20 septembre, dans l'après-midi

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MIGUEL  SILVESTRE

J'avais immédiatement couru jusqu'à ma voiture et j'étais parti à sa recherche. J'avais demandé à la proviseure adjointe de me remplacer toute la journée, car trouver la trace de ce gamin n'allait sûrement pas être facile, et qu'il allait me falloir le convaincre de ne pas ruiner ma vie - et la sienne par la même occasion.
Après quelques minutes de route, j'aperçus un petit parc dans le rétroviseur de ma Twingo blanche. C'était exactement le genre de coin dans lequel je me serais réfugié si j'avais besoin d'être seul. Je décidai de suivre mon instinct, et me garrai alors à proximité de l'entrée. J'arrangeai mes cheveux et défroissai mes vêtements, ne voulant pas l'effrayer et le faire fuir avec mon allure de fou furieux après m'être défoulé dans mon bureau – c'était du moins ce dont j'esseyais de me convaincre –, et je me rendis compte pour la première fois de la blessure qu'il m'avait infligé : j'avais une ouverture, heureusement pas très profonde, sur le dos de la main, près du pouce. Je grimaçai en la découvrant, mais je chassai vite cette vision de ma tête car j'avais vraiment plus urgent à gérer à ce moment même. J'entrai dans le parc et une fraîche brise caressa mon visage. Je l'aperçus, confortablement recroquevillé sur lui-même, sur un banc, entouré de feuilles mortes tombées à ses pieds. Je m'approchai de lui et constatai qu'il s'était profondément endormi : ses bras étaient croisés sur son torse, ses lunettes avaient glissé jusqu'au bout de son nez, ses yeux étaient légèrement fermés, et sa bouche était entrouverte. Je ne savais pas quoi faire, et me mordis la lèvre inférieure de nouveau sous le coup du stress. Je décidai de ne pas le laisser là : je le soulevai et le portai sur mes épaules d'un pas rapide jusqu'à ma voiture où je l'attachai à l'arrière, vérifiant à plusieurs reprises que personne ne nous avait vu - il ne faudrait pas qu'à la liste des choses que les gens pourraient me reprocher si j'étais pris en flagrant délit s'ajoute "kidnappeur d'ados".
Il manqua de se réveiller maintes fois durant le trajet, mais son sommeil était apparemment extrêmement profond. Depuis combien de temps ce garçon n'avait-il pas dormi pour ne pas sentir qu'il était transporté pendant sa sieste ? Il se contentait de déglutir ou de ronfler bruyamment dans les dos d'âne ou les virages un peu trop violents.
J'arrivai enfin devant chez moi. Je m'arrêtai devant l'entrée, sortis de ma voiture et portai M. Herrera à nouveau - non sans peine car il n'en avait pas vraiment l'air, mais il pesait son poids. Je le menai à ma chambre, le posai sur mon lit, et le couvris, car il était gelé.

ALFONSO HERRERA

Lorsque j'émergeai enfin, je me trouvais au chaud dans un lit que je ne connaissais pas ; l'odeur des draps ne m'était pas familière. Il ne ressemblait ni celui qu'il y avait eu chez moi ni celui qu'il y avait dans ma chambre à l'orphelinat. J'étais emmitouflé dans une douce couverture en laine que je n'avais jamais vu. Je portais toujours mes vêtements à mon plus grand soulagement, mais mon bonnet était posé sur la table de chevet en bois à côté du lit, ainsi que ma paire de lunettes. Je me levai et refis proprement le lit derrière moi. Je cherchai un indice qui pourrait m'indiquer chez qui je pouvais bien me trouver tout en faisant le moins de bruit possible, car après tout je pouvais avoir été séquestré par un fou. Quelqu'un toqua alors à la porte. Je n'osai pas répondre, car après tout je n'étais même pas chez moi. Et le proviseur apparut dans l'encadrement de la porte.

- Dites-moi que je rêve !, m'écriai-je sous l'effet de la surprise. Vous n'allez donc jamais me laisser tranquille ?

Mes nerfs lachèrent, et je me remis à pleurer, mais cette fois ce n'était pas parce que j'étais triste. Je pleurai parce que je n'aimais l'incompréhension que j'éprouvais, car il ne fallait pas se mentir: j'étais attiré par cet homme. J'étais terrifié par ces nouveaux sentiments qui fourmillaient en moi. Il s'approcha de moi pour me prendre dans ses bras, pour me consoler, mais se résigna à la dernière seconde.

Ne cherchez pas, ça ne finira pas bienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant