Chapitre 2

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Alors là, vous devez sûrement vous demander : Eh, mais Keila, c'est qui ce Tyran ? C'est quoi tout ce bordel ?
Pas de panique, je vais vous expliquer.
Après la fin de la Troisième Guerre Mondiale – qu'on appelle plus communément le " Grand Désatre " –, vingt ans sont passés pendant lesquels les survivants ont dû apprendre à vivre avec ce qui restait des terres et avec les climats qui ont été complètement bouleversés à cause des radiations et de la pollution - en gros, il reste plus grand chose de la couche d'ozone et il neige en Afrique, ouais. Avec ça se sont installés des gens qui se sont pris pour des dictateurs et qui ont décidé de régner sur des groupes de survivants en se départageant les différents territoires. Le village dans lequel je vivais était en périphérie de New York, qui fait parti du territoire du - je vous le donne en mille - Tyran, Jeff, de son p'tit nom.
Bref, maintenant que vous connaissez l'histoire, on peut​ rependre.
À l'entente des paroles de Pedro, tout le monde s'est précipité chez soi pour aller chercher de quoi se défendre en cas de pépin, hormis Barry qui se trimbalait toujours avec sa chère Bertha, un vieux pompe dont il prenait soin comme la prunelle de ses yeux. Enfin, de son œil, il était devenu borgne après une bête histoire de débris d'obus qu'il aimait ressasser dès qu'il avait besoin d'attention.
J'ai aidé Brook et Bane à planquer les bouts de carlingue d'avion sous un ensemble de lattes détachables sous le vieux matelas défoncé et jauni qui me servait de lit, ainsi que tout ce qui pourrait avoir de la valeur pour ses pillards de seconde zone.
Après ça, on est ressorti pour rejoindre les autres, Brook soutenant son père dont la jambe avait décidé de faire des caprices ce jour-là.
Les gars du Tyran ont débarqué en jeep eux aussi, tirant des coups de feu en l'air en criant comme des fous : niveau intimidation, c'était limite.
Il y avait deux véhicules pour sept mecs, tous habillés de la même manière : vieux pantalons, grosses​ chaussures militaires, un plastron en cuir avec des piques sur les épaulettes et un casque de métal pour certains. Le Tyran, qui était avec eux, était facilement reconnaissable avec ses deux mètres de hauteur et son ventre énorme difficilement engoncé dans son carcan de cuir.
J'ai du me retenir très fort de rire devant ce pathétique spectacle, mais un regard noir de Bane m'a de suite calmée​.
Le Tyran s'est avancé d'un pas lourd au milieu du demi-cercle que nous formions, et nous a regardé les uns après les autres. Son regard a fini par s'attarder sur Pedro avant qu'il ne se détourne et se mette à parler :

— Mes chers compatriotes ! s'est-t-il exclamé ironiquement. Je vous remercie de cet accueil chaleureux, je n'en attendais pas moins de vous. Maintenant, je veux mes sous.

Il y a eu un silence parmi nous, uniquement entrecoupé des marmonnements inintelligibles de Crazy Sue, une fervente pratiquante catholique originaire du China Town de New York qui était persuadée que tout ce qui était arrivé était une punition divine pour je ne sais quelle raison complètement loufoque.
George Parker a fini par s'avancer vers le Tyran pour lui tendre une liasse de vieux billets, le dur gagne-pain qu'il avait obtenu tout le long de l'année en vendant les légumes produits, lors du marché mensuel. Sue à fini par faire de même une fois sa prière finie et a donné l'argent qu'elle avait gagné en vendant des petites sculptures religieuses faites mains, ainsi que Barry, dont ses revenus venaient de la chasse et de la vente de peau.
Mais quand ça a été à notre tour aux Blackwell et à moi, nous n'avions rien eu à donner et j'ai senti que ça allait dérapé.
Ça n'a pas fauté : le Tyran s'est précipité vers moi aussi vite qu'il le pouvait avec son bide proéminent et m'a attrapée​ par les cheveux, aussi courts soient-ils.

— Alors, le vieux, qu'est-ce que tu vas me donner en échange de cette petite, hein ? Ce serait bête que je l'emmène avec moi pour qu'elle serve dans les bordels, n'est-ce pas ? Quoique, avec ce corps, elle aurait du succès, un peu petite et plate, mais...

Un frisson de dégoût et de peur m'a saisi et je me suis mise à me débattre avec l'énergie du désespoir.

