à la saison prochaine

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Le vent chaud soufflait et se mélangeait aux cheveux d'Agape comme autrefois ses doigts à ceux de son tendre aimé. Les hautes herbes, encore humides de ses larmes, caressaient ses mains de la même façon que Luc, du bout de ses doigts froids.

Et elle était assise là, au milieu des hautes herbes, un énième joint aux coins des lèvres.

-Agape, qu'est-ce que tu fais là?
lança Pol avant de s'assoir tout prêt d'elle et de lui attraper la main.

Elle s'effondra, encore une fois.

Il pleuvait des cordes dans son âme.
Devait-elle s'y pendre ?

-Dis-moi Agape, lâche-toi, enfin.

Agape n'ajouta rien, personne ne devait savoir, personne ne pouvait la sauver.

Pol lâcha sa main avant de se lever et de s'en aller mais Agape le retint d'une main.

J'ai sauvé des vies, j'en ai gâché, tout n'est qu'éphémère. On se dit qu'on s'aime sans savoir pourquoi, sans savoir comment. On balance des mots, des tournures de phrases sans vraiment en connaître le sens. On sourit et puis on pleure mais on sait toujours pas pourquoi. On déambule seul dans la nuit avec nos ça va, ça va plus, nos états d'esprits sans vraiment ressentir grand chose. On s'aime et on se déteste parce qu'on est juste des adolescents qui se cherchent une raison d'exister.
Alors je pourrais m'en vouloir de tout le mal que j'ai fait, au fond ça ne m'atteint pas, ça ne les atteint pas, c'est juste notre façon à nous de se trouver une raison d'exister et d'ouvrir les yeux demain matin.

Ces mots s'enchainaient comme des pics dans le coeur de Pol, ses paroles l'étouffaient, il n'avait plus de mots, il comprenait ses maux.

J'ai fait tout un tas de promesses avant de lâchement foutre le camp. J'ai fui ou alors c'est lui, j'en ai pas tellement l'idée. J'ai le son de sa voix qui résonne dans mon crâne par dessus vos rires, j'ai ses promesses qui me retiennent comme une laisse alors qu'on me hurle de m'en aller et j'ai tout au fond de mon âme quelqu'un qui cherche mais qui trouve pas, quelqu'un qui cours mais qui n'avance pas, quelqu'un qui hurle mais qui n'émet pas de son. J'ai toutes ses voix qui hurlent, qui pleurent, qui crient et parmi toutes ses voix, il n'y a que la sienne qui donne encore un sens à ma vie.

-AGAPE! Ce n'est pas de ta faute.
Il serrait sa main un peu plus fort.

Je suis une personne horrible, sans aucun doute.

-La douleur fait ça aux gens, ça te fait souffrir mais ça ne te détruit pas. Le problème, c'est la solitude engendrée par la douleur. C'est elle qui te tue à petit feu, qui te coupe des autres et du monde, et qui réveille ce qu'il y a de pire en toi.

Agape acquiesça d'un geste de la tête et essuya ses larmes d'un revers de main.

Je me défoule sur les mots, je me défoule sur les gens. Je ramasse des mots par terre que je leur jette comme des pierres. J'écris des choses que je ne relis pas, que je supprime ensuite, que je déteste avant même d'avoir fini.
C'est, encore une fois, toute ma vie qui a changé. C'est comme-ci j'avais tout balancé d'un simple revers de main pour ensuite pleurer parce que c'est casser. C'est illogique. Y'a un truc qui fonctionne pas bien chez moi.

-Peut être que tu es cassé parce que c'est toi que l'on a jeté un trop grand nombre de fois.

Agape sortit de sa poche une feuille, plié encore et encore sur elle même, elle le déposa dans le creux de la main de Pol et dit,

tiens, j'ai écrit à un mort. Ça me ferait du bien que quelqu'un lise.

Il la prit dans sa main gauche, et posa la droite sur la joue d'Agape. Il se pencha et déposa un subtil baisé sur sa joue, sur le coin de sa lèvre et enfin...

MAIS T'ES DINGUE
hurla Agape en le repoussant,

-Agape, Luc..

ne parle pas de Luc.
ajouta-t'elle,
ne parle pas de Luc je te prie, toi, tu n'es qu'un lâche.

-Moi? Luc est mort. MORT D'AMOUR POUR TOI!

Agape courait à présent, Agape fuyait ses souvenirs deux fois trop lourds.

Luc n'était pas mort, il vivait à l'intérieur d'elle.

Putain Agape.

Juillet,2018.

le Diable devient vulgaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant