Chapitre 4

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Pendant deux jours, nous avons suivi la Grande Route – anciennement appelée Route 66 – pour rejoindre New York.
Hormis au loin où l'on pouvait voir les buildings​ aujourd'hui en ruine, le reste du paysage n'était, comme dans presque tout le pays, qu'un vaste désert aride.
Sur la route, nous avions réussi à trouver quelques véhicules qui n'étaient pas à un stade trop avancé de rouille et avions pu chourer quelques pièces en plus pour les vendre en échange de médicaments et d'autres petits trucs, si possible.
On a passé la première nuit sous un promontoire en pierre et sommes arrivés en ville la deuxième.
La journée, je me servais de mon écharpe contre le Soleil brûlant en cachant un maximum de mon visage avec.
À l'entrée se tenait deux gardes armés jusqu'aux dents qui surveillaient les allées et venues des habitants et des vagabonds. À part nous jeter un mauvais regard, ils n'ont pas eu l'air plus menaçant que ça. Peut-être qu'ils n'avaient pas eu vent de ce qui était arrivé à leur Boss ?
Brook, qui était déjà venu avec les autres lors du marché annuel, m'a guidé à travers les bâtiments effondrés où la nature repoussait de manière désordonnée pour arriver jusqu'à ce qu'était autrefois Time Square.
Contrairement à ce que m'avait décrit Bane – la rue principale bondée de monde, les grands écrans lumineux des pubs, les artistes amateurs qui essayaient de se faire connaître dans la rue, les nombreuses boutiques en tout genre –, la rue était aussi dévastée que le reste de la ville, en plus des nombreuses toiles tendues entre des piquets pour faire un marché à ciel ouvert. Il y avait de nombreux étals qui vendaient de tout, mais surtout des armes ou autres objets de contre-façon qui n'auraient sûrement pas été légaux à une autre époque. Les vendeurs, hommes ou femmes, nous lançaient des regards peu avenants – ça devait être la mode dans le coin – et certains rapprochaient leurs mains de leurs armes diverses et variées.
J'ai raffermi mon emprise sur Bertha avant de rattraper Brook qui s'était éloigné pendant mon inspection des lieux.
Au bout de plusieurs minutes de ballade dans cette merveilleuse rue de coupe-jarret, Brook a fini par prendre une petite ruelle en cul de sac avant de toquer à une porte en acier blindé où était inscrit en grosses lettres​ :

                          ACHAT ET VENTE EN TOUT GENRE - ATTENTION, RECELEUR MÉCHANT

J'ai faillit rire, mais je me suis dit que c'était pas trop le moment quand un type baraqué comme un tank et tatoué de partout a presque arraché la porte en l'ouvrant.
Il a baissé le regard sur nous – faut dire qu'il faisait bien une tête de plus que Brook, et deux de plus que moi – avant de demander d'une grosse voix :

— C'pour quoi ?

Brook a simplement montré du doigt son chargement et mon sac où dépassait une batterie de Chevrolet Impala en gardant un calme olympien – c'était son talent, il avait une totale maîtrise de ses émotions dans n'importe quelle situation alors que moi, j'étais un tantinet trop expressive, juste un peu.
Bard, d'après l'étiquette cousue avec grand soin sur son bleu de travail, s'est simplement reculé pour nous faire passer et s'est accoudé derrière son guichet, faisant ressortir des biceps aussi épais que moi. Sur l'un d'eux était tatoué " MUMMY " avec un coeur transpercé d'une flèche tandis que l'autre était pris par une pin-up dans une position suggestive.
Sympa, le look.
J'ai aidé Brook à enlever les taules de son dos pour les déposer sur le guichet, accompagnées de la batterie, des fusibles d'avions et de voiture, et de la tête d'un missile.

— Si c'est encore utilisable, a dit Bard en montrant la batterie et les fusibles, j'peux v'les prendre pour dix pièces, sinon trois. Le reste, ça fera deux pièces par bouts d'féraille.
— Vous pouvez pas monter plus haut ? ai-je demandé d'une voix timide – il était impressionnant, le con. Il​ faut qu'on achète de quoi soigner notre père​ et...
— Écoutes, petite, m'a-t-il coupé. J'en ai rien à battre de vos histoires, j'ai un business à faire tourner et je suis le meilleur d'la ville. Si z'êtes pas contents, vous pouvez aller voir ailleurs, mais j'vous garantie​ qu'l'prix s'ront plus bas.

En fin de compte, on a vendu notre bordel au prix demandé et on s'est cassé. Le problème, c'est qu'on avait à peine la moitié pour acheter des médocs et on devait garder des sous pour la paye du loyer du mois qui tombait la semaine prochaine.
J'ai pris une grande inspiration et je me suis tournée vers Brook, qui s'était adossé contre un mur et qui regardait les trente pièces dans sa main.

