Partie I - 12

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LOUIS

Louis plonge ses deux mains dans le pot de peinture bleu orage. Il se sent prêt. Il y a pensé pendant la nuit, pendant qu'il attendait Harry. Harry n'est jamais rentré. Ca arrive parfois, pas de quoi s'inquiéter. Il rentrera le cou parsemé de suçons violets et il rira un peu quelques heures, avant de s'allonger sur le canapé et de ne plus bouger.

Louis connaît la chanson à présent.

Lentement, pour ne pas mettre de goutte sur le parquet, il avance ses mains vers le mur, bien au milieu, et il les posent comme ça. Ses deux mains. Deux petites mains. Bleu orage. 

Il les retirent, regarde quelques secondes le résultat. Ça a l'air ridicule, au milieu de ce mur tout blanc. Alors il se retourne, et il prend la première photo posée sur le lit. C'est un cliché de la mer, avec le soleil qui se couche au milieu des vagues. Il l'a pris il y a trois jours, en se baladant avec Harry, avec le polaroid qu'il a retrouvé dans un placard. Il l'a colle au dessus de sa main. Et puis il prend une autre photo, cette fois c'est Harry, un matin, assis sur la table de la cuisine en train d'écrire un poème. Et puis encore une autre, c'est Harry et Louis, ils ne sourient pas mais ils sont tout les deux et Louis pense que c'est important, une photo où ils sont tout les deux. Il faut qu'il reste quelque chose, de ce lien bizarre qu'ils ont. 

Il recule de quelque pas. Trois photos autour de ses deux mains. Pour le moment ce n'est rien. Mais bientôt, dans quelques mois, peut être des années, ce sera rempli de souvenirs. Un mur blanc devenu gigantesque album photo.

Louis va se laver les mains. Il se sent un peu seul, dans l'appartement. Ce n'est pas que Harry est bruyant quand il est là mais... Sa présence résonne. Il y a quelque chose du cœur d'Harry qui est attaché aux murs. Et quand il n'est plus là c'est juste... Vide.

Louis lit un peu, assis sur le canapé. Il est presque dix heures. 

La solitude commence à creuser les pages de son livre alors il se lève.

Il va chercher ses chaussures et son manteau et il sort dehors. Il a toujours un peu froid, même quand il y a du soleil. Mais aujourd'hui ce n'est pas le cas de toute façon,  il pleut un rideau argentée qui rend le monde comme une aquarelle un peu floue. 

Louis marche jusqu'à la plage. Il n'y a personne dehors, le village est silencieux, comme lui même déserté de la présence de Harry. 

Louis descend dans le sable humide. Il se penche, s'agenouille, et puis il en prend dans ses mains. Le sable grossier qui glisse entre ses doigts, et puis reste aussi un peu dans sa paume, se loge dans toutes les aspérités de sa peau. Il s'en met sur les joues. Il faisait ça quand il était enfant. Parfois Louis voudrait revenir enfant. C'était plus facile. 

Il se relève. Il marche sous la pluie. Le ciel est devenu un nuage immense et uniforme. Il marche longtemps, longtemps, jusqu'à ce que son estomac semble devenir beaucoup trop creux pour le soutenir. 

Et pourtant, c'est aussi là qu'il l'aperçoit, Harry. 

Ce n'est qu'une tâche noire, mais Louis le sent le sait c'est Harry il n'y a que lui pour être comme ça allongé par terre sur une plage déserte. 

Il ne se précipite pas vraiment mais quand il arrive à la hauteur de Harry il commence à avoir peur. Harry est immobile et il semble dormir. Il a le visage couvert d'eau et ses vêtements sont trempés aussi. Louis se demande depuis combien de temps il est là, ou si cela fait une éternité, comme le temps semble ne pas avoir d'emprise sur Harry. 

Il le touche. De bout des doigts, il caresse son visage. Sa peau est encore chaude, d'une chaleur innocente au reste du monde. Puis Louis le prend dans ses bras comme il peut. Il le serre pour le réveiller. Il ne sait pas si c'est le bon geste, mais il ne voit que ça, serrer son corps contre le sien pour lui rendre la vie. 

Harry tousse d'abord. Il tousse beaucoup. Puis il se met à grelotter d'un seul coup. Il n'a pas ouvert les yeux mais c'est comme si déjà, dans la force de l'étreinte, il avait reconnu Louis. Il dit son prénom plusieurs fois, et Louis le berce comme un bébé. Il embrasse sa tempe, il lui dit que tout va bien, que ce n'est rien, que tout peut s'arranger. Il dit ça sans savoir si ça a un sens, il dit ça parce que c'est ce qu'on dit, le plus souvent. 

Ils finissent par se relever. Harry n'a toujours pas ouvert les yeux, comme si il ne voulait plus faire face au monde. 

Louis comprend ça.

Alors il ne dit rien, il se contente de le guider comme un chien d'aveugle. Ils remontent toute la plage, le ventre de Louis vide et le corps de Harry, vide. 

Ils retournent à l'appartement.

Louis installe Harry sur le canapé. Il dit :

-Tu peux ouvrir les yeux.

Mais les paupières de Harry restent closes. Louis comprend. Il va falloir du temps, sûrement. Un temps nécessaire pour que Harry accepte qu'il y voit toujours, et que rien n'a changé. Alors il se contente de s'occuper de lui. Il lui enlève ses vêtements mouillés. Il lui enfile un jogging, un gros sweat à capuche. Il va chercher le sèche cheveux et il s'occupe des boucles de ses cheveux trempés. 

Harry s'agrippe à lui. Il se met à pleurer. Les larmes sortent de ses yeux clos. Louis n'a jamais vu Harry pleurer. Pas en plein jour. Il a mal au cœur. Il lui semble qu'il regarde la lune fondre sur elle même. Il serre Harry contre lui. Ils sont agrippés l'un à l'autre, le sèche cheveux qui tourne dans le vide posé sur le sol. Harry respire le cou de Louis, il le respire si fort que son odeur lui fait tourner la tête. Des larmes partout sur la peau, qui coulent qui s'éparpillent.

Harry pleure et il dit en pleurant :

-Je ne veux pas mourir.

Louis comprend. Il comprend tout quand c'est Harry qui le dit. Alors il ne lui répond rien. Il n'a rien  à dire. Il n'y a rien qu'il puisse dire, pour atténuer sa souffrance. 

Il se contente de le serrer encore, fort.

(un jour) - Larry StylinsonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant