Cette histoire n'est pas la mienne.C'était le début du printemps, la fin du mois de mars et ses violentes giboulées. Maussades, les élèves regardaient tomber la pluie, cloîtrés à l'intérieur du château. Mais Hermione s'en souciait peu.
Ce soir-là, Draco était rentré dans une humeur exécrable. Une telle colère émanait de lui que la jeune préfète n'osait pas bouger de sa chaise ni lever les yeux vers lui. Il s'était écroulé face au feu qui crépitait dans l'âtre, s'enfonçant dans un fauteuil aussi noir que son humeur. Elle n'avait aucune idée de ce qui avait pu provoquer un tel accès de rage chez lui.
Pétrifiée, elle s'était replongée dans ses devoirs d'Étude des Runes, une des rares matières qu'elle n'avait pas en commun avec son camarade, sans lui prêter plus d'attention. Comme toujours lors de ses crises, ça finirait par passer.
Mais cette fois, quelque chose lui fit lever la tête. Un soupir, une respiration plus forte que les autres. Un hoquet peut-être... Non... Interloquée, elle regarda Malefoy s'écrouler en pleurs acides. Son beau visage se tordit et les larmes dévalèrent ses joues, amères et salées. Aucun son ne passait la barrière de sa gorge, mais ses yeux étaient inondés. Et il la regardait, elle, d'un air si désespéré qu'elle ne put que se lever et s'approcher de lui.
Elle n'avait jamais remarqué que ses yeux n'étaient pas totalement gris. Ils se teintaient d'un étrange bleu saphir sous les larmes. Comme un ciel de nuit sous l'orage.
Elle s'agenouilla devant lui.
- Malefoy, tu me fais quoi là ?
Mais il s'agrippa à elle, incapable d'articuler un mot, ses yeux rivés dans les siens. Lorsqu'il la toucha, quelque chose remua en Hermione, quelque chose de profond et d'enfoui. Puis l'impensable se produisit.
Elle le prit dans ses bras et il ne la repoussa pas.
Au contraire.
Il appuya sa tête sur son épaule, serra sa manche dans ma main et pleura, pleura longtemps dans ses bras, sans trembler, sans sanglot, juste comme ça, avec ses larmes humides et chaudes qui gouttaient sur sa robe.
Envolée, la belle assurance de Draco Malefoy, ses artifices pour rester impassible et fier devant tout le monde.
Disparu, l'égo bétonné qui ne cédait face à personne, taisait sa souffrance et ne trouvait personne suffisamment intéressant pour s'abaisser à en être proche.
Disloqués les préjugés des Sang-Purs sur l'infériorité des né-Moldus, il n'y avait qu'un petit garçon en pleurs sur l'épaule d'une femme qui l'accueillait avec toute la tendresse du monde.
Écrasé, Draco Lucius Abraxas Malefoy, fils de Lucius Abraxas Malus Malefoy et Narcissa Druella Elladora Black. Ne restait que Draco, l'adolescent brisé par Voldemort, par la Guerre, par les mille et une cicatrices qui tailladaient sa chair, pleurant sur l'épaule de la seule personne qui n'avait jamais rien exigé de lui.
Ce jour-là, Pansy s'était faite particulièrement insistante, et Draco était un garçon comme les autres, avec les mêmes pulsions, les mêmes désirs. Il avait cédé, un peu. Elle l'avait embrassé, il s'était laissé faire. Il avait oublié un instant, sous la passion du baiser, l'image de Pansy relevant sa chemise et plissant le nez de dégoût.
Pourtant, ce fut exactement ce qu'il se produisit. Elle voulut glisser ses mains sous sa robe de sorcier, frôler son dos. Elle ne sut qu'arracher sa cicatrice encore palpitante et il s'entendit hurler de douleur sous le contact, affaibli dans sa maîtrise de lui-même par la chaleur du baiser. Elle n'avait pas compris. Elle avait insisté pour voir, pour savoir.
Et elle avait hurlé à son tour, avant de s'enfuir en pleurant.
Alors Draco s'était rappelé de tout ce qu'il était, tout ce qu'il avait raté. Le fils parfait de Lucius Malefoy qui n'avait jamais pensé à dévier d'un pouce du modèle paternel, jusqu'à là dernière seconde, celle où il regarda la Mort, sa Mort, droit dans les yeux, et comprit qu'il passait à côté de sa vie. Le fils gâté de Narcissa Black qui n'avait jamais eu à lutter pour obtenir tout ce qu'il désirait, et qui se retrouvait désormais sans rien, sans fortune et sans biens. Le Prince des Serpentards, respecté et craint, jamais aimé. Draco Lucius Abraxas Malefoy, traître à son sang, lâche et fils de lâche, amas de chairs déglinguées et répugnantes, tableau vivant de la Guerre et des erreurs à éviter.
Et les doux bras d'Hermione le berçaient, lentement, lentement, si lentement... Il se sentit bien, d'une façon tout à fait incongrue. Il se rappela la nuit sur ses genoux. Il se rappela son regard qui ne le rejetait pas. Il se rappela ses petits gestes, tous les jours, sa cravate qu'elle lui tendait, les livres qu'elle allait chercher à la Bibliothèque, les repas qu'elle faisait monter quand elle devinait qu'il n'aurait pas la force d'affronter les autres en bas.
Et elle restait à chaque fois avec lui, acceptant son silence, sans jamais lui demander plus que ce qu'il voulait bien donner, sans rien exiger de lui, sinon de nettoyer cette foutue salle de bain et de virer les chaussettes qu'il laissait en fait traîner pour le plaisir de la voir s'énerver.
Elle était là, chaque jour depuis des mois, sans râler, sans se plaindre, sans le plaindre.
Ils étaient ennemis depuis le premier jour, pourtant elle le laissait pleurer sur son épaule comme si rien ne s'était passé avant, comme s'il ne lui avait pas pourri la vie pendant sept ans, à elle et à ses meilleurs amis, jaloux qu'il était de cette amitié comme lui n'en avait jamais connu. Elle le prenait dans ses bras comme s'il n'avait ni tué ni torturé auparavant, comme si elle avait oublié qu'il n'était pas dans le bon camp pendant la guerre, qu'il s'était gouré sur toute la ligne depuis dix-neuf ans... Et putain, c'était long, dix-neuf ans...
Elle le garda contre elle longtemps, sans le toucher pour ne pas lui faire mal. Il finit par se calmer, s'endormant contre son cou. Elle fit apparaître une couverture, et se releva pour terminer son devoir.
Quelque part dans sa poitrine, le serpent se réveillait, et chauffait ses écailles autour de son cœur battant.
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Ces matins là. | Dramione |
FanfictionCe matin-là, il n'avait pas fermé la porte de sa salle de bain. Ce matin-là, elle n'avait pas fait attention, en retard qu'elle était, et avait oublié de frapper. Ce matin-là, l'équilibre s'écroula. Cette histoire n'est pas la mienne je ne fais que...