2 . Running after the dog

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Maîtriser un animal d'environ trente kilos s'avère bien plus ardu qu'il n'y paraît au premier abord

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Maîtriser un animal d'environ trente kilos s'avère bien plus ardu qu'il n'y paraît au premier abord. Déjà parce qu'avec un collier-lasso, la bête s'étrangle elle-même rapidement, et que le but consiste à la suivre dans son déploiement de force sans se faire embarquer ni la traumatiser davantage.

Et l'apaiser, c'est une autre paire de manches. Heureusement pour moi, la chienne se calme relativement vite, certainement grâce à la présence de ses congénères qui la reniflent et l'observent avec curiosité. 

Une fois la boxer presque immobile, je regarde rapidement si elle a un tatouage à l'oreille et constate avec soulagement que oui. De toute façon, je me doute dés le début que ce n'est pas une chienne abandonnée. Elle est bien trop apeurée pour ça et en bonne santé. De mon point de vue, c'est une chienne peureuse de nature qui n'apprécie pas le contact d'inconnus, et qui n'est pas habituée à celui des autres chiens. 

Alors que Tom et moi avions prévis de discuter et faire le tour du parc de Boulogne, on se retrouve à pister le propriétaire de la chienne perdue. Sauf qu'à aucun moment on ne croise une personne hurlant le nom de la chienne, ou paraissant chercher quelque chose. 
Nous passons prêt de trois heures à tourner et faire des allers-et-venues dans les zones les plus fréquentées, nous autorisant quelques pauses boissons pour faire boire nos chiens aux points d'eaux.

- Bon, on devrait l'emmener chez les véto, je doute qu'on puisse trouver son maître à l'aveuglette, me fait remarquer Tom en lançant un baton aux trois chiens en liberté.

La boxer que je tiens en laisse sursaute. Même si elle s'est apaisée depuis le début, elle est toujours aux aguets, alertée par le moindre mouvement brusque. Elle ne parvient pas encore à poser son regard sur moi, et peu importe combien je la caresse ou cherche à attirer son attention, elle ne semble pas capable de poser ses yeux sur moi et me voir. 
Et ce genre de comportement, c'est typiquement celui d'un chien souffrant d'ultra-attachement qui se retrouve totalement perdu lorsque son maître disparaît. 

Je soupire et hoche la tête.

- Tu as raison, je vais l'emmener voir Docteur Roger. 

- Je te dépose ? me propose mon ami.

J'accepte volontiers. Je n'ai pas de voiture et dans paris, ce n'est pas franchement la peine. Et mes clients étant essentiellement des particuliers vivants sur Boulogne-Billancourt et dans le 16ieme, je me déplace en transport en commun ou en vélo. Du coup, je ne vais pas cracher sur une proposition si alléchante.

Nous quittons donc le parc et rejoignons sa smart quatre places. J'installe les trois furies à l'arrière et prend la boxer flippée à l'avant, entre mes genoux.

- Au fait El', je ne t'ai même pas demandé ce que tu allais en faire, m'interroge Tom en démarrant. 

Je regarde la chienne qui semble maintenant épuisée. Ses paupières se ferment toutes seules et elle paraît s'endormir, bercée par la conduite. Sa tête dodeline et elle fini par poser son menton sur ma cuisse. Je craque aussitôt pour elle et lui caresse délicatement la tête, toute attendrie.

- Tu veux dire si on retrouve pas ses maîtres aujourd'hui ? dis-je distraitement. Je suppose que je la ramènerai à la maison. 

Mais ça m'emmerde. Je n'ai pas beaucoup de place chez moi, et mon boulot me force à être tout le temps dehors avec des chiens toute la journée, d'autant plus que c'est l'été. Avec cette chienne paniquée au moindre bruit que je vais être forcée de tenir en laisse, j'imagine déjà les embrouilles. 
Mais je sais pourtant que je n'irai pas la poser dans une SPA. Je la garderai, le temps de retrouver ses propriétaires.

Tom acquiesce. 

