C'est quand ça arrive qu'on prend conscience de la fragilité de la vie.
Un jour on est là et le lendemain on n'existe plus que dans les souvenirs.
Je saurais pas comment expliquer ce que je ressens. J'ai peur, ça c'est sur, j'ai peur de perdre un être cher demain. Qui sait de quoi demain sera fait ?
C'est dingue de penser qu'à ce moment, ce moment où il rendait son souffle, je pensais que cette vie est précieuse, qu'elle ne tient qu'à un fil.
On aurait jamais pensé qu'il puisse disparaître tout à coup. On aurait jamais pensé que ça nous arriverait à nous. On aurait jamais pensé que tellement de gens, de langues de pute qui parlaient dans son dos à dire qu'il était bizarre, pouvaient jouer les hypocrites et poster des messages de soutient qui ne sont que des mots de plus qui déchirent les cœurs et rappelle simplement l'existence de ces connards. Parce qu'ils le voyaient dans les couloirs ne voulait pas dire qu'il le connaissaient.
Moi même je ne le connaissait pas. Du moins je ne me permettrais pas de prétendre que je le connaissais. Parce que j'ai échangé tous les jours avec lui, parce qu'on a rigolé ensemble, parce qu'on s'est détesté, je ne le connais pas. Je ne sais rien de lui.
Il a raté son bac. Il était accepté au TNS. AU TNS ! C'étais mon rêve de gosse d'être acceptée là bas. Et il l'était. Mais il a raté son bac. Il a recommencé une terminale. Et maintenant il est mort. Il est mort et il aura jamais connu le TNS et sa scène.
Je lis et relis le message du proviseur. "La désagréable responsabilité de vous annoncer le décès soudain de...". Ça rentre pas dans ma tête, j'arrive pas à réaliser. Je le verrais plus jamais. Qu'est-ce qu'elle va dire demain la prof de philo ? Elle s'en veut, tu crois, de l'avoir stigmatisé comme ça depuis le début de l'année ?
Et maintenant j'ai peur. J'ai peur que ça me prenne quelqu'un d'autre. De plus précieux encore.
