La lettre de Julien

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Y'a une page blanche juste ici. Tu le savais ? De tous les journaux intimes que tu as remplis, jamais tu n'avais laissé une stupide page blanche. Peut-être que c'était juste un carnet, celui-ci, pas un vrai journal. Un simple carnet où tes dernières pensées mourront ?

C'était ça, ton idée, Maddie ?

De tout mettre ton ouragan émotionnel dans un petit carnet tout trempé et de le laisser devant ma porte ? Et ce au même moment où tu abandonnais ? Tu es lâche, Maddie ! Tu sais pourquoi ? Parce que ta peine, tes émotions noires, elles t'ont englouties. Et maintenant que tu les a laissé faires, tu les refiles à quelqu'un d'autre. Pour ça, je te remercie.

Je te remercie, tu as bien compris.

Pour que quelqu'un saute d'une falaise, il en fallait des pensées sombres. Ton esprit était devenu un noeu de ces pensées tordues. Toujours, j'ai voulu savoir c'était quoi. C'est étrange dit de cette façon, mais pour que des choses non réelles poussent un être humain à se suicider, elles doivent être puissantes, ces pensées là. Je l'ai ai reçues. Ton carnet mouillé me les a livrées comme tu le voulais. Et jamais je ne te remercierai assez. Hurles-moi que je ne comprendrai pas et que je ne suis qu'un con. Fais tout ce que tu veux Maddie. Tu es lâche.

Tu es lâche d'avoir laissé un lâche comme moi ruiner ta vie.

Tu étais presque parfaite, le savais-tu ? On s'en fout des cigarettes. Ton regard illuminé, tes cheveux, ta façon de penser, d'aimer cette falaise. Tout était rempli de vie dans la jeune fille que tu étais. Malheureusement, tu as laissé un lâche comme moi pourrir cette joie de vivre et ta curiosité. Et ça, je ne me le pardonnerai jamais assez. Ton journal, tes mots et tes maux resteront gravés dans ma conscience toute ma vie. Pour être honnête, je ne sais pas si je pourrai supporter ce blâme longtemps encore.

Saches que ça, Maddie, de t'avoir fais rescentir tout cela, jamais je ne me le pardonnerai. C'est de cette façon que je les rescens tes émotions noires que tu m'as transmises, en culpabilité. Tu sais, y'a de quoi en devenir fou. Je ne suis pas sorti de chez moi depuis deux semaines. Je ne vais plus à l'école, je mange à peine. Tout ce que je fais, c'est lire et relire encore ton journal.

Il a séché, figures-toi donc.

Et depuis tout ce temps, je la regarde, cette page blanche. Jamais je n'avais figuré d'écrire dessus. Je ne voulais pas gâcher une fois de plus ce qui t'appartenais. Sauf qu'aujourd'hui, j'ai réalisé quelque chose. Et ce truc vallait d'être écrit dans ton carnet, journal, appelles-le comme tu le voudras.

Tu es toujours avec moi. Dans ma tête, tu n'es pas morte, Maddie. Tu vis dans mes pensées. Tu donnes vie à la falaise que tout le village déteste.

T'es là, Maddie. Et ton ami Julien aux lunettes, il est là, lui aussi. Je le vois, moi aussi. Peut-être que c'est une mauvaise chose, qui sait ? Il est gentil. Plus que moi. J'aimerais lui ressembler.

Il ne reste presque plus de place sur la feuille. Je dois écourter, je crois. Tout ce que je voulais que tu saches, c'est que ton histoire n'aurait jamais due se terminer ainsi. C'est la mienne qui aurait due. L'univers a fait en sorte d'inverser les rôles, pour une raison stupide, et c'est toi qui en a subit les conséquences que j'aurais méritées.

Tu m'as fait comprendre ceci. 

Ton journal, je te le rendrai demain matin. J'irai le lancer, du haut de ta falaise. Il te retrouvera peut-être.

Je ne m'excuserai jamais trop.
À très bientôt, Maddie.

-Julien

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