Chapitre 9.

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Cette journée ne fut de tout repos pour personne. A dix-sept heures, comme toujours, Richie s'installa avec Harry et Niall à la large table de chêne qui trônait dans la salle à manger. Elle mordit dans un scone, l'air absent. Elle était exténuée. Pendant une seconde, elle pensa à annuler la séance de Niall de ce soir, mais elle réalisa que sans cela il ne progresserait pas. Il avait besoin de cette thérapie de fortune, et elle n'avait pas le droit de l'en priver. Elle soupira, d'autant plus fatiguée d'avance. C'est alors que Louis, qui avait mal géré ses rations du midi, fit irruption hors de la cuisine et se dirigea vers les escaliers pour retourner dans sa chambre. Harry et Niall se lancèrent un regard interrogateur, et murmurèrent entre eux quelques remarques que Richie n'entendit pas, trop occupée à faire comme si elle n'avait pas vu le troisième jeune homme passer. Quel culot il avait d'oser se montrer alors qu'il avait délibérément séché la journée. Elle ne laisserait pas ça passer, qu'il le sache!

Elle ne laisserait pas ça passer, il le savait pertinemment. Assis au bord de son lit, il essaya de se préparer à l'inévitable confrontation. D'ici un peu plus de deux heures, son entretien quotidien avec Niall serait terminé, Richie passerait par la cuisine, mangerait sur le pouce et irait, très probablement, s'installer dans le salon au coin du feu. Il y serait avant elle. Il l'attendrait. Et sans manquer, lorsqu’elle entra dans le grand salon, un bol de soupe à la main, il était déjà installé dans le fauteuil de telle manière qu’elle ne pouvait pas le voir tout de suite. Désireuse de se détendre, elle décida d’allumer la chaine hi-fi, et la pièce se remplit d’une farandole de notes de guitare électrique et de basse qui s’élevaient dans l’air, semblaient danser avec grâce et remplir la pièce. Lorsqu’elle vint s’asseoir sur son fauteuil, et aperçut Louis du coin de l’œil, elle ne laissa rien paraître, et pendant un temps, il la scruta attentivement, sans oser bouger et sans dire le moindre mot.

- Bonne journée ? lui demanda-t-elle, la mâchoire clouée et le regard fixé sur le feu.

Il la regarda avec incrédulité pendant un moment, se demandant si elle venait bien de lui demander comment s'était passée sa journée. Elle crispa légèrement les poings et il comprit qu'elle se retenait d'exploser. Un éclair de culpabilité le traversa. Elle avait déjà tellement de choses à gérer, il se sentait horrible de lui imposer aussi ses états d'âme. Mais, après tout, il méritait autant de considération que les deux autres. Si ce n'est plus, puisqu'il était là depuis plus longtemps et maîtrisait plus de techniques-monstres.

- Reposante, décida-t-il de commenter, appuyant ainsi sur le facteur fatigue qui accablait la jeune femme.

Elle ne répondit rien et ne fit pas un mouvement. Pas même un soulèvement de sourcil. Pas un pincement de lèvres. Il la scruta attentivement, s'apprêtant à recevoir les foudres de Richie. Ce qu'il ne pouvait pas voir, depuis son siège, c'était Norah qui poussait de toutes ses forces pour sortir, formant un lourd bouchon de sanglots dans la gorge de la demoiselle. Une larme perla au coin de l'œil de la jeune femme et glissa le long de sa joue. Louis ne la manqua pas. Ses yeux s'écarquillèrent et ses mains se mirent à trembler légèrement. Il espérait pouvoir pousser Norah à sortir de sa coquille, mais jamais il n'aurait voulu lui faire le moindre mal, encore moins la faire pleurer! Et il n'avait pas la moindre idée de comment réagir, maintenant.

De son côté la demoiselle perdait pieds. Elle avait l'impression de glisser sur de la boue et de tomber éternellement ne jamais vraiment toucher le sol. Que faire? Fallait-il se taire, au risque de passer pour la pleurnicharde, incapable de gérer elle-même sa propre école ? Fallait-il s'énerver, crier sur Louis, laisser sortir la colère et la frustration ? Fallait-il rester calme et simplement lui demander des explications ? Mais par où commencer?

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