle m'abandonne ! énumérai-je. Qui reste-t-il ? Ah, oui... moi !

— Leave, attends ! cria-t-il en bondissant sur ses pieds.

— Laisse tomber ! hurlai-je en prenant la fuite.

— Bordel, Leave... Reviens ici !

Je m'étais mise à courir, mais le ton autoritaire de sa voix finit de me mettre hors de moi. La haine circulait désormais dans mes veines en un flot incontrôlable. Ma vision se brouilla et mes tempes me donnèrent l'impression de vouloir exploser. Je fis donc volte-face si fermement qu'il en fut coupé dans son élan. Il se planta face à moi et croisa les bras.

— Dégage d'ici, lui conseillai-je. Prends tes affaires et rentre chez toi.

— Ne me parle pas de cette façon, me prévint-il en tendant un doigt menaçant vers moi.

— Sinon quoi ? ironisai-je.

— Ne me pousse pas à bout. Ne sois pas si sûre de toi !

— Oh que si ! Je suis sûre de ce que je dis ! Je suis sûre que tout le monde m'abandonne, je suis sûre que tu fuis et je suis sûre que je connaissais assez bien ma mère pour savoir qu'elle n'aurait pas approuvé ta réaction.

Fière de moi, je le plantai au milieu de la forêt et disparus, avant même qu'il ait pu répliquer quoi que ce soit.


L'OMBRE DU PHENIX (Auto-édition disponible sur Amazon)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant