Les Vignes

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Je ferme la porte et me précipite, légère dans la rue silencieuse. La vie semble suspendue aux rayons du soleil qui éclaboussent les toits et les rares visages d'une chaude lumière dorée. L'air est doux. Au détour des rues, mes pas m'emmènent sans que je n'y réfléchisse vers cet autre monde, ce petit écrin de nature aux charmes mystérieux. Un dernier tournant, et le sentier s'ouvre à moi, dévoilant les première rangées verdoyantes des vignes.

Bleu azur ou pervenche, mauve pâle, lavande et pêche, le ciel déploie une aquarelle de nuances pastelles qui s'estompent et s'entremêlent, troublées çà et là par quelques nuages laiteux qui flottent paresseusement. Les rangées de sarment s'étendent à perte de vue, striant la colline de vert et or. Je m'arrête un instant, et inspire pleinement les effluves d'herbes et de terre sèche, pour que cet air pénètre au plus profond de mes cellules. C'est une béatitude sereine, dans une réalité hors du temps.

Mes sandales à la main, je ferme les yeux pour mieux apprécier la sensation de mes pieds nus sur le sol chaud. Un souffle léger caresse mon visage et fait danser quelques mèches de mes cheveux, rafraîchissant l'air encore si lourd il y a à peine quelques heures. Les grillons grésillent, emplissant le silence d'un chant familier.

A la croisée des deux sentiers, comme seule au monde, je redécouvre mon petit coin de paradis, émerveillée d'y trouver à chaque fois un trésor qui fait vibrer tout mon être sur la même fréquence. Un sentiment de plénitude m'envahit, comme une vague d'effervescence qui afflue, me submerge et m'inonde avec fougue. Je m'enivre de l'état et du lieu. J'ai l'impression d'être entière, totale et invulnérable; pourtant, j'ai conscience que tout cela ne tient qu'à un fil. Je profite fébrilement de cette impression d'intégrité retrouvée, ce sentiment d'être, à cet instant enfin, pleinement vivante.

Le soleil couchant pare le ciel de couleurs flamboyantes. Pas après pas, la fébrilité s'évapore, laissant un bien-être tranquille flotter tout autour de moi. Mon regard se promène sur les reflets dorés de la vallée et sur les feuilles de vignes qui rosissent légèrement, surprises par les rayons rasants de ce début de soirée. Je souris et continue ma marche paisiblement. C'est un soir d'été dans les sentiers. La vie est belle et le bonheur est simple.

Petits bouts de vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant