Chapitre 3 : Nouvelles envies.

30 7 5
                                    

Tout s'effondre alors que je coule dans une nuée ardente ensanglantée. Mélange de rouge et de noir, goût de fer en bouche. Des visions d'horreurs me prennent en proie, m'encerclent, me retournent et m'inspirent de la haine. Je me débats, me déchaîne dans ce cauchemar et mes migraines. Des voix s'élèvent et mes cris me déchirent. Je suis une folle à la mer, qu'on fasse couler tous ces navires. Je suis comme aspirée, étranglée et paniquée par un profond trou noir qui menace de tout faire se terminer. Mais non, au contraire. Tout s'accélère.

Se compose alors un rythme endiablé, cadencé par les grognements d'une bête dissimulée dans les abysses, tandis que s'y mêlent des hurlements, les miens et ceux de créatures que je ne peux voir. Qu'elles se montrent, qu'elles viennent me lacérer de leurs griffes tranchantes mais par pitié... qu'elles se montrent.

Mélange de rouge et de noir, goût de fer en bouche.

Mon cœur me fait mal, tout à coup. On me l'arrache, me le froisse et je sens alors mes muscles se raidir et ma figure se décomposer. Quel mal, quelle douleur. Pour cette énième voyage dans les méandres de la folie que j'enfouis, des pleurs. Mes sanglots sont des missiles qui glacent et foudroient mes joues. Ma peau pèle-t-elle ? Mes larmes ne sont-elles que de l'acide ?

Mélange de rouge et de noir, goût de fer en bouche.

« Là, là Mercure. Ouvre les yeux, tu peux me voir ? »

Alors soudainement, le cauchemar s'effondre et la tempête se dissipe. Le décor morbide laisse place à un blanc éblouissant qui m'aveugle. Oh mon dieu, ma tête est comme pilonnée par un marteau piqueur et une voix assourdissante m'appelle. Tout est flou, tout se confond. Je commence alors à cligner les yeux plusieurs fois d'affilée jusqu'à ce que des silhouettes se dessinent. Face à moi apparaît peu à peu le visage d'un homme dont les petites lunettes rondes font s'y refléter la lumière de la pièce qui dissimule ses yeux profonds habituellement noirs. Comment le sais-je ?

« Docteur Soulodes ? »

À l'entente de ce nom, l'homme affiche un léger sourire soulagé. Il tend alors sa main en ma direction pour m'aider à me relever de la plaque de métal gelée sur laquelle quelqu'un m'a allongée. Ce n'est pas sans difficulté que je dépose et plante mes pieds engourdis sur le marbre blanc qui pave le sol. Je vacille et menace de tomber à ce premier contact laborieux. Le doc' me saisit alors par la taille d'une main en prenant la mienne de l'autre. Oui. Il est un tantinet tactile.... Et ce n'est qu'un début.
L'infirmier qui l'accompagne et qui patiente gentiment en attendant que je me redresse depuis déjà un bon moment décide finalement de timidement prendre la parole.

« Monsieur Sou-Soulodes... Rappelez-vous que Mlle Raba nous attend dans moins d'une demi-heure.
- Effectivement. Mercure... Mh, c'est cela ? Mh, oui... Es-tu prête ? »

Raba ? Mercure ? Prête ? Mes maux de crâne divisent les phrases, en présentent séparément chaque mot et les défont de leur sens. À quoi devrais-je être prête, au juste ? Mon air interrogateur lui fait parvenir mon incompréhension. Son sourire s'élargit dès lors.

« Nous devons te faire « t'exprimer ». Tu te rappelles ? À 14 heures, dans mon bureau. Un souvenir de cette discussion avec Mlle Raba ?
- Mais n'était-il pas prévu demain ?
- Nous sommes « demain », Mercure. »

Mon regard et mes pensées se perdent. Que s'est-il passé déjà ? Qu'on me donne une date, une explication et une justification à tout cela. Sans attendre que je comprenne, le jeune infirmier ouvre la porte, se retourne vers Soulodes en lui pointant du doigt son poignet sur lequel il y a probablement une montre invisible pour le commun des mortels. Le doc' acquiesce tout de même, semblant avoir compris le message subliminal et maladroit du jeunot. Il se tourne dès lors vers moi puis me fait signe de sortir de la pièce, à la galante manière des princes imaginaires sortis tout droit des films à l'eau de rose. Mon visage s'accapare alors un air satisfait tandis que je m'exécute, suivie de près par le don juan.

LESCHTING ASYLUM.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant