les belles âmes

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L'odeur du tabac froid lui fit ouvrir péniblement les yeux, elle avait pris peine à les fermer la veille. Elle mit un pied hors du lit, le grincement du plancher lui fut pénible et le froid matinal effleurait sa peau nue. Une multitude de frissons parcoururent son corps avant que son réveil ne sonne 10h00.

Deux ans, deux ans qu'Agape souffrait de l'intense sauvagerie du monde.

Du bout de ses doigts fins elle attrapa un pull qu'elle mit par-dessus sa peine, son corps et les marques qui le parcouraient.

Elle écrivait sur les murs son amour étouffant, elle écrivait sur sa peau son désespoir aveuglant.

De ses mains douces elle revoyait le monde, elle revoyait les gens; elle avait les mots doux et la pureté d'une âme en paix. Elle était l'éclat de rire des gens, la douceur de la beauté, elle était magnifique et derrière tout ça, personne ne voyait sa peine.

Elle souleva sa chevelure par-dessus son pull et une silhouette se déposa en face de sa fenêtre.

On toqua trois fois.

Agape s'avança et Pol prit place dans la chambre d'Agape

Pol, un grand homme et de longs cheveux noirs. Pol était fou de ses cheveux, ils parcouraient les courbes de son visage pour se déposer aux creux de ses clavicules, ils sentaient bon parfois, lorsqu'ils n'imprégnaient pas l'odeur du cannabis.
Un bon mètre quatre-vingt pour soixante-dix petits kilos et un regard déserté par la moindre petite écume de bonheur. Pol connaissait la douleur d'Agape, ou du moins, il le pensait.

Une mèche de cheveux entre ses deux yeux noirs, les poings serrés, Pol lança,

Encore.

Hi sweetie,
susurra Agape esquissant un sourire.

Toujours. Tu ne cesseras donc jamais. Plus rien ni personne n'aura le droit de te sauver ?

Agape n'ajouta rien, Agape connaissait déjà ces mots, cette expression sur son visage et la couleur des nuages qui parcouraient le ciel.

Tu ne réponds pas ?

Agape avait rencontré Pol à un arrêt de bus, il était complètement défoncé et il lui avait parlé des fleurs, du soleil après la pluie, de son amour pour l'odeur de l'herbe humide et elle était tombée folle de sa manière de s'en foutre. Mais aujourd'hui il a cessé de se foutre d'elle, rien ne l'inquiète sauf peut-être le bonheur d'Agape et Agape, elle déteste ça. Alors Agape, elle déteste Pol.

Pas un mot, pas un regard, alors Pol s'en alla et Agape pleurait.

Je sais que tu pleures, alors vas-y, je m'en fous de toute façon.

Et il reprit son chemin, un pilon entre les lèvres.

La rage d'Agape lui était semblable à des objets reçus en pleine gueule, c'était comme-ci elle ramassait les mots par terre et qu'elle les jetait comme des pierres.

Agape, elle s'en fout.

Juillet,2018.

le Diable devient vulgaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant