Elijah est le chanteur le plus méprisé dans le milieu du showbiz, et à raison. Il est tout autant haï par ses paires que idolâtré par ses fanes.
Patch est son univers, la musique sa drogue, le sexe sa passion et le sport son défouloir.
Mais...
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Je vis dans un coin tranquille et résidentiel du 16ième arrondissement, dans un bâtiment aussi vieux que mon arrière-grand-mère, mais qui se révèle avoir de la gueule de l'extérieur.
Je pousse la petite grille en fer forgé et tape le code d'entré de la première porte qui donne accès sur le sas du rez-de-chaussé. Le plafond est haut et le sol est partiellement recouvert par un tapis rouge épais qui donne l'impression qu'on est dans un hôtel chic. A gauche, l'énorme porte en bois typiquement parisienne se trouve être celle de mon appartement. En face de moi, une seconde porte-vitrée sécurisée par digicode avec interphone permet d'accéder à un ascenseur et gravir les volées de marches. L'immeuble est sur trois étages, qui appartiennent chacun à mon heureux propriétaire. Lui habite dans le duplex sous le toit, et le premier étage est occupé par ma très sympathique et adorable grande tante, Annie. C'est grâce à cette dernière que j'ai d'ailleurs trouvé ce travail et qui m'a permise de vivre ici dans ces conditions parfaites.
Annie est atteinte de Parkinson depuis ses cinquante ans ; aujourd'hui elle en a soixante-dix et la vie n'a jamais été aussi morne cette femme à l'origine pleine d'énergie, qui aimait danser et faire la fête jusqu'au bout de la nuit. Une bonne vivante . Mais la maladie ne respecte aucune conduite, ne possède aucune indulgence et ne connaît que le châtiment, même s'il est souvent réservé aux mauvaises personnes.
Je farfouille dans mon sac, en extrait mes clefs - ornées de l'adorable cocker Lady de disney en miniature - et déverrouille la serrure. Je pousse ensuite le lourd battant avec les épaules et invite mes deux chiennes à entrer. Jenna n'étant pas attachée, elle ne se fait pas prier et fonce sur sa gamelle. Patch, quant à elle, ne semble pas savoir où se mettre et reste dans mes pieds. Je la repousse, referme derrière nous et détache sa laisse avant de retirer mes chaussures, ma veste en cuir et mon sac à main. Les premières finissent dans le meuble prévu à cet effet tandis que j'accroche les derniers aux paternes derrière ma porte. Je balance ensuite mes clefs dans le vide-poche coloré et me tourne vers la boxer.
- Welcome home, Patch ! Mi casa es tu casa, dis alors que l'animal me regarde avec des yeux larmoyant, l'air de dire " et maintenant, je fais quoi ? Tu as un placard, j'aimerai m'y cacher ?"
Je lève les yeux aux ciels et pars à la recherche d'un panier où elle pourra s'installer sans prendre un coup de croc de Jenna.
Mon appartement est petit, mais super bien aménagé. Lorsqu'on entre, la cuisine ouverte est sur la gauche, avec un bar rouge moderne qui sépare du salon, une fenêtre au-dessus de l'évier qui donne un accès direct sur la rue - ce qui n'est pas le top, avouons-le - et suffisamment de mobilier en arc de cercle pour ne rien avoir à acheter. J'ai quatre plaques de cuisson électrique, un four, un frigo doublé d'un congélateur - qui rentre tout juste dans l'espace entre le mur et l'égouttoir - ainsi qu'une machine à café senseo et un micro-onde qui pourrait très bien cuire une tarte - à en croire la notice, mais je ne m'y risquerai pas ; les fours servent à ça, il me semble. Le charme du reste de mon adorable demeure réside dans son décors cosy, féminin et digne d'une chambre de grand enfant. Le papier peint en imitation briques façon loft américain recouvre tous les murs. Des plantes en pot s'harmonisent un peu partout et se dispute la place aux petites lampes d'ambiance, plus nombreuses que nécessaires. J'ai la chance d'avoir un studio unique en son genre, car la hauteur sous plafond a permise d'installer une mezzanine qui se trouve être ma chambre. Une mezzanine qui est fermée par des cloisons de bois, dont l'une peut coulisser à la japonaise au niveau de l'escalier. Ce nid douillet n'offre pas la possibilité de se tenir debout, mais a le mérite d'être délicieusement confortable et sécurisant. J'ai même une fenêtre, plus large que haute, et qui donne une vue dégagée sur la courette herbacée de l'immeuble.
A droite dans l'entrée se trouve mes toilettes, avec la salle de bain juste derrière, avec une grande douche à l'italienne et un miroir gigantesque. Mon salon, quant a lui, est composé d'un canapé deux places terriblement agréable où j'ai tendance à m'endormir, d'une télévision écran plat avec une équipement home-cinéma -histoire que je me fasse plaisir avec de bons films lorsque la solitude me dévore - et une table basse scandinave vintage que j'ai peint de toutes les couleurs. Un parquet flottant cuivré recouvre l'ensemble de l'appartement, exception faite du sol de la cuisine, fait en carrelage sombre. Pour le reste, j'ai mis un grand tapis noir en chenille sous la mezzanine, car j'adore la sensation sur les pieds nus.
Après une courte recherche dans mon placard à bordel, j'en ressors une panier molletonné pour ma nouvelle invité que je lui installe contre le bar. Ma chienne a son coin attitré avec moi, dans la chambre, donc, pas de risques de disputes. Je m'empresse ensuite de fournir des croquettes à Patch qui les dédaignent ostensiblement - alors que Jenna se jette sur les siennes - avant de partir explorer son nouveau chez-elle.
