L'odeur de la pluie

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Ce texte est étrangement laborieux à lire jusqu'à la fin. C'est sûrement à cause de tous les mots de vocabulaire et surtout parce qu'il s'agit d'un simple description mais pas si simple que ça. En tous cas, pour ceux qui parviennent jusqu'à la fin, ce serait adorable de laisser un commentaire sur ce que vous en avez pensé. Merci de me lire, bisous à vous !


Les feuilles mortes forment un tapis de rouille sous mes pas. Comme un tempo régulier, elles craquent à chacun d'eux, chassant le silence de la forêt par une aubade mélodramatique. L'hiver est passé mais elles restent là, recouvrant le sol de leurs fragments fragiles, peu à peu désagrégés par le temps. La futaie sent la terre humide bientôt confondue avec l'odeur de l'orage. Je perçois, entre les feuilles de chêne et de hêtre, le ciel noir et bas, menaçant comme un tigre affamé. Il gronde, gorgeant mes tympans de promesses noires, de colère sale et d'aversions amères. Le vent qui s'engouffre parmi les ramures des conifères fait siffler leurs épines souples. Il me chante une comptine pernicieuse qui me fait frémir. Pourtant, je n'ai pas peur. Je pense à ce même souffle dans les roseaux. Ils claquent dans une danse sépulcrale, jusqu'au lever du jour qui les calme et les apaise. Autour de moi, les arbres se courbent sur le même rythme, ils plient au gré des bourrasques, chatouillant le ciel de leurs branchages augustes. Le doux silence seulement crevé par le gazouillement des oiseaux quelques temps auparavant est revenu. Il est maintenant grave et sombre comme le firmament qui domine le temps. Tous attendent la pluie. Froide et limpide, elle se met à tomber. Encore une fois, elle éventre le calme profond et atonique du lieu, en s'écrasant sur les feuilles mortes. Elle ruisselle dessus pour rejoindre la terre en l'imbiber de toute l'exemption qu'elle a accumulé durant son périple dans l'empyrée. Le sol se gorge de cette diaphanéité vide, enfin lavé des tourments de la chaleur et des odeurs de kérosène brûlé laissés par les monstres à moteur l'ayant souillé.

Je cours à travers cette averse opportune, laissant les gouttes inonder mon visage. Elles lui offrent une fraîcheur bienfaisante que je goûte et savoure avec un soupir d'exaltation. La forêt respire à nouveau dans l'effluve de la pluie. Un éclair déchire le ciel, projetant sur le chemin les ombres sinistres des baliveaux. Mais je continue de courir. J'ai le souffle court et mon cœur tambourine dans ma poitrine. Le tonnerre résonne. Il est loin mais je le sens à travers tout mon corps. Il parcourt la moindre de mes cellules, laissant derrière lui une sensation âpre mais aux déboires étonnamment doucereux. Je me sens en sécurité, entourée de toutes parts par les résineux et les feuillus qui me calment et m'assouvissent. J'aime la forêt et j'aime la pluie.

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