— OK, on fait quoi maintenant ? ai-je demandé. Parce qu'on a largement pas assez, et à part voler ce dont on a besoin, j'vois pas trop ce qu'on peut faire. Ah, et j'aimerais éviter de tomber sur le Tyran aussi, ça serait cool.
— On parle de moi ? a demandé une voix qui m'a fait frissonner d'effroi.

Je me suis retournée​ vers la seule issue de la ruelle où se tenait le Tyran en personne.
Brook a rangé les pièces avant de reculer pour se mettre devant moi et de sortir un des flingues de Barry.

— Que crois-tu faire avec ça, petit con ? a-t-il demandé à mon frère en pénétrant dans la ruelle, une grosse masse – un moteur de moto attaché à un poteau éléctique – à la main.

Deux de ses hommes sont rentrés après lui, fusils au poing, et nous ont encerclés.
Là, on était dans la merde.

— Qu'est-ce que tu veux, gros tas ? ai-je craché – vu la situation catastrophique, autant y aller avec tout ce que je pouvais.

J'ai chargé Bertha et l'ai mis en joue. La poigne du Tyran s'est raffermie sur le manche de sa masse et j'ai senti le froid d'un canon de fusil sur ma nuque, entre mes cheveux et le haut de mon écharpe.

— Ce que je veux ? a-t-il répété en dévoilant un sourire​ édenté. C'est simple, je veux me venger !
— Oh, pauvre bébé, l'ai-je charrié en prenant une fausse voix compatissante. Ta fierté a été mise à mal et tu veux la récupérer en buttant une ado ? Bah l'est beau le principe, j'applaudis ! Vas-y, viens, ramènes ton cul, gros lard !

J'ai vu Brook se tendre devant moi en entendant mes paroles. Ils devaient sûrement penser que j'étais complètement folle alors que je cherchais un psychopathe, sans plan. Et il n'avait pas complètement tort, mais que voulez-vous ? Je n'ai jamais su me retenir face à une provocation, certains doivent s'en souvenir encore.
Avant que l'un de nous deux ait eu le temps de faire quoi que se soit, Gros Tas a fracassé le mur avec sa masse en hurlant. De l'autre côté, on pouvait voir Brad qui nous regardait d'un air ahuri en prenant la poudre d'escampette, peu pressé de nous aider ou d'avoir à faire au Boss de la ville.
Les deux, peut-être.
Profitant de cette​ légère diversion – à la vue de leur chef énervé, les deux gardes ont relâché leur attention sur nous –, j'ai choppé Brook au coude, je me suis faufilée sous un des bras levés​ de l'autre moche et j'ai filé à toute vitesse au travers de Time Square en traînant Brook derrière moi.
Les marchands se sont fait plus menaçants, croyant que nous étions deux fauteurs de trouble susceptibles de leur voler de la marchandise. Mais en voyant le Tyran et ses sbires nous courir après, ils ont du comprendre que nous étions un moyen de se faire du fric et une bonne réputation dans la ville.
Alors, au lieu de nous retrouver avec trois mecs au cul, on en avait une bonne petite vingtaine, dont certains courraient vite, les poignards​ à l'air.
C'est quand on est passé devant la tête couverte de fleurs de ce que qui avait été jadis la Statue de la Liberté que je me suis rendue compte qu'on s'était complètement paumé et j'avais pas vraiment le temps de m'arrêter pour demander mon chemin, même à Brook.
Ce n'est qu'après un temps infini de course que les cris et tout le vacarme derrière nous se sont tus.
Je me suis assise sur les marches d'un vieille immeuble effondré, les jambes en feu, le corps en sueur et le souffle haché. Brook n'était pas dans un meilleur état, mais lui ne montrait pas sa fatigue.
Foutu super pouvoir nul à la con !

— C'est où qu'on est ? ai-je ahané, trop fatiguée pour pouvoir formuler une phrase dans un américain à peu près correct.

Brook a observé les ruines environnantes où personne ne s'était réinstallé et a haussé les épaules. Super, on était vachement avancé avec ça.
J'ai soupiré et me forçant à me relever, peu désireuse de faire demi-tour. J'espérais juste que le Tyran était retourné dans son coin et que les marchands avaient oublié nos têtes.
Au détour d'un tas de décombres, sans prévenir, j'ai reçu un coup à l'arrière du crâne. Et pendant que la douleur se diffusait jusqu'à ma mâchoire en faisant vibrer mes dents, je suis tombée, évanouie.

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