Crazy in Love
I
La lumière que diffuse encore le soleil de janvier, à 17:00, est plus envoûtante que jamais, ce soir. La salle de danse est plongé dans une atmosphère lugubre. Par la fenêtre, les rayons du soleil couchant sont d'un rose ensorcelant. Dans cet air de fin de journée, quand les gens n'ont plus envie de sortir de chez eux, quand la nuit leur a volé leur motivation, quand ils regrettent l'été, je respire au rythme de la musique, écouteurs dans les oreilles. Je déploie mon corps, en face du grand miroir s'étalant sur toute une face de la pièce. Je suis confrontée à mon image, et j'oublie le reste. Mon cours s'est terminé il y a plus d'une heure, mais je danse sans cesse. Le professeur quitte la salle plus tôt le dimanche, alors j'en profite pour m'évader. L'éspace m'appartient, tandis que j'appartiens à la musique.
Je danse jusqu'à ce que la douleur des crampes soit trop insupportable, jusqu'à 19:00. J'attrape ma bouteille d'eau et la vide de moitié. J'enfile un gros col roulé par-dessus mon justaucorps chair, un jogging et défait mon chignon, qui commençait à me faire mal à la tête.
Dans le bus, j'observe le ciel, comme toujours. Cette fois, il est noir. La journée touche vraiment à sa fin. J'ai la sensation horrible que j'ai perdue du temps. Mais, c'est le temps qui me perd, encore une fois. La vie défile devant nos yeux sans que l'on puisse réagir. Et ont fini par se perdre, par ne plus savoir quoi faire, par avoir l'impression que si le jour s'en va si vite, la vie fera de même. Je suis une fille mélancolique, oui. Mais, chaque soir, je ne peux m'empêcher de me dire que, le lendemain, je devrais refaire face... aux autres. Revêtir mon costume de scène. Exactement comme si j'entrais sur scène, mais pas pour danser sur une musique que j'aime. Juste pour danser dans le but de satisfaire les gens autour de moi. Et j'en suis si fatiguée ! Vraiment.
J'ai tendance à penser que les personnes qui ne m'auront jamais vu danser, ne m'auront jamais vraiment connue.
Soit. Mon entraînement est fini, le bus s'arrête à mon arrêt. Il faut descendre, et sourire. Alors j'inspire profondément, et j'expire l'air le plus positif qu'il soit, en affichant un sourire sur mon visage. J'ai bien dansé, aujourd'hui. Demain, Véronique nous annoncera le thème du spectacle, et si mon travail a porté ses fruits, j'aurais peut-être le premier rôle, me dis-je, pour sourire encore plus. Je ne me force pas. Je suis vraiment heureuse et impatiente à l'idée d'être demain soir !
En ouvrant la porte de la maison, je sens une odeur... de gras et de fromage fondu.
– Maman ? On mange quoi ?
– Oh ! Je me suis commandé une grande pizza, mais vu que tu n'aimes pas ça, fais-toi une salade ! me dit ma mère pour me taquiner.
– On avait dit pas de pizza quand je suis là... j'aime trop ça, c'est juste que...
– Tu dois faire attention... je sais, je sais. Allez, Aimée, manges-en une part, en récompense de tes quatre heures d'entraînement !
– J'ai dansé quatre heures ? je demande, choquée, et avec le sourire, je suis fière de moi. Ouah ! J'ai pas vu le temps passer... Bon, okay pour la pizza...
Je prends ma mère dans mes bras et enlève mon écharpe, ma veste et mes baskets Superstar... oui, oui, aucune originalité, mais je ne les porte que pour aller à la danse, et les détails sont roses gold !
La pizza n'a jamais été aussi délicieuse, surtout que cela fait des mois que je n'ai pas osé en avaler. Je fais attention à ce que je mange, mais, ce n'est pas une question de poids – au contraire, je me suis toujours trouvée trop mince – c'est juste que j'aime manger saint.
Après le dîner, je monte sur la mezzanine pour rejoindre ma chambre. J'ouvre la porte, et une dizaine de photos de danseurs et danseuses encadrés et fixés sur les murs gris m'accueillent. Je dépose mon portable sur mon lit et m'assoie sur le parquet noir pour m'étirer. Le buste droit, une jambe devant moi et une autre derrière. Je place mes mains en première position et reste une petite minute ainsi, en grand écart. Je passe au facial, celui-ci est horrible. Mais je résiste malgré les gouttes de sueur qui coulent sur ma nuque, me penche du côté de ma jambe droite, puis de ma jambe gauche, puis je tente de toucher le sol avec ma poitrine en me penchant en avant. Enfin, je rassemble mes jambes.
J'attrape mon téléphone portable et m'écroule sur mon lit. Je laisse retomber la pression en consultant mes messages.
Adrien : Hello, ma jolie ! J'ai pas de tes nouvelles depuis hier.
Tu t'entraînes, c'est ça ? Ça te dit un ciné, demain à 20:00 ?
Je t'aime.
Adrien est mon petit-copain depuis huit mois. Il a oublié que, non seulement, il y a le bac blanc de français à réviser, mais en plus, et surtout, mon cours de danse de demain soir est le plus important de l'année ! Véro, ma prof, va nous annoncer le thème du spectacle et sélectionner les danseurs qui auront le premier rôle !
Moi : Coucou, chou ! Je suis trop désolé, mais demain, tu sais bien
que je ne dois pas rater le cours. Le spectacle, le premier rôle...
si je l'obtiens, tu pourras venir me voir danser, en fin d'année. ;)
Je t'aime aussi. :*
J'hésite une seconde avant d'appuyer sur la touche « envoyer », mais je me décide finalement. Bien sûr que je l'aime, enfin, je crois... Je n'aime pas utiliser ce mot.
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Crazy In Love
RomanceAimée, 18 ans, ne vit que pour une chose : la danse. Cette année, c'est à deux danseurs de son niveau que doit revenir le premier rôle, et comme tous, Aimée désire l'obtenir. En effet, c'est elle qui dansera sur Crazy In Love lors du spectacle, e...