Angelica

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La jeune nonne suivait la procession de la saint Juan en compagnie de ses camarades. Elle resta un moment à prier , fermée sur elle-même, parmi la foule. Les odeurs d'été embaumaient doucement Séville. Sans ces sorties occasionnelles, elle ne connaîtrait rien de l'extérieur, sa mère l'avait mise dans le couvent dès sa naissance. Quand elle avait eu plus de six ans, la Mère Supérieure lui avait expliqué que sa mère biologique était une pécheresse qui avait vendu son corps à une ombre noire, fumante et maléfique. Elle était donc née de cette union malsaine et devait expier ce péché par la pénitence et la fidélité à Dieu, le seul qui pouvait potentiellement sauver son âme souillée.

Elle n'avait pas remarqué, parmi les navigateurs fluviaux, un homme dans un grand manteau de cuir brun, le visage dissimulé par un tricorne de cuir. Lui en revanche, il l'avait bien remarqué. Il n'était même plus capable de regarder ailleurs. Détaillant chaque parcelle de son corps de ses yeux charbonneux entourés de khöl, le jeune homme percevait parfaitement les lourdes boucles brunes sous son voile et ses formes harmonieuses sous sa large aube noire. Il resta interdit si longtemps qu'il eu l'impression que le temps s'était arrêté. Dire qu'il n'était sensé faire qu'une simple escale discrète...

Il suivit le cortège de loin jusqu'aux portes du couvent qui se refermèrent sur elle.

Pour la première fois de sa vie, il se sentait seul, vide et incomplet. Il voulait, plus que tout, revoir cette jeune fille. Sauf que c'était une nonne et lui, un maudit pirate. Jamais une personne comme elle ne pouvait être avec quelqu'un comme lui. Cependant, son compas magique pointait toujours le couvent.

A croire que son père et lui étaient des âmes maudites par le ciel.

Il revint plusieurs fois au même endroit sans trouver comment récupérer cette jeune fille. Ce fut lorsqu'il vit un groupe de médecins entrer dans ce qui ressemblait de plus en plus à une forteresse qu'il eut un plan génialissime. Il surveilla l'entrée pendant des heures derrière une bouteille de rhum. Quand, la nuit venue, il revit les hommes au long bec, il en assomma un discrètement, dans une ruelle sombre, et enfila son long manteau et son masque.

On le fit rentrer sans problème. Son plan devait être magique. A l'intérieur, les odeurs de jasmin et d'agrumes caressèrent ses narines. Il la repéra immédiatement, avec ses profonds yeux bruns et sa peau hispanique mordorée.

- Vous ! Cria-t-il sans trop savoir quoi ajouter. Hem...

La jeune fille se retourna vers lui.

- ¿Me? ¿Estás perdido, señor?

Jack fit appel à toutes les connaissances qu'il avait de l'espagnol, même si elles étaient trop maigres.

- Si, estoy buscando la salida. ¿Puedes ayudar me ?

Elle eut un petit sourire et le prit par la main. Ils allèrent dans un dédale de couloirs pour atterrir finalement devant une petite porte dans un coin de pénombre. Elle lui montra la porte et lui expliqua que de l'autre coté, se trouvait la rue. La jeune fille s'apprêtait à repartir quand il l'arrêta en l'attrapa par le bras. De sa main libre, il pointa son pistolet sur elle. Alors qu'elle allait crier, il l'attira contre lui et la fit taire. Sentir ce corps chaud contre le sien fit accélérer son coeur. Le Moineau l'entraina dehors, toujours avec un pistolet. Finalement, le pirate ne la relâcha que dans sa chambre d'auberge et se prit une gifle mémorable.

- Mierda ! Quien eres ?!

Il se sentait totalement ridicule.

- Capitaine Jack Sparrow. Bon, écoute, je sais que c'est bizarre mais je t'ai vu tout à l'heure et...

Elle était déjà en train d'essayer d'ouvrir la fenêtre cassée.

- Non mais attends quoi ! S'indigna-t-il.

- Qué ? Eres un pirato !

- Pero un pirato libre ! No quieres ser libre ? Fit-il en la retenant.

Elle eut un instant d'hésitation. Jack en profita pour lui demander son nom.

- Angelica, répondit-elle en regardant ailleurs. Solo Angelica...

- Tu n'as jamais rêvé d'être libre ?

Angelica ne répondit pas. Elle se contenta de le regarder dans les yeux en fulminant. En vérité, la jeune fille réfléchissait. Elle retira son horrible robe de nonne et la laissa tomber sur le sol. Son accent espagnol était terriblement prononcé. Elle sourit, vaincue.

- Les pirates ne s'habillent pas comme des nonnes n'est-ce pas ?

Pirates des Caraïbes : Sparrow's FlightOù les histoires vivent. Découvrez maintenant