- Si t'as besoin de quoique ce soit... commence-t-il.

- Je peux compter sur toi, je sais bien. Merci, dis-je en lui souriant. 

Il me rend mon sourire sans me montrer ses dents, et ça creuse les fossettes de ses joues, le rendant plus mignon, puis remet ses lunettes sur le bout de son nez.

- Et Karine, elle va comment ? demandé-je. 

- Ca va pas fort en ce moment, mais on fait au mieux.

Karine est sa fiancée, malheureusement, elle a une santé très fragile qui l'empêche de travailler ou de suivre une vie normale. Je l'aime beaucoup, et peut-être que je pourrai la considérer comme une amie, si on se voyait plus souvent.

- Tu l'embrasseras pour moi, alors. Venez manger à la maison quand vous voulez, hein, l'informé-je alors qu'il se gare en double file devant chez le vétérinaire.

- Je n'y manquerai pas. Tu me tiens au courant pour la louloutte ? Salut et à mardi ! 

- Oui, merci de nous avoir déposé, répondis-je en attachant les trois chiens avant de sortir de la voiture lorsque la voie et libre. Bon dimanche, bye ! 

J'agite la main et le regarde filer, avant de baisser les yeux sur le bouledogue qui a la truffe collée aux fesses de la boxer tandis que celle-ci tremble de peur, la queue entre les jambes. Il n'y a que ma chienne qui attend sagement, assise à mes pieds.

Je soupire et entraîne la troupe dans le salon du docteur pour chiens. Après une explication rapide à la secrétaire, celle-ci revient avec le lecteur de puce, m'annonçant que le tatouage à l'oreille de la chienne est parfaitement illisible. 

L'appareil détecte la puce, mais après que la jeune femme ait vérifié dans les registres, elle m'annonce que la puce est américaine, et me donne les papiers pour contacter le propriétaire. Je grommelle, agacée de devoir payer de ma poche des frais téléphoniques. Mais je ne tarde pas à appeler le numéro, au nom de Aymee Cabrera, et désespère lorsqu'on m'annonce en anglais que le numéro n'existe plus.

- Et merde ! 

La secrétaire me dévisage, l'air un peu désolé pour moi. Elle me propose des solutions, des associations qui puissent prendre la chienne en charge. Mais il me suffit d'un coup d'œil sur elle pour me convaincre qu'il est hors de question que je l'abandonne à la SPA. 
Je remercie la jeune femme, qui m'assure avoir déclaré dans les fichiers la chienne comme ayant été trouvé, au cas où le propriétaire contacte les vétérinaires de Paris. Je laisse mes coordonnées et prends la poudre d'escampette. 

Une fois dehors, sur le trottoir, je baisse les yeux sur la feuille. J'ai bien une adresse, mais celle-ci se trouve à Los Angeles, en Amérique. Ce n'est pas gagné.
Puis je jette un œil sur le nom, auquel je n'ai pas prêté attention jusqu'à présent. 
PATCH.

- Patch ? appelé-je.

La boxer tourne aussitôt la tête vers moi et je la félicite. Au moins, elle répond, c'est un bon début. 

Je prends finalement le chemin de retour, faisant un détour pour déposer Magnum au cabinet de ses propriétaires, qui se trouvent être des avocats. Il y en a qui on clairement réussi leur vie, pensé-je en sonnant à l'interphone. 

Une élégante jeune femme vient récupérer Magnum qui est tellement épuisé qu'il traîne ses pattes et peine à en mettre une devant l'autre. 

Lorsque je rentre chez moi, il est dix-huit heures passé et je suis épuisée. Au moins ai-je déjà tout le nécessaire pour accueillir un nouveau chien chez moi.

- Bienvenue à la maison, Patch, voici ta nouvelle maison, dis-je à la chienne qui lève vaguement son regard vers moi, l'air mortellement ennuyée.

Bon, ça ne va pas être gagné, cette histoire. 
Demain, on est dimanche et je meurs d'une grasse matinée qui risque de me filer sous le nez. 

El' a du chienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant