Chapitre 17 - Partie 1

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Dixième nuit de camp. Dixième arrêt morose ponctué par quelques regards vides et une ou deux paroles bienveillantes. Vaine tentative de réassurance des troupes. Les soldats de Thranduil ainsi que certains des meilleurs archers d'Elrohir, pourtant presque tous volontaires, savaient parfaitement qu'ils s'étaient engagés dans une mission de laquelle ils risquaient fort de ne pas revenir et, la plupart du temps, restaient en retrait. Dans un sursaut d'hostilité, Thranduil se tenait à l'écart des autres elfes, n'adressant la parole qu'à Gandalf de temps en temps – et à Leilith, bien évidemment. Après une enquête de cette-dernière, il semblait que dans un souci d'égo, il se devait de désigner quelques coupables à cette espèce de mission suicide, et Arien n'étant pas parmi eux, ils préféraient reporter sa grogne sur les Ñoldor présents. Comme quoi sa sagesse avait des limites, avait ricané la jeune femme à l'adresse du Blanc. Comme quoi sa peine est si forte qu'il ne peut penser correctement, avait rétorqué le magicien. Une attaque de gros yeux avait été la seule réponse à ses paroles. Pour autant, et malgré les remontrances de la jeune femme lors du dernier entretien à Fondcombe, la relation entre les deux magiciens ne s'était pas altérée.

Gandalf continuait d'apaiser et de soutenir la jeune femme à sa manière. Celle-ci ne cessait de l'émerveiller, car même si elle n'en disait rien, chaque jour ses peurs et ses doutes les plus profonds ne cessaient de la tirer vers le fond, et chaque jour elle les repoussait toujours un peu plus loin, chaque jour elle acceptait un peu plus, non pas sa destinée, mais le chemin sur lequel elle se trouvait de gré. Ce n'était pas la première fois que le Blanc marchait aux côtés de personnes prêtes à faire fi d'eux-mêmes pour une cause que d'aucun qualifierait de supérieure. Il semblait toutefois que jamais il ne pourrait se lasser d'admirer la volonté sans faille dont ces êtres faisaient preuve, malgré tous les sombres gouffres dans lesquels ils avaient pu chuter.

Lui, l'Istar, ne pourrait jamais se targuer d'avoir appris ainsi la vie et cette élévation de l'esprit. Il avait combattu, certes, il avait presque échoué, il s'était abîmé le corps et l'âme, mais les obstacles ne s'étaient jamais présentés à son esprit comme une insurmontable montagne. Il avait douté de beaucoup de choses : du futur de la Terre du Milieu, de la réussite de certains de ces compagnons d'armes, du dénouement des périodes les plus sombres d'Arda... mais il n'avait jamais douté de lui-même, ni ne s'était inquiété pour lui-même. S'il avait frémi devant l'idée de la mort, devant la peur des sévices qu'on avait pu lui infliger un jour, il n'avait jamais eu ce regard vide, reflet du trou béant que l'horreur et le désespoir pouvaient infliger à d'autres.

Alors même si l'envie de parler à sa protégée le tenaillait, il s'interdisait de la déranger lorsqu'elle était auprès du roi de Mirkwood – soit à peu près tout le temps –, et se contentait de rejoindre Galadriel, très compatissante. Et plutôt très bavarde, il était vrai.

~ Naur ~

« Tu ne regrettes pas ? »

Devant l'ennui et le malaise à peine voilés de son amante depuis leur départ de Fondcombe, Thranduil avait fini par poser la question qui lui brûlait les lèvres.

« Quoi donc ?

— La lettre.

— Pourquoi je regretterais. J'avais besoin de dire au revoir à Allaë et Cilaël.

— Je ne parle pas de celle-là...

— Pourtant y'a que celle-là.

— Tu veux me faire croire que j'ai eu une hallucination quand je t'ai vue emprunter deux grives ?

— C'est ça.

— Leilith...

— Tu veux que je te dise quoi ? J'arrive pas à ne pas les aimer mais au fond... au fond je pense quand même que ce sont des raclures. La peur et les pressions sociales n'excusent pas tout.

Némésis | Fanfiction LOTR & Hobbit | TerminéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant