Chapitre 10

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- Tu es la seule fille de la classe qui a eu le courage de venir me parler. Je ne sais toujours pas comment tu n'as pas eu vent des rumeurs, mais beaucoup de personnes s'amusaient à divulguer mon homosexualité. J'étais convaincue que tout le lycée était au courant. Pourtant, tu es venue me voir et tu m'as même présentée à tes amies. Pour tout ce que tu as fait pour moi, et en tant que ma meilleure amie désormais, je me devais de te le dire. Je te fais énormément confiance et j'espère que me savoir en couple avec une fille n'influencera pas notre amitié, murmure-t-elle, avant de reprendre son souffle pour continuer.

- Ça fait presque un an que je suis en couple avec elle. Elle est en classe de première, mais dans un autre lycée. L'année dernière, lorsque des collégiens nous ont vues ensemble, ils l'ont raconté à tout le monde : ça a pris une ampleur terrible. Ces mêmes collégiens ont commencé à me harceler, justifiant leurs actes par ma sexualité. Elle s'est éloignée de moi pendant quelques temps, pensant que c'était de sa faute ; mais les rumeurs avaient déjà pris trop d'ampleur et rien ne s'est calmé. Je l'ai suppliée de ne pas m'abandonner : je n'aurais pas pu supporter tout ça sans elle. Heureusement, nous sommes restées ensemble et nous avons attendu que la polémique se calme : lorsque je suis entrée au lycée, cette année, personne ne m'a reparlé de ces rumeurs. Mais j'avais été si marquée par tant de violence et d'injures que je ne me suis jamais approchée de mes propres camarades de classe. J'avais peur que ma relation soit de nouveau révélée, et que tout cela recommence.

Le temps s'est suspendu, comme pour me laisser le temps d'assimiler son aveu. Mon coeur frappe contre mes côtes, mais il n'est plus porté par cette émotion, joyeuse et naïve. Chacun de ses battements semble me poignarder un peu plus. Mon corps s'est éteint et seules mes réflexions s'activent. Je commence seulement à comprendre.

Je suis une imbécile.

C'est de ma faute. J'ai voulu être amie avec Luna, pour ne pas qu'elle soit seule. Mais elle ne l'était pas. Je me suis trompée. Je suis si stupide. Je me suis noyée dans des illusions montées de toutes pièces. J'étais au sommet de mes espoirs. Je pensais que tout se réaliserait, que tout irait bien.

J'ai imaginé tout un scénario qui ne restera qu'imaginaire. Je ne suis qu'une imbécile. J'ai construit une montagne d'espoirs sur des détails, des illusions. Et maintenant la montagne s'effondre. Et cette avalanche m'ensevelit, seconde après seconde. Chaque espoir est une pierre qui me tombe dessus et me blesse. Chaque rêve éveillé est une flèche qui s'enfonce dans ma chair.

Jamais je n'avais eu aussi mal.

Le temps reprend lentement sa course. Les secondes s'écoulent à nouveau. Luna relève la tête, afin d'apercevoir ma réaction.

Je lui souris, prétendant être heureuse qu'elle me fasse à ce point confiance. Je suis une imbécile. J'étais trop confiante. Je suis la seule fautive. Comment ai-je pu imaginer un instant qu'elle puisse m'aimer ?

Je suis pathétique.

Ses rougissements incontrôlés, ses regards déviés, ces sous-entendus qui m'ont fait espérer n'étaient dus qu'au secret qu'elle gardait. Il n'y avait rien de plus. C'était simplement la peur d'être découverte. C'était la honte de garder un secret. C'était l'émoi de cacher quelque chose.

Elle ne m'a jamais aimée.

- Ne t'inquiète pas, je te soutiendrai toujours, Luna. Je suis heureuse pour toi. Et j'espère que... Que tu es heureuse avec elle.

Les mots s'effondrent. Ma voix se brise. Les larmes montent. Je serre les poings. Je ne peux pas lutter plus longtemps contre cette souffrance. Je veux rentrer chez moi.

Luna me sourit, des larmes de reconnaissance brillant au coin de ses yeux.

Comme elle est belle.

Elle aimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant