L'altercation avec les autres lycéens a vite été oubliée. Mon ventre ne me fait plus souffrir et je n'ai jamais essayé de me venger. A part quelques regards menaçants de leur part le lendemain, rien n'a changé. Et Luna est loin de se douter de ce qu'il s'est passé.
Les jours passent et les sentiments de Luna me semblent de plus en plus omniprésents. Du matin jusqu'au soir, je m'attarde sur chaque détail et ils confirment tous ce qui n'est désormais plus un doute : Luna m'aime.
Lorsque j'y pense, je me surprends à sourire niaisement, en me demandant comment cette situation va bien pouvoir finir. Cependant, je n'oublie pas que pour avancer, il faut que l'une d'entre nous fasse le premier pas.
J'y pense. J'y pense depuis quelques temps. N'être qu'une amie à ses côtés, en sachant que je peux être plus, est en train de m'asphyxier lentement. J'ai beau passer des heures à chercher comment lui avouer mes sentiments, je n'en ai toujours aucune idée. Je suis convaincue que si j'essayais, je resterais paralysée, blême et aphone. Le tout avec les mains moites et tremblantes. C'est si difficile de se livrer à quelqu'un. Pourtant, j'ai confiance en Luna, plus qu'en quiconque. Je me rattache toujours à ces signes, ces preuves, qui me rassurent et m'affirment que mes sentiments sont réciproques. Mais ça ne m'empêche pas d'avoir peur.
Nous quittons le réfectoire, laissant le tumulte des élèves affamés derrière nous. En refermant la porte, je sens une main se poser sur la mienne. Je sursaute avant de me rendre compte que c'est Luna qui a interrompu mon geste. Elle attend que Clara et Mathilde aient pris un peu d'avance, pour ne pas qu'elles puissent nous entendre, avant de me demander de l'attendre, à la fin des cours.
- Pourquoi ?
- Je... J'ai quelque chose à te dire, murmure-t-elle. Et je veux que tu sois la seule qui le sache.
Au fur et à mesure qu'elle prononce ces mots, ses joues deviennent rouges. Je sens ses doigts trembler contre ma main. Elle est si nerveuse qu'elle n'ose croiser mon regard.
- Oui, bien sûr. Je t'attendrai.
Elle relève finalement la tête, la reconnaissance et l'espoir illuminant ses iris. Je sens mon coeur se serrer à cette vision idyllique.
Pourtant, intérieurement, le chaos commence.
Les cours de l'après-midi ont commencé, mais je suis incapable de me concentrer sur l'un d'entre eux. Savoir qu'à la fin de la journée, je vais me retrouver seule à seule avec Luna... Et ce "quelque chose" qu'elle doit m'annoncer ! Je ne suis pas stupide, je sais bien que nous conservons nos sentiments depuis trop longtemps. Comme je suis lâche et peureuse, c'est elle qui a succombé en premier. C'est elle qui va se confier.
Dans quelques heures, Luna va m'avouer qu'elle m'aime.
J'enfouis mon visage dans mes mains. Ça y est. Nous touchons bientôt au but. Je vais être sa petite amie. J'ai l'impression d'attendre ça depuis des années. J'imagine déjà nos rendez-vous, nos premiers baisers, nos étreintes et tant d'autres. Mon coeur palpite entre mes côtes, rien qu'à cette image. Je lance un regard à Luna qui ne semble pas plus intéressée par le cours. Elle tape nerveusement du pied, comme si ce simple geste pouvait la détendre. J'aimerais pouvoir lui faire comprendre, par n'importe quel moyen, qu'elle n'a pas à être effrayée. J'aimerais pouvoir lui envoyer ces mots, ces simples mots que je lui avouerai tout à l'heure : "je t'aime aussi."
Lorsque la sonnerie retentit, mon pouls s'accélère et mes mains deviennent humides. Pourtant, j'essaie de rester calme tout en rangeant mes affaires. Clara et Mathilde sont déjà parties, sans se soucier de nous laisser derrière. Luna, quant à elle, a quitté la classe et doit sûrement m'attendre au portail.
Lorsque j'arrive à celui-ci, je croise le regard de Luna, indécis et craintif. Je remarque silencieusement qu'il s'accorde parfaitement à la rougeur de son visage : il s'agit bel et bien d'une fille amoureuse. Avant de quitter le lycée, j'inspire profondément, tout en fermant les yeux. J'ai attendu ce moment pendant des mois. Je dois prendre mon courage à deux mains, comme Luna l'a fait. Je dois faire face à mes sentiments.
Jusqu'au parc, Luna et moi ne disons mot. Lorsque nous y arrivons, tout est silencieux. Le lieu est désert. A vrai dire, le ciel nuageux n'encourage pas tellement à prendre l'air.
Nous posons nos sacs au pied de l'arbre, comme d'habitude, mais nous ne nous asseyons pas sur les balançoires, cette fois. Luna a refermé ses mains sur ses manches, qu'elle tire nerveusement. Je ne dis rien, lui laissant le temps de commencer.
A la seconde où elle entrouvre les lèvres, je me surprends à m'imaginer les goûter, une fois nos aveux échangés.
- Comme je l'ai dit ce midi, j'ai.. J'ai quelque chose à t'avouer.
Je hoche la tête, les mots s'étranglant déjà dans ma gorge. Je déglutis : lorsqu'elle attendra ma réponse, je ne peux tout simplement pas me retrouver aphone. Elle prendrait peur, elle penserait que je suis sous le choc. Ah, si tu savais Luna, à quel point j'ai eu le temps de me faire à cette idée !
- C'est très personnel et.. Je peux comprendre que ça t'effraie. Mais tu es une personne vraiment importante à mes yeux, alors je me devais de te le dire...
La réponse me brûle les lèves. Je n'ai qu'à attendre la fin de sa phrase et ensuite...
- Je souhaite sincèrement que ça ne change pas l'image que tu as de moi, même si tu ne parviens pas à l'accepter. J'espère que, peu importe ta réaction, nous ne perdrons pas notre relation.. Car elle m'est très précieuse.
Des tas de "moi aussi" envahissent mon esprit et entravent ma capacité à réfléchir. "Moi aussi, je pense à toi de cette manière", "moi aussi, je veux pouvoir t'embrasser", "moi aussi, je te vois plus qu'une amie", ...
"Moi aussi, je t'aime."
- Alors.. Voilà, je vais le dire, continue-t-elle, tout en fermant les yeux et en serrant les poings.
Voici l'apogée, la touche finale de cette relation, qui prend désormais un nouveau tournant. A partir d'aujourd'hui, nous serons plus que des amies. Je pourrai lui prendre la main, l'enlacer, l'embrasser. Je la défendrai si les lycéens la harcèlent de nouveau. Je la rassurerai dans ses moments de doute. Je l'encouragerai si elle n'a pas assez confiance en elle. Je serai toujours à ses côtés, qu'il soit minuit ou midi. Je ferai tout pour qu'elle soit heureuse, car son bonheur fait le mien.
Je l'aimerai plus que quiconque.
- J'ai une petite amie.

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Elle aime
RomansLes rumeurs, c'est tout de même bien pratique. Grâce à elles, on peut apprendre des choses sur une personne à laquelle on n'a jamais parlé. Et parfois, on apprend carrément des choses sur nous-mêmes. Qu'elles soient vraies ou fausses, elles sont tou...