4. Carousel

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Les jours, les années passent. Je n'ose plus regarder ma mère avec les mêmes yeux qu'avant et je ne lui adresse même plus la parole. Elle avait tué mon père. Je ne pourrais jamais lui pardonner.

J'ai huit ans à présent. Maman m'a emmené dans un parc d'attractions pour mon anniversaire. Je me souviens juste que les seules paroles qu'elle m'a dit étaient :

« Amuse-toi bien, ma chérie. Je reviens te chercher ce soir. »

Elle m'avait laissée seule à l'entrée. Je marchais seule dans l'immense parc, avec mon ticket noir et blanc.
Aucune des attractions ne semblait vraiment m'intéresser. Le train fantôme ? Je n'étais pas du tout adepte de films d'horreurs. La grande roue ? J'avais le vertige rien qu'à y penser. L'aire de jeux ? Je n'avais plus quatre ans.
Je m'arrête alors devant un carrousel. La seule attraction qui me paraissait intéressante. Je donne mon ticket à un homme habillé en rouge et doré, un peu comme un uniforme de soldat anglais. Sans l'immense chapeau noir en poils de je-ne-sais-quoi.

Je monte sur un cheval blanc avec une selle bleue. J'aggripe mes mains à la barre devant moi et le manège commence. Il tourne en rond, en rond, sans s'arrêter.
Mes yeux se posent soudainement sur lui. Ce garçon.
Blond, yeux bleus, en haut blanc et short bleu. Avec sa barbapapa rose, il fixait le carrousel et me regardait intensément.
C'est possible de tomber amoureuse sans finir comme Maman? Si non, alors je ne veux pas...
Son regard me suivait et je ne pouvais pas descendre de mon cheval. Comme si j'y étais collée, scotchée, aimantée, menottée...
À force de tourner en rond, ce tour de paradis devenait un véritable enfer. Ma tête me tourne et mes yeux se brouillent. Je ne peux toujours pas descendre. Et lui, il continuait de me regarder avec un petit sourire au coin des lèvres, comme s'il appréciait ma souffrance...

Cela devait faire une bonne heure que le manège tournait en rond. Dieu merci, il n'allait pas vite. Une violente nausée me montait à la tête. J'étais épuisée, ma tête était horriblement lourde et j'avais atrocement mal au dos. Le garçon blond qui me souriait était toujours là, à me regarder. Son sourire commençait à s'estomper. Il devait en avoir assez autant que moi.

Un violent flash lumineux me força à ouvrir les paupières. L'éclairage s'est rallumé d'un seul coup. Le carrousel s'était arrêté. J'avais dû m'endormir, à bout de forces.
J'étais la seule à être restée dans le parc. Le garçon était parti. Je peux enfin descendre de ce manège infernal.

Je me dirigeais vers la sortie. Maman pensait me faire plaisir, elle a eu totalement tort. À moins que c'était son idée de départ, de me faire souffrir.
C'est fini. Je ne remettrai plus jamais les pieds dans cet endroit.

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