Anton
Trois jours plus tard.
J’entre dans le bureau et vois que tout est en désordre. Un vrai bordel. Une chaise renversée, des papiers à terre, les notes et carnets de mon comptable dans tous les sens. Bordel ! Qu’est-ce que c’est que ce foutoir ?
— Youri ?
Je n’ai pas besoin d’élever la voix, mon bras droit est juste derrière moi.
— Où est Elias ?
— Aucune idée, il devait attendre ton arrivée pour te faire le résumé sur les affaires de la semaine. Et discuter de nos bénéfices issus de la vente des armes aux Mexicains, et le projet de traite des blanches. Je vais me renseigner.
Il sort sans hésiter et je ramasse les papiers. Le classement ne m'intéresse pas mais je les rassemble pour ne rien perdre. J’ai un mauvais pressentiment. Elias n’est pas quelqu’un qui laisse tout en plan comme s’il y avait eu une catastrophe sans prévenir au moins un garde. Il connaît ma politique. Ne jamais rien laisser de visible, ni à portée de main. Qui pourrait entrer ici sans autorisation ? Pas énormément de personnes mais un traître est toujours possible. Je me perds en conjectures dans l’attente du retour de Youri. Mon humeur déjà mauvaise s’effrite encore. Prenant place dans mon siège derrière le bureau, je détaille celui-ci, une calculatrice, des crayons, un reste de feuillet. Il était occupé à terminer la comptabilité. Je me relève et ouvre le coffre incrusté dans le mur. Il est vide !
Pizdec ! Quel bâtard !
Youri arrive au moment où je renverse le bureau et éclate une statuette en porcelaine contre le mur. La rage m’a aveuglé une seconde et j’ai renoncé à me contenir. Me tournant vers lui, je lui grogne plus que je ne parle :— Alors ?
— Les images vidéo du couloir donnant sur ton bureau sont irréfutables. Elias est arrivé il y a deux heures et quelques. Il est entré seul avec ses dossiers. Une heure après, c’est Helena.
— Helena ? Mais pourquoi ? Elle n’avait pas demandé une entrevue ?
— Non, elle avait pris deux jours de congés et comme tu ne la vois plus … Je ne me suis pas inquiété plus que ça qu’elle soit dans le bâtiment aujourd’hui.
— On est resté en bons termes même si je ne la baise plus. Que venait-elle faire là ?
— Ils sont ressortis six minutes seulement après. Elle le collait comme une pute à son client. Le bras autour de lui comme si le lâcher était impossible. Un vrai coup de foudre.
Il se moque, mais je sens dans le ton employé et sa posture qu’il ne me dit pas tout. Qu’il se sert de l’ironie pour masquer sa nervosité. Je viens de saccager mon espace de travail et il me connaît suffisamment pour craindre mes réactions.
— Et ?
Même si la savoir avec un autre me fait chier, je ne peux pas l’empêcher de vivre. Ma possessivité doit être un moment bridée. Nous ne sommes plus en couple, donc il y a plus la moindre raison d’être jaloux.
— Et… Elias avait une mallette à la main. Celle dans laquelle tu disposes le liquide non blanchi.
— Le bâtard ! Le coffre est vide, il manque deux cent cinquante mille dollars. Ils se sont barrés avec.
— Je lance Alexeï et Gregor à leur poursuite. Ils ne doivent pas être si loin.
— Ok. Fais donc ça. Puis envoie Krystal pour ranger le bordel, tu la surveilleras.
Il fait demi-tour mais je le stoppe avant qu’il ne soit trop loin:
— Et tu me feras amener la petite sœur.
Youri me jette un regard par-dessus l’épaule et hoche la tête. Il a compris que la jolie rousse va devoir être très convaincante si elle veut vivre.
∞
Je n'aime pas devoir remettre les gens à leur place, enfin si, mais j'ai des hommes pour ça donc pourquoi devoir perdre du temps à le faire moi-même ? Eh bien, il faut savoir faire la part des choses. Le menu fretin, les petites frappes, les escrocs, tous ces... ne veulent que ça, me couillonner. Mais ils ne le font qu'une fois, je ne donne jamais une deuxième chance.
Et mes hommes font très bien passer le message. Il n'y en a plus beaucoup qui essaient ces derniers temps.