Je la laisse faire, me serre un verre de coca-cola et file m'installer sur mon canapé après m'être débarrassé de mes habits de travail - qui ont la fâcheuse manie d'empester le chien, on se demande pourquoi -. J'allume mon ordinateur, mais comme celui-ci a déjà quatre longues années derrière lui, je me ravise et décide de me doucher pendant qu'il émerge de sa léthargie. J'entraîne avec moi Patch au cas où elle trouverait subitement intéressant de grignoter mes meubles. L'eau chaude relaxe mes muscles et m'aide à me détendre, tandis que les pleurs de la boxer me font grincer des dents.
- Ça va, Patch, je sors ! finis-je par m'agacer en expédiant ma douche une fois mes cheveux parfaitement propres.
J'essuie d'une main la buée sur mon miroir et observe tristement la photographie polaroid qui y est collée. Je sais qu'un jour, l'humidité finira par la grignoter ; mais pour l'heure, je ne me lasse pas de la regarder. On me voit moi, figée dans une crise de fou-rire, emprisonnée dans les longs bras fins et musclés de mon ancien petit ami. Le menton dans mon cou, on voit ses yeux qui brillent d'un amour à peine contenu alors que son sourire éclatant de blancheur fait un contraste net avec sa peau noire. A côté de lui, mon teint juste bronzé me fait paraître pâle comme une rousse, alors même que ma chevelure frisée couleur café pourrait lui faire concurrence s'il n'avait pas porté la coupe réglementaire des pompiers de paris.
Je croise mon regard bleu-gris qui paraît éteint. Une vague de douleur me fait presque trembler. Je ferme les yeux un instant et inspire profondément. A côté de moi, Patch se remet à chouiner et attire suffisamment mon attention pour me détourner de mon chagrin.
- Oui ma belle, on sort, lui dis-je en ouvrant la porte sur le reste du studio.
Jenna lève à peine le museau. La peste s'est roulée en boule sur mon canapé en posant sa tête sur l'accoudoir. Après avoir enfilé mon pyjama, je file la rejoindre et constate avec satisfaction que mon ordinateur est enfin sorti de son hibernation. Je m'empresse d'attraper mon téléphone pour prendre une photo de Patch, que je transfère ensuite sur mon facebook. Je vais sur la page "pet alerte" et j'écris un post pour prévenir que j'ai trouvé une vieille boxer femelle identifiée avec impossibilité de contacter le propriétaire. Une fois que c'est fait, je file me préparer des nouilles chinoises que j'affectionne tout particulièrement - surtout quand j'ai faim et que la flemmingite aiguë me guette. Je dîne ensuite devant ma télévision et zappe au hasard des chaines avant de m'interrompre sur une émission musicale.
- Il paraît que le réalisateur, Thomas Russo, ne voulait que lui pour jouer le rôle, est-ce vrai ? demande le présentateur à sa compagne blonde qui offre son plus beau sourire de poupée à l'écran.
- Tout à fait, il était très exigeant sur le rôle principal et n'a pas voulu accepté de casting. C'est d'ailleurs pour ça que le tournage s'est vu à ce point repoussé, étant donné que l'agenda du chanteur Elijah était surbooké. Mais il ne faut pas oublier qu'on lui a proposé plus de dix millions de dollars pour jouer dans ce film ; il aurait été surprenant qu'il n'accepte pas. D'autant plus qu'il a avoué dans une interview récente qu'il rêvait de vivre pendant un temps sur Paris, qu'il considère comme, je cite, "l'une des villes les plus riches". Qu'est-ce qu'il entendait par là, c'est un mystère, plaisante la présentatrice en se tournant vers son voisin.
- Elijah est connu pour son caractère atypique dans le milieu du showbiz, il est vrai que...
Je change de chaîne, déçue par tant de blabla. J'aime bien l'acteur Elijah, mais pas au point d'écouter les ragots qui se disent sur lui. Tout le monde sait que c'est un trou-du-cul, mais ça ne l'empêche pas d'être idolâtré par la moitié de la planète. Ce type est un con surdoué, et personne ne peut le nier. Bourré de talents dans tout ce qu'il entreprend, il possède une voix délicieuse et un physique de rêve, sans compter qu'il a un jeu d'acteur hors pair. Les gens se targuent à dire qu'il n'existe aucun homme aussi malhonnête et insupportable que lui, pourtant il paraît impossible d'ignorer cet artiste prodige. Certains même se plaisent à prétendre que c'est le meilleur dans le milieu du showbiz. A tout juste vingt-huit ans, les réalisateurs et les maisons de disques se l'arrachent, pendant que les grandes marques de luxes s'écharpent pour en faire leur égérie masculine. Doté d'une physionomie proche de celle de Bruno Mars, c'est pourtant sans aucun doutes qu'il l'écrase à plat de couture en terme de beauté et de charisme, suivant les traces du défunt Michael Jackson.
Je finis par mettre les informations, que j'écoute que d'une oreille en surveillant Patch du coin de l'œil. Elle a fini par s'installer dans sa couche, ce qui me rassure. J'avais peur qu'elle ne gémisse toute la nuit.
Je passe donc l'heure suivante à comater, avec en fond sonore le fameux dernier album en date du très renommé Elijah.
Vers onze-heure du soir, je sors les chiennes, histoire qu'elles fassent leur commissions ailleurs que sur mon superbe tapis, puis je rentre et m'endors devant un film à l'eau de rose qui me donne rapidement le mal de mer.