Elle aime

Chapitre 4

Je pensais que Mathilde, Clara et moi avions gagné la confiance de Luna. Mais dès le retour en cours, nous avions été forcées de constater que ce n'était pas le cas. Loin de là.

Malgré le franc succès de notre précédente sortie, Luna garde souvent ses distances au lycée. Plusieurs semaines se sont écoulées, mais rien n'a changé : Mathilde et Clara font des efforts pour la mettre à l'aise, mais elle semble toujours tendue, bien plus qu'au bowling.

Je me demande encore ce qu'il s'est passé pour qu'elle se renferme ainsi. Malgré mes tentatives d'approche, Luna reste souvent à l'écart et certaines journées s'écoulent sans que je puisse lui adresser la parole.

Clara a baissé les bras et prétend que Luna préfère finalement être seule. Pourtant, elle avait réellement l'air de s'amuser, avec nous trois. Je ne peux simplement pas la laisser de côté, alors que j'étais sur le point d'obtenir sa confiance. La voir assise, dans le fond de la classe, sans jamais me lancer un seul regard, me tord douloureusement l'estomac. Mais une crainte nouvelle m'empêche de l'approcher : si je l'embêtais ? Si elle ne voulait pas me parler ? Si Clara avait raison ? Si elle me détestait ? Cette crainte se nourrit de mes doutes, croissants, et m'empêche de dormir. J'ai l'impression d'être piégée dans un cul-de-sac, et seul un changement de la part de Luna pourrait m'indiquer la sortie.

L'après-midi, nous nous rendons sur le terrain de sport. Le soleil printanier nous motive un peu plus que d'habitude. C'est tellement agréable de pouvoir assister à un cours, à l'extérieur, lorsqu'il fait beau. Même si le professeur ne nous laisse jamais le temps de profiter de l'absence des nuages. Il siffle subitement, nous ordonnant de former plusieurs équipes : aujourd'hui, nous nous entraînons au volley. Mathilde et moi aidons à tendre les filets, tandis que Clara va chercher la balle.

- Il nous manque quelqu'un, non ? demandé-je.

- Oui, il faut des équipes de quatre, m'affirme Mathilde. Hé Océane... Tu pourrais demander à Luna : c'est l'occasion. En plus, elle ne semble pas encore avoir trouvé d'équipe.

Je tourne la tête et découvre Luna, immobile, regardant tour à tour les différentes équipes se former. Elle ne semble pas perdue, bien au contraire, presque habituée à cette situation. Pourtant, ses doigts refermés sur son bras indiquent clairement son inquiétude. Une fois le filet attaché, je m'avance vers elle, prenant mon courage à deux mains.

- Salut, l'interpellé-je avec un sourire, ne pouvant cependant m'empêcher d'être crispée. Il nous manque quelqu'un pour notre équipe, alors... Tu veux venir avec nous ?

Même si elle ne m'adresse aucun sourire en retour, je peux lire la gratitude et le soulagement dans son regard.

- D'accord, se contente-t-elle de répondre, avant de rejoindre Mathilde.

Ça ne fait aucun doute : elle essaie d'être froide avec moi. Peut-être avec mes amies aussi, mais pour l'instant, je suis l'unique victime de son indifférence. Mon coeur frappe douloureusement contre mes côtes : qu'ai-je donc fait pour mériter son apathie ?

Une trentaine de minutes plus tard, les affrontements entre les équipes s'enchaînent. Mathilde se débrouille plutôt bien, tandis que Clara et moi faisons de notre mieux. Luna, quant à elle, semble ailleurs et peine à rester concentrée pendant le match.

Au moment où l'un de nos adversaires saute et frappe violemment la balle, je devine où sa trajectoire la fera atterrir : mon sang ne fait qu'un tour, lorsque je remarque qu'il va heurter Luna, celle-ci ne prêtant aucune attention à ce qui se déroule sous ses yeux. Sans prendre le temps de la prévenir, je me décale rapidement sur ma droite afin d'intercepter la balle. Mais elle esquive ma main, mal positionnée, et je ferme les yeux, par réflexe, me préparant au coup.