Chapitre 7

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Cette histoire n'est pas la mienne.

Ce matin-là, il n'avait pas fermé la porte de sa salle de bain.

Ce matin-là, elle n'avait pas fait attention, en retard qu'elle était, et avait oublié de frapper.

Ce matin-là, l'équilibre s'écroula.

Elle poussa la porte comme une tornade et se figea net sur le seuil : il était torse nu, et bouclait son pantalon, dos à elle.

Alors, elle vit ce qu'il n'avait sûrement jamais montré à personne et ce qu'il aurait tout aussi certainement voulu continuer à cacher.

Son dos était meurtri, de la racine de ses cheveux jusqu'à la cambrure de ses reins. Les cicatrices tordaient les muscles déchirés, s'entrecroisant douloureusement sur chaque centimètre-carré de peau. Quelques bleus désormais verdâtres s'accrochaient encore à ses épaules. Boursoufflée, une ancienne plaie s'étalait, verticale, de son épaule à sa hanche gauche, épousant la torsion de son torse, striée de blanc et de rouge sur toute son énorme surface. Les autres étaient plus petites, s'étirant du blanc laiteux au violacé typique des plaies encore récentes, déchiquetant la peau, tailladant le corps autrefois si parfait de celui qu'on surnommait le Prince des Serpentards.

Les cicatrices découpaient son dos, ses bras, et probablement son torse, en un abject puzzle de souffrances et de sang, à jamais gravé dans la chair.

Elle pensait que Draco Malefoy avait souffert. Elle réalisait seulement aujourd'hui, à cette seconde précise, horrifiée, à quelle moins s'était trompée.

Il n'avait pas souffert. Il avait été minutieusement détruit, disloqué, brisé, par le Seigneur des Ténèbres ; torturé jusqu'à la limite de l'inconscience pour servir les caprices du mal. Et son père devait y avoir assisté, victime de la folie du Lord, impassible de lâcheté et d'horreur.

Il devait avoir tellement mal... Il devait hurler au moindre contact de ses vêtements sur sa peau à vif, chaque mouvement devait lui coûter des efforts surhumains pour maîtriser sa douleur et l'expression de son visage.

Elle fut saisie d'une brutale envie de le toucher, de toucher ce dos bousillé, d'y poser les doigts, tout doucement, d'effleurer la chair meurtrie. Redessiner ses cicatrices, palper cette énorme balafre de sa paume, y poser une main froide et tremblante, comme si ça pouvait apaiser le feu brûlant sous la peau.

Avant qu'elle ne puisse esquisser un geste, il se retourna vers elle, et elle vit son visage se crisper de rage et de colère tandis qu'il bondissait vers elle et lui saisissait brutalement le poignet. Elle aurait voulu hurler, lui crier de ne pas s'énerver, mais l'éclat furieux de ses iris de glace lui bloqua les mots dans la gorge. Sa bouche se tordait de haine et de dégoût -contre qui exactement ? Contre quoi ?- tandis qu'il broyait la chair de son bras avec tellement de force qu'elle sentit les larmes lui monter aux yeux.

Elle attendait un mot, un éclat de voix, un cri de rage.

Elle n'eut qu'une respiration haletante, erratique sous la colère, et une porte qui lui claquait au nez alors qu'il la jetait dehors sans aucune douceur.

Ce Malefoy là, ce visage de rage et de souffrance, c'était le Malefoy de la guerre.

Il sortit de la salle de bain quelques minutes plus tard, la cravate bien attachée et les cheveux coiffés. La démarche plus vive qu'à l'ordinaire, il la dépassa sans un regard, saisit son sac et s'en alla. Elle voulut le retenir, lui attraper le bras pour qu'il s'arrête une seconde, mais il se dégagea comme on chasse un moustique gênant. Et encore une fois, la porte claqua.

Alors Hermione fondit en larmes, d'horreur et de souffrance mêlées. Elle pleurait pour ce garçon qui gardait les yeux secs alors que la guerre se dessinait à même sa peau. Elle pleurait pour cet homme qui évitait son reflet dans le miroir et tremblait de rage à l'idée qu'on soulève son T-shirt. Celui qui devait craindre le regard des autres, qui devait savoir que son corps était désormais hideux, blessé et intouchable.

Ce Draco qui repoussait les avances de Pansy, parce qu'il ne voulait pas qu'elle le touche, ne voulait pas qu'elle le voit.

Elle pleurait pour lui, et les heures de douleur, de torture, qu'il avait dû endurer. Elle pleura longtemps en retraçant le réseau blanchâtre des marques sur ce corps sculptural, qui fut autrefois parfait.

Autrefois, dans un monde qui n'avait pas connu la guerre.

Et malgré elle, Hermione n'arrivait pas à éprouver de dégoût pour cet amas de chair détruite. Elle n'avait jamais regardé vraiment Malefoy avant. Il était blond, avec les yeux gris, et probablement très beau, jusqu'à la musculature déliée sous ses vêtements. Elle ne s'était jamais attardée. C'était Malefoy, le connard arrogant qui leur pourrissait la vie depuis leur premier jour à Poudlard.

Aujourd'hui, sous les néons froids de la salle de bain, elle avait découvert Draco. L'homme sous l'uniforme d'aristocrate. Le corps bien taillé, le port de tête fier, la cambrure du dos sensuelle. Les cicatrices, la nuque courbée par les épreuves et la douleur derrière la colère dans ses yeux, la peine de se savoir si laid et si faible face à elle, cette sale Sang-de-Bourbe amie de Potter.

Il y avait quelqu'un sous la carapace. Un être humain qui avait morflé comme chacun d'entre eux, sinon plus. Et quelque part en elle, un sentiment nouveau naquit, se déplia, s'infiltra dans ses veines, se heurta à la barrière de sa rationalité. Alors, assuré mais prudent, le serpent se lova dans ses entrailles et attendit son heure.

Ces matins là. | Dramione | Où les histoires vivent. Découvrez maintenant