Chapitre 7.

43 3 3
                                    

Niall, étonnamment, avait vraiment été calmé par son rendez-vous avec Norah de ce soir, il n’eut pas tant de mal que d’habitude à s’endormir. Même si ce n’était souvent que passager, Richie réussissait petit à petit à avoir une bonne influence sur lui. Malgré tout, c’était encourageant pour la jeune femme. Si l’effet apaisant qu’elle parvenait à avoir sur lui durait de plus en plus longtemps, comme il lui avait semblé le remarquer, cela voulait peut-être dire qu’elle allait dans la bonne voix, qu’il y avait encore un certain espoir pour que le jeune homme s’en sorte. Définitivement.

Vers deux heures du matin, le même cri qu’à l’accoutumée réveilla Richie. Par chance, Niall dont la chambre se trouvait à l’autre bout du couloir, ne fut pas perturbé. Comme chaque nuit, c’était presque devenu un petit rituel, Richie se leva, enfila son peignoir et descendit dans la cuisine pour préparer une tisane pour Harry. En traversant le hall elle secoua la tête avec tristesse. Le pauvre garçon devait être en train de trembler de terreur ou de pleurer sous sa couette, et elle ne parvenait pas à le tranquilliser. C’était particulièrement rageant de voir ce jeune homme souffrir à ce point, et de n’avoir aucun autre recours que de le regarder se débattre avec ses peurs, dans une totale impuissance.

A sa plus grande surprise, lorsqu’elle arriva dans la cuisine, les lumières étaient déjà allumées, et une bouilloire attendait déjà sur le feu.

-       J’arrivais pas à dormir. J’ai entendu Harry crier alors je suis descendu préparer une infusion, je sais que tu lui en fais à chaque fois.

La concentration et l’écoute faisaient partie des enseignements que Richie avait transmis à Louis. Elle ne fut donc pas surprise le moins du monde qu’il ait remarqué cette habitude. Ce qui la choqua un peu plus, en revanche, fut le ton de sa voix. Il était froid, glaciale même. Et tranchant. Ces quelques phrases n’étaient pas du tout destinées à engager la communication. Pendant une seconde elle dût réfléchir intensément pour savoir pourquoi il pouvait bien avoir pris une telle intonation. Etait-il vraiment encore en colère après leur discussion de la soirée précédente ? Richie fronça les sourcils. Ca ne ressemblait pas à Louis. Il était du genre à répondre vigoureusement à quelque chose de déplaisant sur le coup, puis à l’oublier presque aussitôt. Une fois qu’une dispute était terminée, elle lui passait par-dessus l’épaule et il ne s’en souciait plus. En tout cas c’es comme ça qu’il s’était toujours comporté avec elle, depuis son arrivée. Et pourtant ce soir, non seulement il n’avait pas réai sur le coup, et avait préféré partir s’enfermer dans sa chambre, mais il semblait ne toujours pas avoir digéré cette histoire.

-       J’peux savoir ce qui t’arrive ?

-       Rien.

-       Ecoute, Louis, ça va bien ! Ca fait trois ans que t’es ici, et là d’un coup tu me pètes un plomb, tu crois quand même pas que je vais rien remarquer !

-       C’est rien, j’te dis.

-       Oh, c’est pas vrai, c’que tu peux être chiant quand tu t’y mets ! Ecoutes, je sais pas ce qui se passe dans ta tête en ce moment, m…

Quittant la bouilloire pour s’approcher d’elle rapidement, il avait attrapé le visage de la jeune femme entre ses mains et pressé leurs lèvres ensemble, la forçant à se taire. Les yeux grands ouverts, Norah resta immobile, sous le choc. Dès lors qu’il la relâcha, Louis sortit de la cuisine et partit rejoindre sa chambre, de nouveau, ne laissant à la jeune femme aucune possibilité de le questionner sur ce qu’il venait de se passer. Pantelante, elle resta un moment appuyée au plan de travail de la cuisine, les yeux dans le vague et les lèvres en feu.

Apres un certain moment, elle fut sortie de sa torpeur par le sifflement strident de la bouilloire. Secouant la tête pour revenir à la réalité, elle attrapa un mug dans le placard au dessus du plan de travail, derrière elle, et y versa l'eau chaude, avant de s'en retourner vers l'étage. Arrivée au milieu de l'escalier, elle réalisa qu'une tasse d'eau chaude ne serait pas très utile à Harry. Levant les yeux au ciel, elle fit demi tour, mais bougea trop vite et renversa un peu d'eau bouillante, brûlant ses doigts au passage. Elle serra les dents et inspira profondément pour ne pas crier de douleur. De retour dans la cuisine, elle remplit avec empressement un infuseur à thé de quelques boutons de fleur d'oranger, et le plongea dans le liquide.

Comme à l'accoutumée, elle posa l'infusion sur la table de chevet, mais elle ne quitta pas la chambre immédiatement. Cette fois, elle vint s'asseoir sur le lit, à côté du jeune homme.

- Ca va aller, tu sais. Tes cauchemars. Je sais que c'est horriblement dur pour toi, là, maintenant. Mais on va trouver un moyen de calmer tout ca.

Le garçon la regardait silencieusement, l'air hébété. Ses cheveux formaient un amas de boucles brunes qui partaient dans tous les sens autour de son visage, ses yeux étaient rouges et ses joues trempées. Machinalement, mais avec une infinie douceur, elle essuya ses larmes, avant de caresser légèrement ses cheveux. Harry, déjà déboussolé par ses cauchemars et le manque de sommeil, ne comprit pas cette soudaine démonstration d'affection. Il attrapa le mug sur sa table de chevet et but une longue gorgée de son infusion, scrutant la jeune femme plus ou moins discrètement. Quelque part, très loin et proprement caché au fond des yeux de sa professeure il y avait quelque chose d'inhabituel. Quelque chose comme de la panique, et cela terrorisa Harry. Si Richie, qui contrôlait toujours tout, et sur qui reposait tout le Manoir, semblait perdre le contrôle au point de venir le rassurer lui pour pouvoir se calmer elle-même, c'est que la situation devait être grave. Peut-être étaient-ils en danger. Peut être valait-il mieux qu'il parte avant que les choses ne s'aggravent, avant de devoir à nouveau faire face à la peur, la douleur et l'incompréhension.

- Richie... Ca va?

Elle sursauta, comme sortie à nouveau d'une lointaine rêverie.

- Oh, euh...

A vrai dire, elle ne savait pas trop. Mais elle remarqua la profonde inquiétude du jeune homme et ne put éviter un petit rire. Le pauvre trouvait son comportement tellement inhabituel, qu'il en avait conclu à la catastrophe.

- Ne t'inquiète pas, Harry, tout va bien. J'ai eu une longue journée, c'est tout.

Riant toujours doucement, elle le rassura encore avant de sortir de sa chambre pour rejoindre ses propres quartiers. Mais une fois dans son lit, l'humeur ne fut à nouveau plus à la rigolade. Elle tourna et tourna encore sous ses couettes pendant des heures, effleurant ses lèvres du bout des doigts comme pour s'assurer qu'elle n'avait pas rêvé de ce contact. N'importe quoi, franchement. N'importe quoi!

Le Manoir.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant