Elle se promène dans la ville lumière. C'est son rêve qui s'exauce. Elle s'est toujours vu ainsi : gambadant entre les quartiers du Marais et Montparnasse en allant de temps en temps à Montmartre. Car oui, elle a beau préparer une licence de psychologie à Descartes elle n'en reste pas moins une férue d'art un peu bohème dans l'âme.
Ainsi c'est tranquillement qu'elle se rend dans l'un de ses petits cafés favoris, juste derrière la Basilique. On y raconte que Dalida elle-même y serait descendue avec son frère et manager il y a des années de cela. Rumeur ou réalité, cette anecdote ne change en rien les habitude de la jeune femme qui s'assied à sa place fétiche devant la fenêtre.
Elle ne change pas ses habitudes : un grand latte avec un sucre et des sablés à la vanille. C'est son petit remontant avant d'attaquer le planning de révisions qu'elle s'est fixée sitôt qu'elle rentrera chez elle.
Nous sommes un vendredi de Mai et il fait étrangement mais agréablement bon. La semaine a été dure et les partiels arrivent. Mais elle pourra bientôt se reposer, pour le moment elle doit juste continuer s'accrocher encore un peu.
Il marche d'un pas pressé. Ça n'est pourtant pas son habitude lui qui est si calme et patient. Pourtant c'est cette patience et ce calme qui lui ont joué des tours et qui causent son empressement : en effet, il se dépêche pour aller acheter ses fournitures pour son École d'Arts parce qu'on lui a dit que les stocks de la boutique qui les vends étaient bientôt épuisés. Il aurait pu y aller plus tôt et anticiper. Mais vous savez ce que sont certains artistes : des êtres doux et rêveurs avec parfois la tête dans les nuages.
Il est 16h et il commence à apercevoir l'enseigne de la boutique juste derrière le Sacré-Coeur. Il voit également celui qui semble être le propriétaire car ce dernier commence à abaisser le rideau métallique de sa boutique. Alors le jeune homme accélère une ultime fois (vestige de ses triomphes en tant que "sprinteur" lors de ses cours de sport de collège puis de lycée) et arrive en un rien de temps, tout essoufflé, de devant l'homme moustachu qui s'apprêtait à tourner une pancarte "Fermé" sur sa porte.
Le jeune homme reprends sa respiration et lui explique, entre deux souffles entrecoupés, ce qu'il cherche et l'usage qu'il compte en faire. Le vendeur le toise, réfléchis puis soupire doucement en levant les yeux aux ciel avant de faire signe à son client d'entrer dans sa boutique.
Elle vient de finir son café. De ses sablés il ne restent que des miettes. Et pourtant elle reste là. Car au fond de la salle, une jeune fille (ayant probablement un âge compris entre l'enfance et l'adolescence) s'est assise au piano du café et s'est mise à chanter.
La jeune femme n'est pas la seule à avoir tout arrêter pour l'écouter ; presque tout le monde présent prête une oreille au spectacle d'une fille à la voix d'ange chantant des chansons d'Edith Piaf d'une voix cristalline. Elle ne sait pas combien de temps s'écoule mais elle ferme les yeux et s'enferme, au gré des notes, dans une bulle intemporelle.
Il ne sait pas combien de temps s'est écoulé depuis qu'il s'est perdu dans les rayons de la boutique mais il y prête nullement attention. Il imaginait une petite échoppe poussiéreuse sans autre grande utilité que de fournir du matériel pour étudiants. Cependant il s'est avéré que ce lieu aux allures d'atelier dépassait ses attentes.
Il y avait des palettes de toutes tailles, des couleurs par centaines, des manuels d'aide, diverses chevalets, plusieurs types de fusains et autant de pastels. Le gérant aurait pu pester qu'on l'empêche de fermer boutique et de rentrer chez lui. Mais il n'en était rien, au contraire, il semblait ravi que l'on s'intéresse à sa marchandise, mieux, que l'on s'y attarde.
Lui était bien satisfait : non seulement il ne repartait pas les mains vides (entre ses achats réglementaires et quelques éléments personnels) mais en plus il avait découvert un nouveau sanctuaire pour l'artiste qu'il était.Il est 16h37 lorsque deux portes s'ouvrent au même moment, face à face, derrière la Basilique du Sacré-Coeur. La première est celle d'un petit café d'où s'échappe une mélodie de piano et une voix enfantine d'adulte. La seconde appartient à une boutique d'art qui renferme une douce odeur de peinture et de papier journal.
Du café sort une jeune femme revigorée et de la boutique un jeune homme aux bras chargés. Et afin de parfaire les similitudes, les deux jeunes gens se retournent et relèvent la tête au même moment.
Peut-être que si la jeune femme ne s'était pas attarder à écouter la chanteuse et que si le jeune homme était arrivé plus tôt alors ils n'y aurait peut être pas eu de raisons pour ce face-à-face d'être. Or ils étaient là.
Paris est immense. Seuls les bâtiments se retrouvent chaque jours et ne se perdent jamais. Pourtant à cet instant, la jeune fille et le jeune homme sont bien face l'un à l'autre tout comme la boutique et le café.
Le temps s'est à nouveau figé pour eux deux mais cette fois pour la même raison.
Et c'est ainsi, tel les adolescents qu'ils ont été et que chacun a aimé respectivement, ils s'avancent timidement l'un vers l'autre dans un rythme semblable.Elle est devant lui.
Il est devant elle.Et ils se sourient doucement.
«Salut» .
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Petit Miracle
RomanceDeux ex qui se retrouvent en pleine Ville de l'Amour. Une seule nuit partagée qui suffit à les réunir de nouveau contre leurs attentes. Pourtant chacun a déjà sa vie. Néanmoins...