— Lâches-moi, gros porc ! ai-je craché en essayant de retirer sa poigne de mes cheveux.

Pour toute réponse, il m'a flanqué une baffe qui a fait décoller ma mâchoire et m'a fait voir des étoiles. Je devais sûrement saigner du nez aussi. J'ai vaguement vu, au travers des petites tâches noires sur ma vision, Bane s'avancer d'un pas chancelant vers notre direction, tandis que les autres se retenaient d'intervenir pour ne pas causer plus de problèmes.
Nous étions un petit village qui peinait déjà à subsister, après tout, alors si le Tyran nous l'avait mauvaise, c'était la fin. Nous avions déjà eu vent de petits groupes de survivants qui s'étaient opposés à sa façon de faire et plus personne n'avait entendu parler d'eux après une visite de ses hommes.

— Je... Non, attendez ! s'est-il écrié d'une voix essoufflée, comme après une de ses crises de toux. J'ai de quoi payer dans ma maison, je... Brook, vas chercher tout ce qu'on a de valeur.

J'ai entendu des pas alors que j'essayais de retrouver une vision à peu près normale, les yeux fermés.
Ce salopard de gros tas m'avait pas manquée​ et une vive douleur irradiait l'ensemble du côté droit de mon visage et de mon crâne.
Quand j'ai de nouveau ouvert les yeux, Brook était de retour avec les anciens bijoux qui appartenaient à Patricia, sa mère.
À leur vue, j'ai de nouveau tenté de me débattre : les Blackwell ne pouvaient pas se séparer d'eux, ils étaient très importants car c'était la seule chose qui leur restait d'elle.

— Arrêtes de bouger, petite garce, sinon je te jure que ce n'est pas qu'avec qu'une simple baffe que tu vas t'en sortir.

Pour toute réponse, je lui ai craché mon plus beau glaire à la gueule avant de lui envoyer valser mon pied dans son service trois pièces.
Il s'est brusquement penché en avant et a relâché sa poigne autour de mes cheveux pour prendre en main ses parties douloureuses.
Avant que ses sbires ne se remettent de la surprise d'avoir vu leur Boss se faire rétamer pas une ado, j'ai détalé aussi vite qu'un lapin à travers les dunes de sable qui entouraient le village en faisant un large détour pour rejoindre la carcasse de l'avion. Je me suis cachée sous le tableau de bord, dans le cockpit, non sans oublier de saluer Francky le squelette.
J'ai inspecté rapidement mon visage de mes mains tremblantes à cause de l'émotion. Résultat des courses : ma lèvre inférieure avait éclaté sous le coup , mon nez saignait et ma pommette était légèrement ouverte et très douloureuse.
Putain !
J'ai fini par attendre un signal, n'importe quoi qui aurait pu m'informer que la voie était libre et que je ne risquais plus rien, en restant recroquevillée parmi les câbles et les composants électriques qui restaient. De nouveaux bruits de moteur se sont fait entendre près de moi avant qu'il ne s'éloigne vers l'est, vers New York. Un coup à retenti sur l'acier de l'avion quelques minutes plus tard et j'ai brusquement sursautée.

— Tu peux sortir, ils sont partis, a retenti la voix douce de Brook.

Je me suis redressée près du siège du pilote en poussant Francky au passage et je me suis penchée à travers l'ouverture pour voir Brook adossé sur le nez de l'avion.

— Quelles sont les conséquences de mes actes ? ai-je demandé d'une voix inquiète.

Brook a tourné sa tête vers moi et j'ai pu voir que son visage n'était pas dans un meilleur état que le mien.
Chier ! Ce gros porc l'avait frappé par ma faute ! La prochaine fois que je le verrai, je...

— N'y pense même pas, Keila, m'a coupé Brook alors que je remarquais que j'avais parlé à voix haute. Ce n'est pas de ta faute si nous n'avions pas eu le temps de réunir l'argent alors que le Tyran passait plus tôt. Tu sais très bien que papa n'était pas bien lors du précédent jour de marché, alors on devait rester avec lui au lieu de vendre nos pièces.
— Je sais, mais...

Il a passé une main dans mes cheveux avant de me sourire faiblement.

— Ce n'est qu'une dérouillée, Keila. Je préférerais en prendre des milliers si c'est pour te savoir en sécurité. Maintenant viens, les autres s'inquiètent.

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