Chapitre 2 : Nouvelle lune.

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Je dévale alors inlassablement le couloir qui semble se répéter à l’infini. Toujours à croiser les mêmes figures dénuées d’esprit, toujours à voir mon reflet sur le sol. Le temps passe tandis que je cours, comme à chaque fois que je me fais repérer. Le temps défile mais rien ne bouge. J’ai toujours ce visage de gosse de 8 ans, toujours cet air désemparé sur la face des autres patients et toujours personne pour ne venir récupérer qu’un seul d’entre nous. Oui. Le temps court, la folie cavale et les cinglés admirent le spectacle.

Je cesse alors mon marathon que je poursuis en solitaire depuis déjà un bon moment, si ce n’est depuis le début. Je suis désormais face à Mon antre. La fameuse « 413 ».

Ce merveilleux nombre est gravé dans du bois étonnamment en bon état et qui sert de pancarte, pendant d’un vieux clou rouillé enfoncé dans la porte. J’en abaisse la poignée qui grince pour prévenir le docteur de mon entrée. Aucune gêne ne se lit sur mon visage, aucune humanité de sa part ne daigne se montrer. Comme les autres fous conscients, je suis une de ses privilégiés qui peut se vanter de voir chaque jour la véritable facette de ceux qui se déclarent médecins des cinglés. Pas plus censés qu’eux, ils mêlent clopes à l’arrachée et leurs veines tailladées pour oublier les rêves auxquels ils aspiraient et c’est entre les lobotomisés et leurs rires accablés qu’ils sont condamnés à rester pour continuer à les piquer…. C’est beau ce que je dis.

« Monsieur Tenarbé ! Quelle joie de vous croiser ici. Permettez-moi de vous proposer un café. »

Dis-je en m’approchant de la vieille table bancale située dans un des quatre coins de la pièce. Sur celle-ci se trouve une dizaine de dosettes que j’ai « emprunté sans avoir demandé au préalable » au cuisinier. Non pas que je sois droguée à la caféine ou quoi que ce soit, je n’en connais même pas le goût et de toutes façons ces dosettes sont inutilisables comme ça. Je me suis juste dit qu’elles pourraient me servir , tôt ou tard, on ne sait jamais. Mieux vaut prévoir que ne pas pouvoir… ou quelque chose de ce genre-là.

« Mercure, tu sais pertinemment que la caféine est déconseillée pour tes crises.
- Je suis bien au courant, Charles. Je les ai juste prises pour toi, grand adorateur de café que tu es.
- Pas de « Charles » ni de bonnes attentions qui tiennent. Allez, donne-moi ton bras, j’en ai d’autres que toi à aller voir.
- D’autres que moi ? Mais ne suis-je pas ta préférée ? »

Pas de réponse, évidemment. Juste une piqûre dans la veine de mon avant-bras avant qu’il ne se lève et ne reparte aussitôt. Ça valait bien la peine de m’attendre autant pour si peu. Je m’installe alors sur mon lit et patiente. Patienter pour quoi ? Pour les conséquences du traitement, sois un long détour par les bras de Morphée, un vieil ami à moi. Je vous retrouve dans quelques heures les enfants, soyez sages d’ici là.

Alors que je vogue et vagabonde en plein tourment dans mon sommeil, une voix s’élève en bruit de fond en résonnant. Ce terrible écho est si dérangeant qu’il finit par me réveiller. Ce n’est pas sans surprise que je vois face à moi un visage familier. Celui d’une femme dont le visage semble paré aux cernes qu’impose pourtant son métier. Élancée et radieuse, elle est pareille à une lanterne qui se balade tranquillement dans l’hôpital.

« Docteur Raba. Quel est l’objet de cette visite ?
- Mademoiselle Mercure veuillez m’excuser pour cette intrusion. Il a été décidé lors d’une réunion entre médecins que vous nécessitiez un rendez-vous hebdomadaire à mes côtés pour que vous puissiez vous exprimer. - En quel honneur ai-je le droit à une telle faveur et une telle attention de votre part ?
- Vous n’êtes pas sans savoir que votre tendance à vagabonder dans les couloirs pour distraire vos camarades et les inviter dans votre chambre ne nous arrange guère et nous paraît significatif. Vous semblez avoir besoin de compagnie et nous l’entendons. Cependant, vous ne semblez pas comprendre que vos collègues sont, contrairement à vous, en proie à de bien trop graves problèmes pour pouvoir digérer les informations que vous leur transmettez constamment. Nous en avons donc conclu que vous aviez besoin d’une oreille plus à même de vous écouter qu’eux.
- Cette oreille serait donc vous ?
- Ou du moins la mienne, reprend-elle. Qu’en pensez-vous ?
- Mh… Comment refuser après que vous aillez usé de toute votre salive pour m’en expliquer le contexte ?
- Très bien. Le premier rendez-vous se déroulera donc dans le bureau du docteur Soulodes. Pas la peine de vous y rendre par vous-même, je viendrai vous chercher ici et ce, dès demain à 10h. Entendu ?
- Le rendez-vous ne devait-il pas être avec vous ?
- Si, cependant pour le premier, monsieur Soulodes tenait à être présent pour prendre des notes et me conseiller sur le cursus que je devrais vous faire suivre. »

LESCHTING ASYLUM.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant