Chapitre 7

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Les minutes s'écoulent lentement, mais nous n'y prêtons pas attention. Assises sur nos balançoires, nous discutons, de tout et de rien. Luna se plaint de la note "injustifiée" qu'elle a reçue en géographie, et je ris lorsqu'elle essaie de contre-dire la correction du professeur.

- Sérieusement, comme si on pouvait enlever un point parce qu'on a écrit "Europe" au lieu d' "Europe Centrale" ! Dans les deux cas, c'est l'Europe, non ? Donc on s'en moque ?

Je sens dans sa voix qu'elle ne parvient pas à se convaincre elle-même et ça me fait rire. Finalement, elle abandonne le débat, sachant parfaitement que sa note restera inchangée. Je cesse de me balancer, pour poser à nouveau mon regard sur elle.

Elle s'est penchée en avant et a désormais ses coudes sur ses genoux. Ses cheveux blonds glissent sur ses épaules, mais ça ne semble pas la déranger. Ses yeux sont perdus dans le vide. Je me demande à quoi elle pense. Je sais qu'à cet instant, je n'éprouve que de la tendresse à son égard. Mes yeux doivent déborder d'amour pour elle. Je me surprends à sourire inconsciemment, mais je ne peux m'en empêcher, ni dévier mon regard.

Lorsqu'elle le remarque, elle sourit à son tour et je crois apercevoir cette même tendresse, dans l'éclat de ses iris. Ce n'est sans doute qu'une illusion. Mais elle suffit à malmener mon pauvre coeur.

Souvent, je m'interroge : que pense-t-elle de moi ? Comment me voit-elle ? Après tout, je ne suis que la fille qui l'a poussée à devenir son amie. Je ne suis qu'une lycéenne, parmi tant d'autres, qui a décidé de l'approcher, pour... Pour quelle raison déjà ?

Je détourne mon regard et fixe le sol, devant moi. Au tout début, ce qui a suscité mon intérêt, ce qui m'a poussée à aller lui parler... Qu'était-ce ? Soudain, je me rappelle. J'étais curieuse. Curieuse de savoir si les rumeurs étaient vraies. Les rumeurs ? Oui, celles répandues par des lycéens.. Celles qui prétendaient que... Luna aime les filles.

Je reviens à moi, échappant à ces réflexions qui se bousculent dans mon crâne. Une vague de possibilités m'envahit. Et si.. Et si..? Je sens mes doigts commencer à trembler. Comment ai-je pu oublier ça ? Peut-être que j'avais une chance, depuis le début, et ce n'est que maintenant que j'en prends conscience.

Je tourne la tête vers Luna. Elle a recommencé à se balancer, sans que ses pieds ne quittent le sol. Je serre les poings : c'est l'occasion parfaite. Nous sommes amies désormais, n'est-ce pas ? Elle peut se confier à moi. C'est maintenant ou jamais. Je déglutis difficilement, ayant l'impression d'avaler une enclume plutôt que ma salive.

- Dis, Luna ? l'interpellé-je, en essayant de garder une voix calme. Elle n'arrête pas son balancement, mais j'ai désormais toute son attention. J'inspire à nouveau, essayant de paraître sereine.

- Tu es amoureuse de quelqu'un ?

Aussitôt, elle s'immobilise et me regarde, à la fois surprise et gênée. Le rouge lui monte rapidement aux joues et elle détourne les yeux, à peine quelques secondes plus tard. Elle joint ses mains et commence à jouer avec ses doigts. Je la sens nerveuse, et je m'en veux de la mettre dans une telle situation, mais j'ai besoin de savoir. Voyant que j'attends patiemment une réponse, elle saisit l'une de ses mèches blondes et l'enroule autour de son index. Elle se tourne vers moi et baisse les yeux.

- ... Oui. J'aime quelqu'un, répondit-elle, dans un murmure à peine audible.

J'aperçois le sourire qu'elle tente de dissimuler, tandis que ses yeux me fuient de nouveau. Le rouge a envahi ses joues et semble même s'étendre jusqu'à ses oreilles. Je ne l'avais jamais vue ainsi. Et la découverte de cette facette me fait fondre, seconde après seconde. Je me sens privilégiée, car je suis convaincue que ni Clara ni Mathilde n'ont eu l'occasion de la voir ainsi.

- Par contre... Même si tu me le demandes, je ne te dirai pas qui c'est, se force-t-elle à ajouter.

A ce moment-là, elle m'adresse un rapide regard dans lequel les émotions s'entrechoquent. La gêne, la tendresse, la peur, et ce sentiment, que je ne connais que trop bien désormais : l'amour. Mon coeur rate plusieurs battements : ce regard, chargé d'affection et de sous-entendus, m'est-il réellement destiné ?

- Pas de soucis, lui assuré-je, en lui adressant un sourire.

Luna parvient finalement à me regarder dans les yeux, et me sourit en retour. Son visage est toujours écarlate, mais au fond de son regard, je lis toute la confiance qu'elle m'accorde. La gêne et la peur ont disparu, seuls persistent l'amour et la tendresse. Je sens mes joues devenir rouges à leur tour.

Après de longues minutes, pendant lesquelles aucune d'entre nous n'ose parler, je demande à Luna si elle veut rentrer. Elle se contente de hocher la tête et d'aller chercher son sac. Lorsqu'elle me tend le mien, je la sens encore gênée, suite à sa confession qui, à mes yeux, vaut bien plus que tous les secrets du monde.

Une fois rentrée chez moi, je m'effondre sur mon lit. Je ferme les yeux et relate ce qu'il vient de se passer. Je me sens rougir lorsque je repense à ses regards, à ses sourires, et à ce secret, que je suis la seule à connaître. Ce qui m'étonne pourtant, c'est qu'elle ne m'a pas posé la question en retour. Peut-être qu'elle connaît déjà la réponse ? Aurait-elle remarqué mes sentiments ? En profiterait-elle ? Non, je ne pense pas. Ça ne ressemble pas à Luna. Elle a sans doute dû penser que ç'aurait fait trop de révélations en une journée. Mais si elle décide de me le demander, que puis-je lui répondre ? Devrais-je lui mentir ? Devrais-je lui avouer ? Ou, comme elle, simplement répondre à l'affirmative ?

Je me tourne, afin d'être sur le ventre, et j'enfouis mon visage dans l'oreiller. Je ne parviens plus à calmer les battements de mon coeur, depuis que j'ai entendu ce fameux "oui". Je sais que je m'accroche à de maigres espoirs, mais... Pourquoi rougissait-elle autant ? Pourquoi évitait-elle mon regard ? Il me semblait que ce n'était pas sa confession qui la mettait mal à l'aise. Non, c'était moi. C'était de me la dire. C'était moi qui la rendais ainsi.

Si j'ai un tel impact sur Luna, si j'ai pu la faire rougir ou l'embarrasser à ce point, ça ne veut dire qu'une chose, n'est-ce pas ? Je relève la tête, l'espoir renaissant doucement au creux de ma poitrine.

Je crois que mes sentiments sont réciproques.

Elle aimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant