Petit Miracle

Et le bonheur l'emporta

Il n'y croyait toujours pas.

Cela faisait au moins trois heures qu'ils s'étaient quittés au Jardin du Luxembourg et pourtant il n'y croyait toujours pas. Lui, papa. C'était insensé.

Ça allait de soi : il n'était pas prêt. De toutes les situations "catastrophes" que son esprit aurait pu engendrer, il n'avait que vaguement pensé à celle où on lui annonçait sa paternité prochaine alors qu'il en était encore aux études. Comment payer les frais d'un poupon ? Lui à qui il arrivait de ne manger que des pâtes en fin de mois ? Non, c'était impensable !

Et, outre le problème financier, il y avait aussi cette fille qu'il avait rencontré dans un café il y a environ onze mois. Une pétillante brune répondant au nom d'Andréa. Malgré leurs nombreuses séparations ils finissaient toujours par retourner l'un vers l'autre. C'était ça l'amour, non? Savoir quand on devait se quitter pour mieux se retrouver? Notre jeune homme savait qu'il aimait cette fille, il en était sûr et certain... Mais que dira-t-elle lorsqu'elle apprendra que son amant se retrouvera papa dans quelques mois et que la mère de l'enfant n'est qu'autre que son amour de lycée ? Certainement pas "Félicitations".

Il se laissa tomber dans le fauteuil usé qui trône au milieu du salon. Ses deux colocataires devaient certainement bosser ou être à leurs études respectives (médecine pour l'un et théâtre pour l'autre). Il s'entendait avec chacun d'eux et en avaient découvert de sincères amis. Devrait-il annoncer à Thomas (le futur ostéopathe) et Philippe (le dramaturge malgré lui) qu'ils risqueraient d'être tontons d'ici plusieurs mois ?

Mais par-dessus tout, ses pensées divaguaient sans cesse vers Elle.
L'ambition a toujours été présente en elle, aussi loin qu'il s'en souvienne. Si elle avait pour projet de partir (re)faire sa vie à l'anglaise prochainement, se ne serait pas un ventre rond et des courbatures qui l'arrêteront. Cependant il était inquiet. Pas uniquement pour la santé d'un bébé trop secoué par de nombreux voyages mais aussi pour Elle. Qui sait quelles difficultés elle pourrait rencontrer une fois là-bas ? Et si l'accouchement ne se déroulait pas comme prévu ? Avait-elle de la famille à Londres ? Des amis ? Où serait-elle seule ?

Et que serait le devenir de cet enfant ? Aura t-il de quoi subvenir à ses besoins, son éducation, ses loisirs ? Et si il échouait à la tâche de père ? Non pas qu'il ai vécu une expérience personnelle l'ayant dégoûté de toute aura paternelle (bien au contraire, son pere était un homme fort compréhensif) mais pour de frêles épaules d'étudiant en arts aux revenus modestes, s'occuper d'un enfant relève de l'impossible. De plus, il ne savait pas s'y faire avec les bambins alors un de lui...

Pourtant, au bouts de quelques minutes de questionnement paniqués, le jeune homme ferma les yeux et se détendit. Pourquoi voir le mauvais à travers un Miracle naturel après tout ?

Arborant une respiration plus détendue et un calme à nouveau serein, il se mit à imaginer sa fille ou son fils dans quelques années. Il ignorait qui serait à ses côtés et quelle serait sa situation professionnelle  à cet instant. Seul les yeux de son enfant lui importait. Peut être aurait-il/elle les prunelles de son père ou les iris de sa mère.

Doucement, notre héros se mit à sourire, les yeux toujours clos.

Et c'est ainsi, vers le sommeil, que le bonheur l'emporta.