Chapitre 18 : Complications

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Ou comment avoir envie de faire demi-tour, et vite

Rash ne s'est jamais senti aussi impuissant. Il pourrait essayer de se défaire des liens qui le retiennent à la chaise sur laquelle il est assis mais à quoi bon... Si comme le prétend Akkrain un Elf s'est laissé manipulé pour s'allier aux Orkes et décide d'utiliser contre lui ses pouvoirs, en connaissant son nom, Rash n'a aucune chance.

Même lorsqu'il s'était battu contre Nosikä, il avait une chance de mourir, une chance de ne pas souffrir. Repenser à Nosikä fait remonter des souvenirs qu'il avait oubliés. Son combat contre l'âme ne s'était pas passé comme prévus, il avait changé. Il était devenu quelqu'un d'autre.

Il se souvient maintenant. La magie l'avait transformé, l'avait rendu plus fort. Un être doté de pouvoirs plus puissants, modifiant sa nature même d'Elf. Et s'il utilise ces pouvoirs pour sortir d'ici, pour se protéger du renégat ? Serait-il capable de retrouver sa personnalité ?

Puis il pense à Zashanö. Cela fait longtemps qu'il n'avait pas invité l'âme dans son monde. C'est probablement une meilleure idée que de redevenir ce monstre. Mais au plus profond de lui, il a adoré cet instant. Il se rappelle à présent des sensations qu'il avait eues et commence à regretter cette personnalité. Puis il se reprend, jamais il ne devrait avoir ce genre de pensée, surtout lui, un Assassin pour son Royaume. Il ne devrait pas se laisser attirer par des pouvoirs supérieurs. Il ne doit pas en avoir besoin. Il doit pouvoir compter sur lui seul, sinon il n'est pas digne de porter ce titre.

Il décide finalement de trouver son arme. Seul inconvénient, il se trouve toujours dans la même salle et les deux Orkes qui gardent la porte devant lui ne le quittent pas des yeux une seule seconde.

Il a une surprise en regardant attentivement ces deux individus : ils sont légèrement différents des Orkes qu'il avait rencontrés lors de sa première "visite" ici ; ils sont plus grands -toujours inférieurs à un Elf mais quand même- et les signes caractéristiques de leur race sont comme estompés : leurs défenses, qui normalement remontent jusqu'à leurs narines sont maintenant aussi discrètes que des canines volumineuses, leurs teint verdâtre aussi est devenu plus beige, comme délavé.

On dirait qu'ils essaient de ressembler à des Elf. Mais si tel est leur objectif, il leur faudra encore beaucoup de travail car pour le moment, ils sont quand même assez... laids.

Mais assez de distraction, Rash doit se concentrer pour invoquer son allié dans son monde. Cela fait très longtemps qu'il n'a pas essayé -il s'en veut d'ailleurs de n'avoir pas fait appel à Zashanö depuis tant de temps- mais se souviens de la manière de procéder.

Il fait le vide dans son esprit -c'est la base de tout bon sortilège -et se met à la recherche du lieu si particulier qui relie son esprit à celui de ses poignards. Il n'a pas besoin de chercher bien longtemps et déjà il se retrouve dans cette dimension.

L'univers est complètement différent de celui de Nosikä. Il est composé que d'une seule pièce. Plus précisément, d'un seul couloir, plongé dans l'obscurité. Rash referme la porte par laquelle il est entré. Le monde qui relie les deux âmes est le fruit de leur création. Ils peuvent le moduler comme ils l'entendent puisque leur seule limite est leur imagination. Mais Rash et Zashanö s'étaient très bien entendus sur le sujet, ils avaient décidé de laisser libre leur créativité et avaient donc laissé seulement un couloir vide dans lequel pouvait s'ouvrir n'importe quelle porte, menant vers n'importe quel endroit, en fonction de leurs humeurs.

C'est pourquoi une seconde seulement après que Rash soit entré, une nouvelle porte apparaît sur la droite du jeune homme. Elle s'ouvre et laisse entrer un homme dans la force de l'âge. Il est grand, porte une tenue noire, entièrement composée de tissus semblant faire partie intégrante de son corps. Une fumée -noire aussi- l'entoure et reste à ses côtés, gardienne d'un homme qui n'a probablement pas besoin d'un tel soutient. Il porte à sa ceinture deux dagues qui accompagnent chacun de ses mouvements. Ses cheveux, d'un noir de jais, semblent avoir été sauvés de justesse d'une tornade ; des mèches rebelles sortent vers l'arrière, sans aucun ordre. Son allure témoigne d'une énorme confiance en soi. Il est suffisamment musclé et sa démarche impose le respect à tous ceux qui pourraient le croiser -ou même l'apercevoir. Il a exactement la même prestance qu'un parfait Assassin, à en faire rougir Acräon lui-même.

La porte se ferme majestueusement derrière lui. Il s'approche de Rash d'un pas calme et mesuré pour venir s'arrêter en face.

Rash attend patiemment que Zashanö termine son entrée en scène.

« Toujours à en rajouter.

- Il faut bien que je me prépare à sortir d'ici. Je me suis mis sur mon trente-et-un rien que pour faire bonne impression auprès de tes amis. »

Rash grimace imperceptiblement. Il déteste quand son jumeau lui fait remarquer ses faiblesses.

« Tu es prêt ? »

Question inutile.

« Ai-je une seule fois manqué à ton appel ? »

Réponse interrogative.

Rash fait signe à son allié de le suivre vers le mur de droite puis pose sa main sur la poignée de la porte qui venait d'apparaître au milieu du couloir. Il l'ouvre dans un silence absolu, et traverse l'encadrement, Zashanö sur ses talons.

Rash ouvre les yeux. Retour au réel ; toujours aussi bien, pense-t-il ironique.

Les deux Orkes postés de part et d'autre de la seule porte d'entrée -et de sortie- n'ont pas l'air d'avoir remarqué que Rash vient à l'instant d'utiliser ses pouvoirs. En effet, ils sont plutôt concentrés sur l'étrange homme qui vient d'apparaître devant leur nez. Ils ont comme mission de surveiller le passage d'étrangers par la porte, et la présence de ce personnage à l'intérieur de ces murs constitue sans aucun doute un sérieux problème de sécurité, et une possible mort lente et douloureuse si Akkrain s'aperçoit de ce léger problème.

Ils réagissent au quart de tour, sortent leurs épées de leurs fourreaux et pourfendent l'intrus. Enfin... c'est probablement ce qu'ils auraient fait si ledit intrus n'avait pas interrompu net leur progression en ralentissant le temps.

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