La Contrée des Brumes

Epilogue

La Pièce

Son allure est lente. Une multitude de questions se cognent aux parois de sa tête. Il a besoin de les évacuer par la parole.

Il pose la main sur son siège, le tire silencieusement et s'assoit.

Comme d'habitude.

Au moment où il s'assoit, les autres convives se lèvent et hurlent son nom comme s'ils n'étaient qu'un. Ils se rassoient finalement quand leur chef le leur intime d'un signe de la main.

Comme d'habitude.

Mais la suite sera différente de la routine. Si on suivait cette dernière, il se passerait des heures sans qu'aucun son ne sorte de leurs bouches. Ils finiraient par partir sans avoir pu débattre.

Telle était la politique morne du Roi des Démons. Il sent la révolte monter. Le manque d'action génère de la colère parmi son gouvernement.

Sa mission aujourd'hui est de faire part de ses récentes actions à ses confrères. Il espère ainsi maintenir son pouvoir.

Il espère que sa suffira.

- Mes chers collègues, déclare-t-il enfin, j'ai une annonce à vous faire. Il y a peu, j'ai séparé quelques humains de leur monde réel. Et devinez quoi ! je suis parvenu à isoler également l'individu qui nous empêchait d'aller en personne à travers le monde des humains !!!

Personne ne semblait particulièrement impressionné. Mais bon, les démons ne sont pas vraiment connus pour leur capacité à exprimer des émotions. Le chef continua son discours comme s'il avait été le meneur d'une manifestation :

- Après des millénaires d'attente, nous pourrons déferler sur le monde des vivants !!!

Toujours aucune manifestation d'ébahissement. Le Roi Démon perdit beaucoup de sa confiance en ces instants.

- Vous... vous... Vous voulez que je vous montre ? bégaya-t-il. J'ai réussi à envoyer un Messager là-bas. Attendez quelques instants que j'établisse la connexion...

Il fermât les yeux. Les contractions musculaires de son visage disparurent. Son esprit avait quitté son corps, en quête d'un nouvel hôte.

Un sourire apparut sur le visage de tous les autres démons. Un sourire sournois.

<Pour maintenir le corps en vie lorsque le démon utilise un Messager, il laisse une minuscule parcelle de son esprit dans sa tête, pour maintenir les fonctions vitales. Cela sert aussi, en cas de problème, à ramener instantanément le reste de l'esprit.>

Le plus grand des convives tira un violent coup de pied dans le postérieur de son chef, ce qui eut pour effet de le sortir de sa torpeur.

- Qu'est-ce qu'il y a ? balbutia-t-il.

- Ha ha ha, comment as-tu pu être aussi naïf ? rigola le grand démon.

- Comment oses-tu tutoyer ton chef ? gronda le Roi, d'une voix qui se voulait autoritaire.

- Tu n'es plus en position de force !!! Figures-toi que nous avons eu vent de tes actions. Et nous avons pris soin d'éliminer ton Messager, par l'intermédiaire d'un humain déjà présent sur l'île !!!

- Argh !!! Je me suis connecté à un mort, je suis condamné moi aussi !!! Qu'as-tu fait ? demanda-t-il désespérément.

- Oh, j'ai seulement tué un petit humain insignifiant. C'est toi par contre, qui as commis l'erreur de t'y connecter. Tu connaissais pourtant le sort funèbre de ceux qui essayent de posséder les morts !!! dit-il dans un rire dément. Et au cas où ça ne suffirait pas...

En laissant sa phrase en suspension, il saisit une longue lame, et dans un geste giratoire, lui plongea entre les côtes. Ils restèrent quelques minutes à contempler le cadavre de leur ancien chef comme s'ils ne réalisaient pas l'ampleur de leur acte.

L'assassin adressa quelques paroles à sa victime, bien qu'elle ne puisse pas l'entendre :

- Tu as voulu calmer notre colère, et tu y es parvenu, mais en sacrifiant ta vie !!! et le mieux, c'est que celui qui a tué ton Messager était celui que tu cherchais. Et puis, si ça peut te consoler, il est sûrement mort à l'heure qu'il est. En plus, la Terre et la Voie Lactée, bien peu pour nous ! nous visons bien plus haut !!!

Il se tourna vers les autres démons et hurla, les veines du coup tiraillées par l'excitation :

- Et maintenant, peuple de l'enfer, regarde ton nouveau Roi !!!

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Domicile Doc Curli

Il tient une feuille entre les mains. Les yeux de son patient sont révulsés. Il regarde sa bouche pleine de sang.

- William Stone est mort d'overdose à la morphine. Nous ne l'oublierons jamais.

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Une heure plus tard, la Falaise

- Oh my godness ! le pont est là !!! mais que faites-vous Mrs Stone ? NON !!! ne sautez pas !!!

Le corps désarticulé d'Amélie Stone gisait au fond du gouffre.