Et puis, il y a ceux qui ne réfléchissent pas, me doublent pour de l'argent, une paire de nichons, et qui croient pouvoir s'en tirer en s'enfuyant loin de ma ville. Ils oublient une chose, ils ont une famille, des amis, des personnes à qui ils tiennent. J'ai toujours un dossier sur tous ceux qui bossent pour moi.
On frappe à la porte de mon bureau, celle-ci s'ouvre directement. Youri sait qui j'attends et prend l'initiative de faire entrer mes hommes de main. Une fille se trouve entre eux, plutôt petite, un mètre soixante à tout casser.
Entre mes gars elle a l'air d'une poupée, mais elle ne semble pas trop effrayée. Je jette un regard à Georgy. Il hausse les épaules pour me faire comprendre qu'ils ont bien secoué la nana, mais pas de larmes, pas de cris, rien. On se comprend juste d'un regard, il y a longtemps qu'on se connaît tous les deux.
Je reporte mon attention sur elle. À la voir vêtue d'un simple pantalon de yoga, d'un débardeur blanc collant qui découvre son nombril, les pieds nus, Georgy et Alexei l'ont sûrement sortie du lit et ne lui ont pas laissé le temps de se changer pour lui mettre la pression. Se retrouver à moitié à poil dans un bureau avec quatre hommes ne peut que lui foutre les jetons.
Je sens poindre un sourire sadique.— Tu sais qui je suis ?
— Oui, vous êtes Anton Yourenev, le patron de mon frère, enfin, le futur ex-patron je devrais dire.
Le sien aussi, mais elle ne me le dit pas, elle pense peut-être que je l'ignore. Je l’ai reconnue, ma petite serveuse qui me prend de haut et qui m’ignore royalement.
Elle me répond de façon calme, mais ses yeux sont agrandis, les pupilles ouvertes au maximum et sa respiration est assez superficielle.
Ses seins comprimés dans son bout de tissu se soulèvent de manière précipitée et je perds un instant le fil de ce que je voulais dire. C'est qu'elle a des formes et des courbes où il faut la demoiselle.— Sélenne, sais-tu où se trouve Élias ?
— Non, je vous promets que je l'ignore. Je ne suis pas vraiment très famille, voyez-vous. D'habitude, je le vois à peu près tous les trois jours mais là, ça fait un bout de temps.
Je perçois de la moquerie, une touche de sarcasme. Elle pense que je laisserais passer. Elle se fout de moi et ose me mentir. Je lui lance un regard dur. La petite rousse est assez mal, elle se trémousse et devient pâle.
Elle sait ce qu'il en coûte de me doubler. Il y a des rumeurs sur ce que j'ai déjà fait. Et sur ce que je suis capable de faire. Je laisse le silence s'installer, car plus le temps passe, plus Sélenne risque de craquer et de me dire ce que je désire. Ce serait dommage d'abîmer sa si jolie peau.— Que voulez-vous que je vous dise ? finit-elle par lâcher. L'endroit où il se cache ? Je ne sais pas ! Ce qu'il a fait de votre fric ? Ça non plus, je ne le sais pas, encore moins! Et votre, heu, votre maîtresse ? Pff... Rien, de rien.
— N'oublie pas à qui tu parles !
Youri s'avance et l'agrippe au coude. Il la secoue presque gentiment. On pourrait croire que mon bras droit est sous le charme. Je le connais plus brutal. C'est amusant de le voir faire gaffe à ne pas marquer sa peau.
— Je fais attention là, vraiment ! C’est facile pour toi, tu es du bon côté des poings… pas moi. Je n’ai que ma parole pour rester en vie. Je dis ce que je pense, et comme je le veux.
Je fais un geste du menton et mes gars pigent qu’ils doivent sortir. Il est temps de s'amuser un peu.
Pendant qu'ils se retirent, je coule mon regard sur elle et je l'inspecte minutieusement. Des pieds à la tête, pour qu’elle comprenne bien mes idées salaces et quand je croise ses yeux, je lui souris méchamment. Elle a un corps fait pour rester au lit pendant des jours, des nuits.— Donc si tu ne peux pas m'aider, que vas-tu faire pour éviter que je perdre la face... et me rembourser ?
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La dette [Edition Hugo New Romance poche]
RomanceQuand rembourser une dette promet autant de plaisir que de risques. Sélenne, ancienne hackeuse, a repris contact avec son frère Elias après six ans d'absence. Il la pensait derrière les barreaux d'une prison, alors qu'elle était obligée de travaille...